Intemporel T1 & 2

Chapitre 25 : Gabriel

Je n'ai pas le temps de m'attarder sur mes pensées. Comme toujours d'ailleurs. L'aéronef arrivera bientôt à destination...

Je serre les dents. Si je veux fuir, la première chose à faire est évidemment de prendre son écran de contrôle au garde... Sans qu'il s'en aperçoive !

Pas si facile... Mes mains menottées ne me facilitent pas beaucoup la tâche non plus... La poche du garde... Mes yeux sont désespérément tendus vers ce but ultime.

Un sourire m'échappe en pensant aux pickpockets de métiers... Combien j'aimerai aujourd'hui avoir les talents de ces petits voleurs sans envergure !

Ma main se glisse dans la poche de son blouson. Je crispe mon visage, attentif à tout changement d'attitude chez mon surveillant. Mais celui-ci est captivé par le paysage qui défile.

Je retire lentement ma main. Je me recale au fond de mon siège. Il réagit enfin et me lance un long regard soupçonneux. Je le fixe en silence. Comment pourrait t-il savoir que dans ma main se tient peut être la voie de mon salut ?

Mes doigts sont crispés sur la surface de l'écran que je tente de cacher. Le garde détourne son regard. Je tente avec mes mains malhabiles de déverrouiller le petit objet. Ouf ! Imprudence grave, il n'y a pas de code...

Mes doigts tapent déjà sur l'application. Le trajet s'affiche à l'écran. Celui que nous suivons... Et celui que je suis en train de programmer !

Une goutte de sueur me perle sur le front. Mon doigt appuie sur le petit encart vert. Le trajet est modifié. Mais rien n'est encore gagné. Avec nervosité, je jette un coup d'œil au garde.

Comment me débarrasser de lui ? Je contemple pensivement l'écran dans ma main et les quelques leviers du tableau de bord. Je peux peut être tenter quelque chose...

Mais le temps presse. Déjà, le garde se retourne vers moi, une lueur inquiète au fond des yeux. Un peu de colère aussi. Il vient de se rendre compte que nous ne suivons plus la bonne route...

Sa main plonge dans sa poche. Il devient blême.

-Rends moi ça, vaurien !...

Sans attendre, je jette par-dessus bord l'écran qu'il vient d'apercevoir dans ma main. Il tente un geste désespéré et se rue vers un bord de l'engin pour le rattraper. Les choses se précipitent alors.

Il est en déséquilibre. C'est le moment ou jamais. Froidement, je le pousse violemment. Au dessus du vide. Il se rattrape à l'arrière de l'aéronef.

Les yeux en feu, ivre d'une liberté imaginaire, je réussit à rentrer le pilotage à la main. C'est heureusement un engin spécial, ou ce genre d'option est possible...

Le garde est toujours un danger de mort. Il s'accroche désespérément. J'hésite un instant à mettre l'aéronef en position verticale pour le faire décrocher. Mais l'horreur me saisit brutalement. Suis-je le monstre que je peux voir maintenant à travers mes actions ?

Je me retourne vers l'homme. Je vois la terreur dans son regard. La certitude que je ne l'épargnerai pas. Non. Je peux changer. Je ne suis pas qu'un assassin. Pour couvrir le bruit du vent je hurle :

-Accroche-toi !...

Je vois l'incertitude puis l'espoir s'allumer dans ses yeux. Malgré sa position précaire, ses doigts se resserrent un peu plus sur la barre de fer de la plage arrière.

Je trouve alors ce que je cherche. Le toit d'un bâtiment. Plat. Je m'y dirige. Sans que j'ai besoin de me retourner, le garde a parfaitement compris. Il se laisse tomber et se reçois heureusement plutôt bien. Il a préféré sauver sa vie qu'accomplir un inutile acte d'héroïsme en tentant de reprendre le contrôle de la situation... Désormais, je suis libre, totalement libre... J'ai de nouveau ce sentiment d'ivresse qui m'envahit.

Que faire ? Ou aller ? Je n'ai pas trente six mille solutions... Il faut que je retrouve Azylis. Et surtout ma machine spatio-temporelle. Je réprime soudain un juron. Mais oui ! Elle a gagné la loterie... Dans quelques jours au plus tard, elle sera sous les feux des projecteurs...

Pas pratique pour un prisonnier en fuite... Et moi, je n'ai que sept jours devant moi. Une loi de mon pays interdit de faire rechercher quelqu'un par les robots avant ce délai. C'est une vieille loi, et j'en ignore les origines. Mais aujourd'hui, elle va me servir... Pour la deuxième fois.

Je grimace. Je n'ai plus le choix. Il faut que je me cache jusqu'à avoir un plan quelconque en tête. Mais ou ? La forêt... Je frissonne. Combien de fois serais-je condamné au sens propre du terme à errer au milieu de ces arbres et de ce fichu climat ?... Je déteste la forêt. Mais je n'ai plus vraiment le choix... L'ai-je eu un jour d'ailleurs ?

***

-Princesse ?
Édilyn regarde d'un œil froid le messager qui vient d'arriver.
-Primo, on toque à la porte, ensuite, on attend mon autorisation pour parler... Ça vous va ?

Silencieux maintenant, l'homme hoche la tête. Il est nouveau dans ce service. Il va apprendre à regretter ses activités passées... Edilyn reprend.

-Bien, qu'avez vous à dire ?

-Juste que... Le prince Gabriel s'est échappé de prison lors de son transfert et...

-Non ! Ce n'est pas vrai !... Allez-vous-en, loin d'ici, et attendez que je vous appelle...

Il s'en va sans demander son reste. Déjà, à la simple idée de se retrouver de nouveau face à cette furie, son estomac fait des bonds de frayeur... Edilyn, seule maintenant dans la pièce, fixe d'un œil rageur le ciel qui ne lui a pourtant rien fait.

-Il faut toujours que tu contraries mes plans, hein ? Mais ça ne se passera pas comme l'autre fois...

D'un pas furieux, Edilyn sort en trombe de la pièce. Les portes claquent. Ses pas résonnent dans les couloirs. Le salon privé. Juste avant que ses parents ne se retournent vers elle, elle a le temps de voir le joie qu'ils ne peuvent plus contenir illuminer leurs visages...

-Vous êtes contents qu'il se soit échappé une nouvelle fois ? Non parce que ça montre juste à quel point notre police est incapable...!

La reine s'approche de sa fille qu'elle n'arrive pas toujours à comprendre. Ne devrait elle pas se réjouir elle aussi ? Mais dans le cœur d'Edilyn, il n'y a plus qu'une flamme qui brûle : l'attrait du pouvoir. Ils sont trois dans la pièce, à partager un déluge d'émotions diverses...

-Edilyn... Tu ne sais pas le plus beau...

Sans même regarder sa mère, la jeune fille réponds d'une voix acide.

-Ah non ? Et qu'est ce que c'est alors ?...

-L'opinion publique a radicalement changée. Elle est maintenant en sa faveur.

Edilyn sursaute. Ça, ce n'était pas prévu au programme.

-Quoi ? Mais pour qu'elle sotte raison ?

Elle croise le regard de son père. Elle le sent. Cette fois-ci, elle est allée trop loin... Sa mère lui réponds cependant.

-Il a épargné dans sa fuite un garde qui était pourtant un danger... Alors, c'est que son cœur a changé !

La joie illumine les yeux des deux parents. Leur fille tente de cacher sa fureur.
Alors, tout compte fait, même s'il est rattrapé, il a maintenant une toute petite chance d'échapper à la peine de mort...

A elle de se débrouiller pour ruiner cette petite parcelle d'espoir restante...