Je reste un instant silencieuse et recule d'un pas. Ayva me fixe avec son insupportable petit sourire en coin. Je hausse les épaules et lui réponds calmement.
-D'accord, merci pour vos informations. Vous pouvez disposer maintenant.
Elle ne bouge pourtant pas et finit par demander en regardant posément ses mains :
-Et... Pour le paiement ?Je lève les yeux au ciel. J'aimerais la renvoyer les mains vides mais je sais aussi que j'ai besoin des autres informations qu'elle pourra me fournir.
-Le paiement habituel, je vous l'enverrai.
Elle se lève cette fois-ci et exécute une courte révérence avant de tranquillement sortir de la pièce.
Je reste un instant immobile avant de me diriger vers l'un des placards de mon salon. Une colère furieuse m'habite mais je parviens pourtant à conserver un certain calme.
Mes doutes ne sont pas si loin non plus... mais je suis résolue à les écarter. J'ouvre la porte d'une main et attrape de l'autre l'objet que je sais y trouver. Je me dirige ensuite vers la porte et sors rapidement de mon appartement sans réfléchir.
Je franchis quelques couloirs avant d'arriver devant deux grandes portes que je pousse sans ménagement. J'entre brusquement dans la pièce sans toquer. Au bout de mon bras pend le fin pistolet à fusée. Mortel. On ne peut pas échapper à ses balles...
Une fois tirées, elles cherchent forcément une cible à atteindre autre que le lanceur. L'homme et la femme qui me font face se lèvent tous deux de leur sièges et me regardent avec incompréhension.
-Edilyn que...
-Je ne veux pas entendre un mot de plus.
Le silence se fait alors pesant dans la pièce pour mes interlocuteurs. Moi, il ne me dérange pas. Je m'assois calmement dans le premier fauteuil venu et dévisage plus attentivement mes chers parents.
-On m'a dit que vous prépariez une révolution ?
Ils échangent un regard. Complices, comme toujours. Mon père regarde le pistolet dans ma main avec des yeux presque narquois, emplis d'un courage que je ne peux qu'admirer.
-Je ne vais pas répondre à ta question Edilyn. Je vais juste te demander jusqu'où toi tu es prête à aller...
Je passe distraitement l'objet où se focalisent tous les regards d'une main à l'autre. Je relève enfin la tête et fixe mes parents des yeux.
-Jusqu'au bout je crois.
Ma mère me jette un coup d'œil de profond mépris avant de demander :
-Et qu'est-ce que cela signifie en clair ?
-Faut-il être plus précise ? Jusqu'à me débarrasser des personnes qui choisissent de se mettre en travers de mon chemin...
Mon père esquisse un geste presque instinctif pour protéger ma mère qui ne lui en laisse pourtant pas le temps.
-Si je comprends bien, nous n'avons plus le droit de sortir de cette pièce c'est ça ?
-Vous pensez que je vais vous faire emprisonner ? Allons... Cela donnerait une mauvaise image de moi-même au reste du monde...
C'est mon père qui répond froidement, avec encore ce superbe courage allié à une touche de fierté rebelle. Il mourrait pour l'honneur.
-Alors, tu vas mettre un terme à nos vies ? À tes propres parents ?
-"Un terme à vos vies".... Que c'est bien dit...
Je sens ma mère s'énerver. Ses longs cheveux bruns lui tombent aujourd'hui dans le dos jusqu'à la taille et elle porte un pantalon de soie bleue ainsi qu'un haut impeccablement blanc.
Décidément, nous sommes différentes, même dans nos goûts vestimentaires. Elle qui s'était rassise dans son siège se relève d'un bond. Elle marche vers la porte de l'appartement et sa main se pose sur la poignée dorée.
-Je n'écouterai pas une minute de plus tous tes affreux discours... Laisse-moi rêver et imaginer que ma fille vaut un tout petit peu mieux que ça.
Ce n'est pas ce qu'il fallait dire pour me calmer. Ma colère et ma rancoeur ont chassé tous mes doutes. Il ne reste plus dans mon âme que cet attrait irrésistible du pouvoir le plus absolu... Je ferme les yeux et murmure :
-N'ouvrez pas la porte ou je tire.
Sa main s'immobilise et ma mère se retourne lentement vers moi.
-Alors tu le ferais vraiment...
-Vous avez encore des doutes ?
Mon père se rassoit dans son siège. Il tourne le fauteuil en direction de la fenêtre.
Ses yeux bleus, les mêmes que ceux de Gabriel, paraissent alors se perdre dans le paysage. Ma mère se déplace de quelques pas vers la fenêtre et reste debout, une main appuyée contre la vitre glacée.
Je regarde le pistolet que je tiens toujours entre mes doigts. J'hésite de nouveau. Je ferme une nouvelle fois les yeux et repense au visage probablement définitivement immobile d'Eric.
Les mains serrées d'Aevin et de Thaïs apparaissent également quelques instants devant mes paupières. Et mon désir toujours plus grand de gagner le pouvoir.
Ce désir qui grandit dans mon cœur depuis toujours, depuis l'instant où j'ai regardé pour la première fois mon frère suivre les leçons qui le destinait à devenir le roi.
Le moment où j'ai compris que tout pouvait basculer... Je reviens au présent et mon regard suit celui de mes parents pour se fixer sur la fenêtre. La pluie s'est mise à tomber un peu plus fort.
Les gouttes coulent le long des vitres. Ma mère reste les yeux fixés sur la mer en contrebas qui se transforme lentement en furie tandis que mon père se retourne lentement vers moi.
-Edilyn...
Je me lève de mon siège. Mes yeux sont sombres, j'en ai conscience, et mes mains sont crispées. Mes doigts restent un instant sur la crosse de mon pistolet. Mon père s'approche de moi.
Ses yeux sont fixés sur l'arme que je tiens dans ma main. Il espère encore gagner cette manche... De ses yeux que j'ai toujours vu si calmes jaillissent deux larmes uniques qui roulent sur ses joues.
C'est un cadeau, une manière de me montrer son émotion. Je lève lentement mon arme et la pointe sur lui. Il avance la main et essuie une larme qui coule sur ma joue sans que je m'en sois rendue compte.
-Edilyn... Tu vaux mieux que ça.
Ma mère s'est approchée de nous et j'aperçois son regard troublé qui se pose sur moi.
J'ai l'impression d'être comme la tempête qui est en train de se déchaîner derrière les vitres. Ce pistolet... Il me suffit de tirer deux balles qui trouveront forcément leurs victimes.
Je suis en position de force... Je peux gagner. Je relève encore de quelques centimètres l'arme que je tiens dans la main et murmure quelques mots.
-Non. Vous vous êtes trompé... Je ne vaux pas mieux que ça.
Et j'appuie sur la détente. Deux fois.
FIN DU PREMIER TOME.
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Intemporel T1 & 2
Fiksi IlmiahLorsque Gabriel disparaît de façon soudaine de sa vie, Azylis se lance à la recherche de réponses. Mais ce qu'elle va découvrir dépassera de beaucoup tout ce qu'elle avait pu imaginer... Et le temps, impitoyable, s'égrène à une vitesse délirante. Ca...