J'ai signé leurs papiers sans vraiment faire attention à ce que je faisais. Les souvenirs m'avaient rendu les mains moites de sueur et je devais crisper mes lèvres pour retenir ma tristesse et ma colère.
Maintenant, de nouveau dans ma cellule, je repense à Azylis. Je m'adresse à elle en pensée et un petit sourire crispé se fraye lentement un chemin de mon cœur à mes joues où il apparaît doucement.
Si seulement elle savait comme je l'aime...
Ces simples mots me hantent. Ils me tournent dans la tête sans que je puisse les arrêter. De temps en temps, j'en veux à Azylis de cet esclavage de mon esprit. C'est ridicule n'est-ce-pas ? Qui pourrait comprendre la douleur insoutenable qui m'habite continuellement comme un feu brûlant ?
J'aimerais tout savoir, ce qu'elle fait en ce moment, à qui elle parle, qu'est-ce-qu'elle pense... Ma raison ne peut plus suffire à me calmer et mes doigts se crispent malgré moi pour tenter de trouver un échappatoire à tout ce qui me traverse.
J'aurais sans doute dû lui dire à quel point elle comptait pour moi. Mais je ne l'ai jamais fait. En tout cas jamais avec des mots... Je suppose que mon attitude devait parfois laisser échapper mes pensées. Toujours dans ma cellule, assis par terre, j'attends impuissant que les minutes passent...
Loin d'Azylis, il me semble que tous les jours se ressemblent... Je ne vis que dans l'espérance de la revoir... Ainsi que ma famille et Aevin. Nos séparations me minent de l'intérieur, particulièrement celle-ci. Azylis...
Sait-elle seulement qu'elle est l'une des rares personnes dont le jugement me fasse vraiment peur ? Que pense-t-elle de moi ? Que pensera-t-elle de moi quand elle saura... Mais elle le sait sans doute déjà. Je suis un assassin. Oh ! Azylis !
Si elle était là devant moi et que je pouvais la supplier de me pardonner, je n'hésiterais pas à vaincre ma maudite fierté pour le faire. Si seulement elle savait comme je l'aime... Parfois, je me sens ridicule, seul, avec la hantise qu'elle ne partage pas mes sentiments...
Alors, encore et encore, je tente de la comprendre. Et d'espérer. Ce n'est pas facile... Qui a bien pu dire un jour que l'amour rendait heureux ? Certes, peut-être, quand on est pas prisonnier derrière ces murs... J'aimerai pouvoir rêver à l'air libre, loin d'ici, loin du monde qui nous entoure.
J'aimerai... Lentement, je reviens aux réalités du présent. Mon esprit est toujours empli de mille pensées qui se heurtent les unes aux autres... Combien de fois ai-je pensé cette petite phrase ? "A quoi bon..." Pourquoi me battre contre la vie qui me rejette ?
Pourquoi... Parce que j'ai toujours cet espoir fou qui me serre le coeur. Si elle m'aime, je suis prêt à raser des montagnes. Pourtant, on ne peut pas dire que cet amour soit digne de figurer dans un roman. Combien de fois ne nous sommes nous pas violemment heurtés !
Combien de fois ne lui en ai-je pas voulu pour des riens... L'amour me rend fou, me dévisage, me change, me renverse le cœur. Après ça, je ne serai plus jamais le même... Il me semble parfois que, dans ses mains, elle possède la clef de mon bonheur. Dans mon esprit, puisque je ne peux plus vraiment lui parler, je la supplie alors.
Malgré tout ce qu'Azylis pourrait entendre, malgré tout ce qu'elle pourrait bien voir, malgré tout cela, si seulement elle pouvait me donner une chance de m'expliquer ! Et ne pas m'abandonner...
Dans l'ombre de ma cellule, la tristesse et l'amertume s'engouffrent dans mon cœur. Sans vraiment le vouloir, je baisse la tête en silence et la pose dans mes mains sur mes genoux repliés. Je donnerai ma vie pour elle... Et j'ai peur... Tellement peur de sa colère, des incompréhensions qui nous lient maintenant... Si un jour je la revoie, que nous dirons-nous ?
Adieu ? Ma fierté me laissera-t-elle vraiment tenter de la retenir ? Pourquoi ai-je tué Sady ? Par défi ? Par peur du gouffre ? Par ennui ? Ou tout simplement parce que mon cœur vide ne croyait plus en rien... Je ne sais pas exactement à quel point Azylis a changé ma vie.
Mais je sais qu'elle l'a fait. Parce qu'en la voyant, j'ai compris. Compris qu'il existait quelque chose de bien plus beau que tout ce que j'avais pu vivre jusqu'ici... Elle a modifié mes gestes, ma façon de penser et de raisonner à un point qu'elle ne peut même pas imaginer.
