Edilyn (Chapitre 150)

701 132 26
                                    

Edilyn, au pouvoir...

Quelle jolie manifestation, si bien orchestrée. Que vont répondre mes parents ? C'est ça qui m'intéresse vraiment... S'ils font l'erreur que j'imagine, je vais gagner cette manche.

Je souris pour moi-même et sors rapidement de mon appartement pour me diriger vers le petit salon privé de mes parents. Lorsque j'ouvre la porte, j'entends distinctement la voix d'Ayva résonner dans la pièce.

Ma mère lui parle... Et lui ordonne de prendre la tête d'une division de l'armée pour mettre fin le plus calmement possible à cette manifestation intempestive.

Je me compose une attitude parfaitement impénétrable et pénètre carrément dans la pièce. Le salon n'est occupé que par mon père, ma mère, et la projection d'Ayva s'éteint à mon arrivée. Ils sont en train de prendre exactement la décision que je voulais...

Mon père n'hésite pas à m'apostropher violemment.

-Qu'est ce que tu viens faire ici Edilyn ?

Je hausse nonchalamment les épaules, avec une pointe d'insolence.

-Assister à mon succès.

Derrière mon sourire de façade, je sens mes yeux lancer un curieux éclat métallique. Maintenant que tout est lancé, plus rien ne peut me retenir. Je songe fugitivement à mon sentiment de dégoût, après avoir réussi à retrouver mes souvenirs.

J'avais détesté ce que j'étais alors. Ce que je suis maintenant. Parce que j'ai tout sacrifié à mon ambition... Mais justement, je ne veux pas y renoncer maintenant. Car je ne saurais pas vers quoi me diriger... Et j'ai peur du vide, de l'avenirs. Je préfère rester sur ce que j'ai toujours su faire : chercher le pouvoir.

Mon père me tourne le dos et je vois ses poings se serrer lentement sous l'effet de la rage. Ma mère prend la parole d'une voix calme.

-Ne joue pas avec nous Edy. Nous pouvons te mettre en prison, le sais-tu seulement ?

-Non, vous ne le pouvez pas. Vous l'auriez déjà fait sinon. Mais j'ai beaucoup trop d'appuis... Qu'allez-vous faire maintenant ? Envoyez vos armées ? Ils ne tireront pas...

-Ils obéiront aux ordres.

Je cache un sourire. Non, ils n'obéiront pas. Quel homme pourrait tirer sur une foule d'adolescents en sachant que se cache sûrement dans la masse son fils ou sa fille disparus depuis quelques mois ?

Ils invoquaient la paix pour construire une république ? Nous revoilà en temps de crise...

Je me relève du siège ou je venais de m'assoir. Le miroir me renvoie mon image et je ne peux m'empêcher de sourire. Une robe longue, noire, des chaussures de la même couleur, une coiffure impeccable. Une parfaite reine des ténèbres. L'idée m'amuse et je jette un dernier regard à mes parents, légèrement condescendant.

A partir de maintenant, même s'ils ne l'ont pas encore compris, c'est moi qui ait les cartes en main.

Je sors de la pièce et rejoint le salon de réception. Je sais que le studio de télévision est en train d'y être monté pour que nous puissions parler à toute la population. Donner notre avis... Je suis assez forte à ce petit jeu-là.

Je traverse les couloirs d'un pas vif, amusée de tous ces gens qui s'éloignent toujours précipitamment de mon chemin. L'un de mes gardes arrive et je lui fais signe de me suivre.

Nous ne tardons pas à arriver au salon de réception ou je le laisse de faction devant la porte avec mission de m'attendre, et j'entre rapidement.

L'habituel metteur en scène s'avance immédiatement vers moi avec un sourire. Je remarque la présence de quelques journalistes soigneusement triés sur le volet.

-Princesse, l'émission commence dans deux minutes...

-C'est pour cela que je suis là.

Il acquiesce et se tourne vers deux hommes pour leur lancer un ordre. Je m'avance vers les somptueux canapés ou nous seront filmés, exactement comme d'habitude.

L'un des journalistes s'avance alors vers moi, d'une démarche sérieuse et assurée. Je l'interroge assez sèchement.

-Qu'allez-vous nous poser comme question ?

-Simplement vous demander en détail ce que vous pensez de cette invasion de jeunes et ce que vous comptez faire.

-Bien, merci.

Mes parents entrent à ce moment précis dans la salle. Ma mère puis mon père. Ils s'approchent de moi et s'assoient sur l'un des canapés sans même me parler. J'esquisse un fin sourire. Si ils croient que cela me touche...

Les caméras démarrent alors et deux journalistes -dont celui que j'ai interrogé precedemment- s'avance sur la zone de tournage. Après les banalités d'usage, l'un des journalistes se tourne vers mon père.

-Excusez moi, mais nous aimerions en priorité interroger votre fille, cela vous dérangerait ?

-Non, bien sûr que non.

Je suis la seule à remarquer ses lèvres pincées et ses doigts qui s'agitent sur l'accoudoir de son siège. Il doit être furieux. Car il est comme moi, il comprend la signification de tout ceci. Aujourd'hui, c'est moi qui tiendrait la première place de l'émission...

Mon sourire n'est donc absolument pas forcé quand le journaliste vient se placer à ma gauche. Les questions commencent alors.

-Que pensez vous de cette manifestation de gens vous demandant, vous, au pouvoir ?

-Je suis à la fois extrêmement touchée et surprise. Je ne croyais pas compter ainsi pour autant de gens... Encore moins pour les jeunes, l'avenir du pays. Et il est assez glorifiant d'imaginer que l'on a le pouvoir de faire rentrer dans les rangs tous ceux qui pendant longtemps se sont tenus à l'écart du système...

-Donc, vous trouvez leurs revendications justifiées ?

-Je ne sais pas. J'aurai bien sûr préféré que nous restions en paix, sans ennuis de ce genre. Après, ils adhèrent à ma proposition, que je n'avais pas faite de gaieté de cœur, mais enfin, ils font tout de même un choix...

-Pouvez-vous nous rappeler votre proposition ?

-Que je prenne la place de mes parents. Je pense que c'est ce que réclame la population : du changement.

-Vous avez une opinion tout à fait intéressante. Savez vous que les sondages sont en train de monter en flèche en votre faveur ?

-Je l'ignorais. Mais je peux déjà dire à tous ceux qui me font l'honneur de croire en moi que je ne les décevrais pas... Il n'y aura pas de république. Mais une monarchie forte et à l'écoute de tous. C'est un pays en paix que la population désire. Pas une nouvelle image.

Le journaliste acquiesce, ne trouvant plus ses mots. Il interroge ensuite pendant moins de deux minutes chacun de mes parents et l'émission se termine. Pas de doute, j'ai été la reine du plateau... Et je ne doute pas de l'effet de mes paroles.

Je crois n'avoir jamais souris ainsi de ma vie. Enfin, peut être avant, quand j'étais enfant, mais pas depuis longtemps. Je sors de la pièce, bien droite, impeccable, sous les commentaires admiratifs de tous.

Je serais la future reine.

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant