Gabriel (Chapitre 171)

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Je contemple le ciel dans un effort dérisoire de rendre la situation moins dramatique. Dynamite nous a déposés, Maly et moi, en haut d'une tour dont tout l'intérieur est visiblement en proie aux flammes... Une chance ou un miracle selon les critères qu'elle ne se soit pas encore écroulée.

Je suis devant l'escalier permettant de gagner l'intérieur et la chaleur m'oblige à rejeter la tête en arrière. Je me tourne vers Maly, conscient du fait que je demande des conseils à un robot à la peau violette et loin d'être tout à fait raisonnable... Toute cette aventure est décidément très mal partie.

Je soupire avant de rapidement prendre la parole.

-Bon, qu'est ce qu'on fait maintenant ?

-Du shopping ?

Un jour, je vais l'étrangler... Enfin, au sens figuré bien sûr. Quoique... Si elle continue à me sortir des blagues aussi stupides... Je prends posément ma respiration pour affronter ensuite plus calmement son regard électronique.

-Les blagues de ce genre, pour plus tard s'il te plait. On a une décision à prendre... Attendre que la tour s'écroule, ce qui ne devrait pas tarder, et mourir d'une chute de plusieurs milliers de mètres, ou tout simplement se lancer dans une mission suicide à l'intérieur dans la tour en feu pour tenter de peut être atteindre la rue en bas... On meurt dans les deux cas, et pas agréablement.

Maly hausse un sourcil, avant de demander tranquillement :

-Heu... Il est ou ton choix ?

-J'ai clairement énoncé deux propositions...

Elle lève les yeux au ciel avec un demi sourire avant de tout à coup redevenir terriblement sérieuse.

-Bon, il me semble qu'on a rien à perdre si j'ai bien suivis ton petit exposé, non ? Alors va pour les escaliers...

Je tente de ne rien dire mais mon regard me trahit. Mes yeux regardent avec anxiété la lueur rouge qui s'échappe de l'endroit qui représente notre dernière chance. Je ne m'y connais pas en probabilités mais je jurerai que nos chances de nous en sortir sont à peu près nulles. Azylis risque de m'en vouloir, c'est sûr... Allons, mon superbe humour ne m'a de toute évidence pas quitté, tout va pour le mieux alors. Je hausse les épaules et avance fermement de deux pas vers les escaliers avant de poser le pied sur la première marche.

-Ok Maly... C'est là qu'on va voir si le destin est de notre côté...

J'avance de quelques pas en sentant la chaleur augmenter avant de brusquement me retourner.

-Qu'est ce que tu attends ? C'est ton idée, tu te rappelles ?...

-Non, mon choix. Et Lydie n'a pas peur elle... Enfin, proportionnellement à moi.

Je lève les yeux au ciel, exaspéré que dans un moment aussi critique, nous perdions encore de précieuses minutes à parler de sa double personnalité. Je décide pourtant de jouer le jeu et la questionne, possédé de l'espoir de la décider enfin à bouger.

-Tu n'as jamais peur Mahaut ! Alors pourquoi cette fois-ci ?

Elle esquisse une rapide grimace avant de s'approcher lentement de moi et de poser le premier pas sur l'escalier. C'est toujours ça de gagné.

-C'est pourtant simple. D'habitude, je suis pratiquement invulnérable. Là, au milieu d'un lieu surchauffé, tu es beaucoup plus fort que moi. Tu n'as aucun risque de voir tes circuits intérieurs fondre à cause de la chaleur toi !

C'est sûr, vu comme ça, la situation prend tout de suite un petit côté que je ne peux m'empêcher de trouver comique. Jusqu'au moment où mes yeux croisent ceux de Mahaut et qu'un dangereux tremblement parcourt tout l'édifice. La tour va bientôt lâcher.

-Ok Mahaut, je ne risque pas de fondre mais moi, je peux étouffer avec les gaz. Toi, aucun risque. Laisse les commandes à Lydie et dépêche toi de me suivre, on ne peut absolument plus attendre si on veut rester en vie.

Cette fois-ci, je me rue dans les escaliers sans attendre ni réfléchir. Ils s'enfoncent en colimaçon à l'intérieur de la tour. Petit à petit, au fur et à mesure que je dévale les marches, je sens la chaleur et la fumée suffocante avoir raison de moi. Je retire mon pull et le met rapidement autour de ma tête, tentant de me protéger de manière peu efficace contre l'incendie et surtout les vapeurs toxiques.

Nous avons dépassés les combles et traversés plusieurs pièces dont les murs étaient intégralement en feu. Chaque palier indiquant que nous avons passé un étage est une victoire. Maly me suit sans me perdre des yeux, et je ne peux m'empêcher d'en être terriblement rassuré.

Elle seule pourra résister suffisamment longtemps aux fumées... Moi, je sens déjà ma respiration se transformer en un long râle difficile.

Combien avons-nous passé d'étages ? Dix, au grand maximum ? La tour en fait dans les cinq-cent...

L'escalier tourne en colimaçon et arrive à chaque palier qu'il faut ensuite traverser pour ouvrir une porte qui donne sur l'escalier suivant. Lorsque j'arrive au palier numéro quatre-cent-quatre-vingt-dix, je comprends en un instant que nous allons avoir un sérieux problème. L'escalier suivant est en feu...

Alors qu'ils semblaient jusque là à peu près miraculeusement épargnés, le feu est en train de tout gagner. Je tombe et me raccroche au mur dans mon dos. La tour a bougé... Vraiment.

Je sens une sueur froide me couler lentement dans le dos. Mes mains sont poisseuses et je sens mon regard redevenir fou, animal, comme lorsque j'étais dans ma prison, sans aucune chance de jamais m'en sortir. Maly est derrière moi et je fixe ses mains d'un regard distrait et éteint.

Tout est fini... La seule solution consisterait à remonter les étages que nous venons de descendre. C'est impossible. J'avise alors plus attentivement l'objet avec lequel Maly joue nerveusement.

-C'est quoi ça ?

J'ai dû hurler pour couvrir le bruit de la tour en flamme. Le plancher ou je me tiens vient de céder deux mètres plus loin. Et les flammes commencent à dangereusement s'approcher. Maly me regarde fixement, puis me répond rapidement.

-Un câble et les crampons qui vont avec.

-Tu ne pouvais pas le dire plus tôt ? On a peut être encore une chance... Ou as tu eu...? Oh et puis aucune importance...!

J'arrache presque des mains de Maly le câble et traverse rapidement le palier. L'un de mes pieds s'enfonce dans le plancher et j'arrive de justesse à garder mon équilibre et à ne pas dégringoler à l'étage suivant. J'atteins enfin le point qui m'intéresse : l'unique fenêtre de l'endroit.

Maly me dévisage avec inquiétude après m'avoir rejoint. Un fin sourire malicieux vient pourtant éclairer ses traits.

-Tu veux qu'on sorte par la façade... Qu'on s'accroche au mur d'une tour de plusieurs milliers de mètres...

J'acquiesce en silence, arc-bouté a la fenêtre pour tenter de l'ouvrir. Elle s'ouvre. Je me penche à l'extérieur pour regarder ce qui nous entoure. Le chaos bien sûr... Mais surtout le vide.

Plusieurs milliers de mètres de hauteur a dit Maly. C'est le moment de le vérifier.

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant