Intemporel T1 & 2

Chapitre 30 : Azylis

Ainsi, Gabriel s'est échappé une nouvelle fois ? Mais comment est-ce seulement possible ?

Je n'arrive pas à bien analyser mes propres pensées. Un mélange d'espoir, de peur et de surprise je suppose...

Je tente de concentrer mes pensées sur autre chose... J'aimerai demander au garde d'autres détails mais je ne sais pas trop ce qu'il a le droit ou non de me révéler.

L'aéronef va bien plus vite que ceux que j'empreinte ordinairement avec Aevin... Nous allons donc je le suppose arriver rapidement à Astra... A moins que nous n'y soyons déjà ?

Les immeubles, les tours de verre défilent sans que j'y prête vraiment attention. Sur mes genoux la caisse avec mon dragon -ces mots me font très bizarre- bouge légèrement lorsqu'il change de position pour dormir.

Nous ne montons pas sur les routes en hauteur mais nous nous dirigeons plutôt vers le nord de la ville.

Et soudain, je la vois. La mer. Cette étendue d'eau bleu azur que l'on aperçoit en toile de fond d'un paysage splendide... C'est ce que j'aime le plus à la plage : lorsque l'on aperçoit pour la première fois l'étendue d'eau salée au détour d'un tournant de la route...

Ça a un certain côté poétique que j'ai toujours vraiment aimé.

Je le vois tout à coup lui aussi... Le palais... Ça ne ressemble à aucune construction de mon époque, à rien de ce que j'aurai pu m'imaginer.

Des dizaines de fines tours qui ressemblent à des flèches s'élançant avec grâce vers le ciel, des couleurs ayant toutes les variantes possibles de l'arc-en-ciel, mais dans des tons crèmes, pâles, et encore une fois ce côté miroitant qui ressort dans cette étrange construction.

Je suis littéralement séduite. J'adore. L'aéronef se rapproche de plus en plus vite... Bientôt, je serai là-bas.

Là où a vécu Gabriel. Là où je risque à tout moment d'être reconnue comme le pilote de l'aéronef spatio-temporelle et donc d'être arrêté. Là où l'aventure commence...

***

-Princesse ?

-Oui ? Alors, on l'a rattrapé ?

L'homme dévisage un instant la jeune fille qui lui fait face. Au fil des jours, son animosité pour elle ne cesse de grandir.

-Non. En revanche, vos parents vous demandent. Pour accueillir la gagnante de la loterie...

-C'est bon, dites leur que j'arrive...

Elle jette un coup d'œil à la glace qui lui fait face tandis que le garde s'éloigne rapidement dans le couloir. Son père lui en veut. Il va falloir jouer serrer les prochaines semaines...

D'un pas sûr, Edilyn sort de son appartement et se dirige vers le salon de réception. Qui est cette fameuse gagnante ? En ne revendiquant pas tout de suite ses lots, elle a réussi à attirer singulièrement la curiosité...

***

Le décors du salon me laisse rêveuse. Les plafonds sont très haut, d'immenses baies vitrées éclairent la pièce, et tout respire une certaine recherche d'une esthétique parfaite.

Aurai-je aimé grandir ici ? Honnêtement, je ne sais pas. Je repense tout à coup avec un brin de regret à mes parents. Ils doivent souffrir de mon absence.

Et pourtant, si je prenais la machine spatio-temporelle maintenant, je pourrai revenir le jour de mon départ... Là-bas, je n'aurai donc jamais disparu.

Cette idée me déplaît profondément. Pourquoi ? Peut être tout simplement parce que ceux d'ici ont un immense pouvoir sur le passé... Et donc sur mon époque.

Mais je sens tout à coup un changement d'atmosphère dans la pièce. Les gardes se mettent au garde-à-vous et trois personnes entrent.

Je n'ai jamais vu leurs visages. Sauf celui de la jeune fille... Sur une certaine photo du bureau de Gabriel... Je repense à mes recherches avec un sourire. Comment pouvais-je deviner que j'en arriverai là ?

Pas de doutes à avoir cependant... La reine, une femme de quarante cinq ans peut être, m'inspire tout de suite et malgré moi une confiance sans bornes. Le roi est plus difficile à définir. Habillé en grand uniforme, fin, je comprends d'où Gabriel tient sa satanée fierté.

Pourtant, dans cet homme qui pourrait paraître dur et sévère brille une étincelle au fond des yeux, une petite lueur de peur. Peur pour son fils...

Il n'est donc pas imperméable aux sentiments... Lorsque je me tourne vers la princesse en effectuant un léger salut ne sachant trop que faire, elle me répond d'un mouvement de tête.

De toutes les personnes que je viens de croiser, c'est de loin la plus difficile à cadrer. Son sourire est plein de charme, sa beauté réellement mise en valeur, ses yeux accueillant... Mais. Car il y a un "mais"... On ne peut s'empêcher d'éprouver un curieux frisson en la découvrant.

Peut être son regard d'où partent de temps en temps un éclair aux reflets d'acier ? Je ne sais pas...

Les gardes se sont alignés au fond de la pièce. C'est la princesse -la sœur de Gabriel donc- qui s'approche de moi et me tend une main que je m'empresse de serrer avec un sourire.

-Bonjour... Alors, comme ça, c'est vous la gagnante ? Passons tout de suite aux quelques détails pratiques... La journée d'aujourd'hui est entièrement libre, à vous de choisir le programme, mais dès demain commence les interview avec les journalistes... Des questions ?

Eh bien, elle va vite en besogne elle ! Je ne sais trop quoi répondre, n'ayant pas vraiment réfléchi. Puis-je réclamer la présence d'Aevin au palais ? Je ne suis pas certaine que ce soit une excellente idée... Alors, je n'ai pas grand chose à dire.

-Bonjour, disons simplement que j'ai tant de questions qui se bousculent dans ma tête que je les poserai au fur et à mesure ! Dans l'immédiat, ou puis-je aller ?

C'est la reine qui me répond avec un sourire.

-Pendant toute la durée de votre séjour ici vous disposerez d'un appartement privé. Un serviteur va vous y conduire. Après, à vous de choisir ce que vous désirez faire... Nous tenterons de rendre votre séjour le plus agréable possible.

Je la remercie d'un sourire. Un petit silence de quelques minutes s'installe entre nous. Je ne me sens pas vraiment à ma place mais je ne le fait évidement pas remarquer.

Le roi appelle alors l'un des gardes qui s'approche de nous.

-Bien, conduisez cette jeune fille à son appartement s'il vous plait. A toute à l'heure mademoiselle.

Je réponds par un nouveau sourire et suis le garde qui s'éloigne déjà d'un pas vif. J'ai toujours à la main la caisse de mon dragon dont je ne sais décidément que faire... Nous marchons dans les couloirs sans que je fasse vraiment attention à la richesse et à la beauté de ce qui m'entoure.

Lorsque le garde s'arrête devant une double porte, je le remercie de quelques mots avant d'entrer dans mon nouveau domaine.

Tout est tellement beau... Tellement splendide... Quelque chose dans la confection générale me rappelle l'idée que j'ai des palais antiques. Je referme la porte derrière moi et m'avance vers le centre de la pièce ronde.

Tout le mur du fond n'est en fait qu'une immense baie vitrée donnant sur un grand balcon de verre circulaire. Le paysage est renversant. La mer et les rochers à mes pieds...

Un tapis blanc épais étouffe le bruit de mes pas et un sentiment de bien-être et de confort me gagne.
Je n'ai rien dit. J'aurai adoré vivre ici...

Je remarque alors que je ne suis pas seule dans la pièce. Une adorable petite fille de six à huit ans me regarde avec une curiosité amusée qui brille au fond de ses yeux foncés.

Je l'interroge :

-Bonjour... Qui es-tu ?

Elle me regarde comme si je tombais de la lune. J'ai comme d'habitude encore dû dire une quelconque bêtise...

-Bah voyons... Ta servante !

Je tente de cacher le fou-rire qui me gagne devant son air sérieux. Ma servante... A huit ans ?
Heu... Ce n'est pas sérieux n'est-ce-pas ?