Intemporel T1 & 2

Azylis (Chapitre 182)

Nous sommes serrés dans le petit habitacle de l'aéronef spatio-temporel et je me sens pourtant curieusement à l'aise. Je suis entre mon frère et ma soeur, et près du seul objet qui me relie encore à Gabriel...

La voix mélodieuse de Ady répond à mon interpellation en faisant sursauter Meredith et Tugdual.

-Azylis ! Déjà de retour ? Et qui vous accompagne ?

J'éclate joyeusement de rire, sentant d'ici la malice et la curiosité dans la voix du robot de bord.

-Déjà de retour mais pour un tout petit voyage ! Je suis accompagnée de mon frère, Tugdual, et de Meredith, ma soeur... Ils veulent voir le monde ou j'ai atterris presque par erreur !

-La curiosité est un vilain défaut...

On dirait que Meredith s'est déjà familiarisée à l'idée de discuter avec une voix jaillie de nulle part car elle répond du tac au tac :

-Où une grande qualité. Et puis, ce n'est pas super non plus de se mêler des affaires des autres...

-Tiens, un point partout... On va bien s'entendre je crois... Meredith...!

Ma soeur esquisse un sourire et je vois même les comissures des lèvres de Tugdual se relever de quelques centimètres. Il tourne pourtant ses yeux noirs vers moi et demande avec une voix trahissant un curieux mélange d'incrédulité, de tension et d'impatience :

-On y va ?

-Vous voulez quelle époque ?

Meredith ne répond pas, occupée à continuer une discussion complètement délirante avec Ady que j'ai arrêté de suivre mais Tugdual plonge ses yeux dans les miens. En croisant son regard presque troublé, j'ai l'impression de ressentir une brulure au niveau de ma poche. Je n'ai toujours pas lu sa lettre... Ignorant le tiraillement d'émotions et de pensées qui me submergent, il répond posément.

-Dans l'époque ou tu étais... 2716 si je ne me trompe pas ?

J'acquiesce, crispant intérieurement mes lèvres. J'espère atterrir dans un endroit calme... Je n'aurai pas dû accepter de m'engager dans cette gigantesque imprudence. Mais il est maintenant trop tard pour reculer.

J'interromps la conversation entre Meredith et Ady pour demander à haute voix :

-Ady ?

-Oui ?

-On démarre, direction le futur... 2716, deux jours après notre précédent départ, même lieu... Tu programmes ça ?

-Pas de problèmes !

-Merci beaucoup !...

J'agrippe d'une main la sangle qui me relie fermement au dossier et focalise mon regard sur l'ordinateur de bord, droit devant moi.

Une immense spirale apparaît sur l'écran en même temps que les chiffres s'affolent et se programment sous mes yeux... Deux minutes plus tard mais qui m'ont parues une éternité, les nombres se stabilisent pour laisser place à la date que j'ai demandé.

Dans l'habitacle, personne ne parle. Nous avons tous les yeux fixé sur la touche rouge qui clignote sur l'écran. "Départ".

Alors, avec autant d'émotion que les deux autres fois où je m'en suis servie, j'allonge lentement le bras et effleure l'écran.

Le sifflement strident résonne alors une nouvelle fois à mes oreilles tandis que la machine se met à tourner sur elle-même, d'abord lentement puis beaucoup plus vite.

Le décors s'efface et je sens petit à petit tout disparaître. Ça tourne trop pour que je garde une quelconque lucidité.

Pourtant, trop rapidement ou lentement selon les critères, la machine ralentit sa course pour de nouveau s'immobiliser. Nous sommes bientôt calmement en place et le sifflement assourdissant a cessé de retentir à nos oreilles.

Je desserre un peu ma main restée crispée sur la sangle et jette un coup d'œil à mon frère puis à ma soeur.

Tugdual regarde le petit habitacle et tous ses étranges appareils comme s'il les voyait pour la première fois. Meredith, elle, ne paraît pas du tout déstabilisée. Au contraire, elle ne perd rien de sa bonne humeur qui ressemble presque à une certaine folie enfantine vu la situation.

-Wahou ! Heu bien, il vaut mieux ne pas avoir le mal de mer pour faire ton truc Azylis... Je ne sais toujours pas si je rêve ou non mais les effets spéciaux sont en tout cas drôlement bien réalisés...

Je cache mon inquiétude derrière un sourire et tourne mon visage vers l'ordinateur de bord.

-Ady ? Tu peux mettre en action les caméras extérieures s'il te plait ?

-Voilà, c'est fait. Inquiète ?

-Plutôt, je garde un souvenir... Indescriptible de ma dernière arrivée ici. Et je ne me suis pas entraînée à la course à pied depuis...

Un éclat de rire cristallin résonne dans l'habitacle tandis que je me concentre sur les images renvoyées par les caméras. Rien, tout semble normal...

-Ady, tu penses qu'on peut sortir sans risques ?

-Azylis... C'est la guerre ici. Qui se préoccupe encore de l'intrusion d'un engin solitaire ? Personne. Mais quand comptez vous revenir ?

-Dans deux trois minutes. On ne restera pas longtemps dehors.

Tugdual et Meredith poussent immédiatement à l'unisson une exclamation. Mais je les arrête d'un regarde et de quelques mots.

-Vous aviez promis de me suivre. Et je ne veux mettre personne en danger. Vous l'avez entendue ? C'est la guerre ici...

Meredith acquiesce lentement tandis que Tugdual esquisse un premier vrai sourire depuis qu'on est partit. Il commence enfin à se détendre.

-Ok, après tout, la visite promet d'être intéressante...

Je le préviens aussitôt, avec une petite moue désolée en matière d'excuse.

-Je ne sais pas si le spectacle sera à la hauteur de vos attentes... J'ai choisis d'atterrir dans une zone à peu près déserte. Près du poste de contrôle... Bon, on y va... Ady ? Ouverture de la porte s'il te plait...!

-A votre service... Et à tout de suite !

-Ah ah, merci, tu es un ange !

-Non, seulement une machine...!

-Bref, admet que tu as compris ce que je veux dire !

Elle a réussi à me faire perdre toutes mes appréhensions et c'est avec un grand sourire que je regarde la porte de l'appareil coulisser rapidement. Tugdual qui était à ma gauche est le premier à sortir et je le suis sur le tapis d'herbe verte.

Derrière le poste de contrôle, exactement comme prévu... J'ignore si le garde que nous y avions vu y est toujours... Possible. Mais qu'importe ? Nous repartons dans quelques minutes...

J'entends alors l'exclamation de surprise de Meredith dans mon dos et sa voix se teinte d'admiration.

-Alors, c'est ça le futur ?

J'avais oublié à quel point le poste de contrôle peut être impressionnant d'abord par sa taille, par son style presque antique et son immense coupole dorée...

Mon frère comme ma soeur sont sous le charme. Et moi aussi d'une certaine manière.