Une petite pluie fine tombe sur la clairière. L'entraînement est finit pour aujourd'hui.
Alors que toute mon équipe a regagné notre quartier général, j'ai choisis de rester seule un petit moment face à ma panthère.
Agenouillée près de la cage, je tente d'attraper son regard mobile.
J'ai froid à cause de la pluie mais aussi à l'intérieur de moi-même. Ce combat perdu, ce n'est pas vraiment ce qui m'a déchirée intérieurement.
Non, c'est de me rendre compte que pour la première fois depuis des années, je n'ai pas su faire face aux autres. Je n'ai pas su réagir. Je n'ai pas su répondre.
Jamais je n'ai eu autant envie de détruire quelque chose que maintenant. Je suis en colère, mais contre moi-même. Je suis triste aussi.
Mais je veux me battre, je veux retrouver ce que j'ai le sentiment d'avoir perdu. Une certaine confiance en moi, tout simplement.
Presque en tremblant, j'allonge la main vers la cage. Ma panthère grogne. Deux larmes de tristesse et de colère roulent sur mes joues.
Je n'ai pas su répondre. Et ça me ronge de l'intérieur, ça me détruit chaque fois un peu plus.
Je passe la main entre les barreaux. Je n'ai rien à perdre désormais. Mes doigts entrent en contact avec la fourrure soyeuse.
Bir-Hakeim pousse un grognement menaçant mais ne bouge pas d'un poil. Ma main la caresse doucement. Je m'enhardis. Lorsque je la gratouille délicatement derrière les oreilles et que le fauve se met à ronronner, je comprends que j'ai gagné cette partie.
Un sourire m'échappe. La pluie ne s'est pas arrêtée mais il y a un petit rayon de soleil.
J'ignore s'il est effectivement arrivé à ce moment là comme par magie ou si je ne le remarque que maintenant mais en tout cas, il me réchauffe le cœur.
-Tout doux Bir-Hakeim...
Je me demande un peu pour qui je parle. Pour le fauve ou pour moi ? Tout ce que je sais c'est que je me sens bien mieux maintenant.
J'ai craqué pendant un petit moment, ça m'a soulagée, et je peux maintenant continuer. Les autres ne connaîtront jamais que la Thaïs de bonne humeur. Même si c'est parfois très dur à porter.
Je me lève. La panthère fait de même dans sa cage trop petite. Je l'observe attentivement. Elle a l'air d'aller parfaitement bien maintenant.
C'est peut être le moment de la relâcher... J'ai à cette idée un petit pincement au cœur. Pourtant, je ne vais pas éternellement reculer l'échéance.
Pourquoi ne pas la relâcher ici ? Je doute qu'elle attaque l'un d'entre nous, la dernière fois a dû lui servir de leçon et elle aura tôt fait de déguerpir.
J'ouvre la porte de bois qui n'aurait de toute façon pas duré encore longtemps et Bir-Hakeim fonce vers cette sortie avant même que j'ai le temps de dire un mot. Une panthère lancée à pleine vitesse, ça va vite quand même. Je hurle à l'intention du fauve qui s'est arrêté à plusieurs mètres de distance :
-Même pas un merci hein ? Je vous jure, allez donc rendre service aux autres...
Je souris pourtant en la voyant debout, solidement ancrée sur ses quatre pattes. Elle a parfaitement guéri de toute évidence.
Je hausse les épaules et me retourne pour aller vers mon quartier général. Il faut quand même bien que je me décide à reparaître devant les membres de mon équipe.
Lorsque je me met en route vers l'endroit où sont rangée les barques, je sens une présence derrière moi.
Je me retourne et constate avec stupéfaction que ma panthère me suit. Je m'immobilise et nos regards se croisent un bref instant.
Croyez moi si vous voulez mais il y a quelque chose de vraiment pas rassurant à être suivie par une panthère capable de vous tuer en un dixième de seconde.
Je regrette assez sur le moment de l'avoir sortie de sa cage...!
Pas vraiment rassurée et avec mille scénarios catastrophiques, je reprends mon chemin en sentant dans mon dos l'ombre de ma panthère.
J'arrive enfin devant les barques et pousse un véritable soupir de soulagement.
J'en tire une lentement et la met à l'eau. Je grimpe dedans, saisis une rame et me met à avancer.
J'entends pourtant tout à coup un "plouf" à côté de moi et me tourne vers la droite. Bir-Hakeim s'est jetée à l'eau et nage énergiquement.
Pour la première fois, un vrai sourire m'échappe. De toute évidence, elle n'a pas envie de m'attaquer mais seulement de me suivre.
J'esquisse un sourire et pose les rames pour plonger les mains dans l'eau et aider ma panthère à grimper à bord.
-Pfff, tu n'as pas maigris toi dis moi !
La panthère est maintenant à bord et elle me fixe de ses yeux sombres. Brusquement, sans que j'ai le temps de m'éloigner, elle s'approche d'un bond de ma main et j'aperçois ses crocs assez aiguisés.
Mais elle ne fait que me lécher la main.
-Dis donc, on dirait que tu m'as adopté toi...
Ça me fait plaisir et je reprends les rames tout en gratouillant derrière les oreilles Bir-Hakeim qui pousse un ronronnement de chaton.
Décidément j'aurai tout vu... Je fais maintenant avancer ma barque avec un grand sourire aux lèvres. Bir-Hakeim me sert de figure de proue on ne peut plus originale.
J'arrive entre les arbres de mon quartier général. Alors que j'arrime la barque au ponton, j'ai tout à coup un doute.
Comment ma panthère pourra t-elle grimper dans nos cabanes ? Je doute qu'elle sache monter aux échelles...
Pourtant, la suite me démontre rapidement que j'ai tord de m'inquiéter. A condition qu'il y ai quelques branches solides le long du tronc, une panthère sait toujours grimper dans un arbre.
Je me laisse tomber sur le sol de la cabane-réfectoire.
Tout le monde est là mais personne ne fait l'effort de me sourire. Je n'ai pas le temps de prendre la parole que Bir-Hakeim apparaît à mes côtés.
Je savoure une petite joie sadique en voyant la peur se refléter alors dans tous les yeux de notre petit groupe.
Mais je redeviens soudainement inquiète. Une main posée sur la fourrure de ma panthère, une autre sur le sol, je ne peux m'empêcher de me dire qu'il me faut leur accord pour la garder.
Vont-ils accepter une panthère en totale liberté chez eux ?
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Intemporel T1 & 2
Science FictionLorsque Gabriel disparaît de façon soudaine de sa vie, Azylis se lance à la recherche de réponses. Mais ce qu'elle va découvrir dépassera de beaucoup tout ce qu'elle avait pu imaginer... Et le temps, impitoyable, s'égrène à une vitesse délirante. Ca...