J'ai appris à dompter mes colères et à aller plus vite à l'essentiel. J'ai appris tant de choses dont j'ignorais seulement l'existence... Je grimace dans l'ombre. Il n'y a personne pour entendre les cris silencieux de mon âme, mes peurs, mes révoltes... Qui voudrait entendre l'appel d'un prisonnier ?
Je veux la retrouver. Je veux fuir cette sombre prison. A n'importe quel prix. D'un geste mécanique, ma main effleure une nouvelle fois ma cicatrice. Le souvenir d'une balle. Elle est passée si près ! Qu'avait dit le médecin déjà ? Dommage qu'elle ne nous ai pas débarrassée d'un criminel ?
S'il y avait quelque chose à casser dans ma cellule, il serait déjà en morceaux sous le poids de ma colère et de mes doutes... Mais je n'ai que mes poings à serrer, ma tristesse à cacher, et mes yeux pour pleurer, seul au fond de ma cellule, dans l'ombre. Oui, c'est décidé, je prendrai la fuite. A n'importe quel prix.
Un éclat métallique traverse mes yeux. Ma mâchoire se crispe. Je reprends mon air de prince des ténèbres. Mais au fond, suis-je autre chose ? S'il y avait la vie d'un homme entre moi et la liberté, que ferai-je ? Je n'ai pas la réponse mais cette seule perspective me glace un instant d'effrois avant que je ne me secoue mentalement et laisse mon esprit dériver sur d'autres sujets. J'entends alors comme au milieu d'un rêve le cliquetis des clefs dans la serrure. Ma porte s'ouvre. Un garde qui m'est totalement inconnu entre dans mon petit domaine.
-Debout, dépêche-toi ! Suis-nous...
Ah. Ils sont deux... Je réprime un sourire froid. Devant mes yeux cet homme a eut un geste de recul. A-t-il eu peur du vide qu'il a sentit en moi ? De nouveau le couloir... Quand donc cessera-t-on de me faire faire des allers-retours ? Est-ce enfin le commencement de ce fichu jugement ?
En tout cas, véritable motif de joie, on me conduit vers l'extérieur. Dans le hall, l'un des garde me serre brutalement avec des menottes les poignets. Je crispe mon visage, cachant ainsi ma souffrance. Un nouveau venu arrive. Je me tourne vers lui et le dévisage. L'oncle d'Aevin. Et malgré tout mes efforts, je ne peux m'empêcher d'ajouter pour moi-même : et celui de Marguerite... Il se plante devant moi, la mine soudain grave.
Ses yeux de fou me semblent aujourd'hui empli de doute et... Oui, de compassion. Et quelque chose dans cette attitude me touche, me prouvant ainsi que je ne suis pas qu'un cœur de pierre. Je sens ma carapace de dureté se fendre, se briser jusqu'à disparaitre. Il est en train de me pardonner... Il prend la parole en s'adressant uniquement à moi et non aux gardes. Je plante mes yeux dans les siens, tentant de lui faire comprendre autrement que par des mots ce que je ressens. Un début d'amitié. Un recul du côté noir de mon âme...
-Prince Gabriel... Votre jugement débute demain et vous allez changer de prison. Le transfert s'organise maintenant vers une unité proche du tribunal...
Je serre légèrement les dents et je dois me retenir de lever la main vers ma cicatrice. Un geste trahissant toujours mon désarroi et ma nervosité.
-Bien...
Que dire d'autre ? Un instant mon interlocuteur hésite puis se décide à se retourner sans me répondre. Il fait maintenant deux fois son âge, quand il s'éloigne au fond du couloir... Les gardes me font signe d'avancer. Avec une immense surprise, je constate dehors que l'aéronef qui nous attend n'a que deux places.
D'après l'hésitation des gardes, c'est une erreur de commande. Vont-ils prendre deux minutes pour en appeler un autre ? Mon cœur bat soudain un peu plus vite. Non. L'un d'eux hausse les épaules et fait signe à son collègue d'avancer et de s'installer dans l'engin. Obéissant, je le suis tout en tentant de calmer mon rythme cardiaque qui s'affole. L'aéronef démarre. Je jette un coup d'œil à ma prison qui s'éloigne. L'oncle d'Aevin y est-il pour quelque chose dans cette erreur de commande de l'aéronef ? Qu'importe. Je le sais maintenant. C'est l'occasion ou jamais.
D'essayer de prendre la fuite...
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Intemporel T1 & 2
Science FictionLorsque Gabriel disparaît de façon soudaine de sa vie, Azylis se lance à la recherche de réponses. Mais ce qu'elle va découvrir dépassera de beaucoup tout ce qu'elle avait pu imaginer... Et le temps, impitoyable, s'égrène à une vitesse délirante. Ca...