•Gabriel• (Chapitre 54)

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Yves, lui, n'est pas du tout en train de perdre son temps à admirer le paysage. Il farfouille dans les caisses et finit par en sortir deux pistolets.

Il m'en tend un et je l'attrape machinalement. Contrairement à ce à quoi je m'attendais, l'arme ne réveille que peu de sentiments au fond de moi.

J'ai juste cette envie délirante de tirer sur une cible pour voir si j'ai totalement perdu la main ou si je sais encore manier un pistolet... Mon enthousiasme disparait aussi vite qu'il était venu et l'arme devient plus lourde entre mes doigts.

Je ne dois pas, je ne dois jamais oublier Sady... Inconscient des émotions contradictoires qui se bousculent en moi, Yves continue de farfouiller dans la réserve.

Il se rapproche bientôt de nouveau de moi et me tend un ceinturon de cuir et des cartouche. Je boucle le ceinturon et met le pistolet dans l'endroit réservé à cet effet.

Les cartouches rejoignent également leurs emplacements réservés. Je remarque au passage qu'Yves s'est équipé du même matériel.

Que craint-il ? Au fond, qui est-il vraiment ? J'ignore toujours les raisons de la présence de ce joyeux bout-en-train au camp... Mais de toute façon, s'il fallait douter de lui, c'est trop tard maintenant.

Tout est lancé. Je m'apprête à dire que c'est bon, nous avons vraiment tout ce qu'il nous faut, lorsque Yves me tend un dernier objet : une longue chemise.

J'en comprends tout de suite les avantages : elle cachera le ceinturon et surtout le pistolet. Je l'enfile immédiatement et Yves fait la même chose avec un habit similaire. Je demande à voix basse à mon compagnon :

-Je ne peux pas prendre aussi un écran comme le tien ?

Yves grimace et m'adresse un regard désolé.

-Non, ça, ce n'est plus possible. On en a un peu abusé à une certaine époque avec mes amis et depuis ils se sont aperçus qu'on en volait un certain nombre...

Il fait une pause avant de continuer, un sourire rêveur aux lèvres :

-Ça les rendait fous de rages de ne pas pouvoir nous épingler tu sais... Mais ils n'ont jamais su pour le tunnel. En revanche, ils ont mis des puces électroniques sur les écran et si tu tiens à être repéré dans tous tes déplacements, c'est le truc idéal...

Je grimace un sourire.

-Alors je vais m'abstenir d'en prendre un, effectivement. Être facilement repérable n'est pas vraiment mon premier but...

-Je comprends ça, allez viens, on sort d'ici...

Et Yves se dirige de nouveau vers la trappe qu'il ouvre d'une main experte en moins d'un dixième de seconde... Il disparait dans l'ouverture et je le suis immédiatement.

Je ne peux m'empêcher de sentir le poids inhabituel à ma ceinture du pistolet qui me rappelle maintenant mes souvenirs les plus oubliés...

Yves me fait un petit signe mais je me suis déjà exécuté. La trappe est de nouveau fermée. Nous marchons sur les quelques mètres puis nous ouvrons la deuxième trappe.

Yves sort rapidement et je fais de même. Mon premier regard est immédiatement pour l'endroit ou devraient se tenir les deux gardes. Peine perdue. Il n'y a rien, ils ne sont plus là...

-Debout tous les deux, mains en l'air !

Une sueur froide coule le long de mon cou tandis que j'obéis mécaniquement à l'injonction après avoir refermé la trappe. Les gardes n'étaient pas à leur poste...

Puisqu'ils se tiennent maintenant debout devant nous ! Yves éclate soudain de rire et je reste interloqué quelques secondes avant de me ressaisir. Les deux autres aussi. L'un des deux jeunes s'exclame avec un sourire :

-Oh Yves ! Quand on a compris que quelqu'un était à l'intérieur, on a vraiment eu peur que notre passage ait été découvert ! Heureusement, ce n'est que toi...

Yves fait semblant de s'étouffer et de s'énerver. Il y réussit d'ailleurs très bien et manque de vraiment s'étouffer... Ce qui ne l'empêche évidemment pas de parler. Même avec quatre baillons sur la bouche, je suis certain qu'il arriverait à se faire entendre...

-Ce n'est que moi ? Le respect se perd ici ! Comment avez-vous su qu'on était à l'intérieur ?

Le rouquin fait un sourire ironique.

-Désolé mon vieux mais un éléphant dans un magasin de porcelaine, ça s'entend tu sais !

Yves me désigne en riant et avec la plus mauvaise foi du monde :

-Oh ! C'est sans doute lui que vous avez entendu !

-C'est ça !...

Ma réplique manque certainement d'originalité mais elle a au moins le mérite de nous faire tous de nouveau éclater de rire. Je demande à Yves :

-Alors, ce sont eux tes amis avec lesquels tu as construit le tunnel ?

Il sourit avant de répondre.

-Non, eux ce sont des initiés... Comme toi en fait...

Il continue à l'intention des deux joyeux lurons qui ont failli me faire avoir tout à l'heure une attaque cardiaque :

-On se voit ce soir au rassemblement, mais là il faut vraiment qu'on y aille, sinon les autres risquent de se demander ce qu'on est devenus !

Ils acquiescent et nous nous éloignons immédiatement vers notre barque tandis qu'ils reprennent leur poste. Un poste qu'ils sont loin de vraiment défendre d'ailleurs... Je n'en reviens toujours pas du peu d'ennuis que nous avons eu.

Une fois de nouveau sur l'eau, je reprends les rames sans grand enthousiasme. Décidément, je n'ai jamais aimé le canoë... Même si ce n'est pas tout à fait la même chose ici.

Lorsque nous arrivons au quartier général de notre section, nous constatons vite que tout est vide. Où sont-ils allés ? C'est moi qui en ait l'idée le premier.

-Yves, un nouveau rassemblement exceptionnel, c'est possible ?

Il hoche la tête et m'adresse un regard sombre.

-Allons-y, on verra bien, mais j'espère sincèrement que ce n'est pas ça car toi, tu as plutôt intérêt à être discret... Et arriver en retard est le meilleur moyen d'être vite repéré.

Je déglutis péniblement.

-Allons-y.

Que dire d'autre ? Nous retournons aux barques et reprenons chacun une rame pour nous diriger vers l'endroit que je commence maintenant à bien connaître. Il y a effectivement un rassemblement...

Nous tirons le plus vite possible notre barque sur la boue et courrons vers l'étendue d'herbe humide. Je pousse un immense soupir de soulagement. Personne n'est encore en formation et notre petit retard passera inaperçu.

Sauf auprès de notre section qui nous accueille à bras ouverts. Lydie ne peut s'empêcher de s'exclamer :

-Ouf ! Ne me refaites jamais ce coup-là, j'ai vraiment eu peur que vous ratiez le début du rassemblement...

Même Yves renonce à ses habituelles plaisanteries tant il a eu peur pour moi. Et ça me touche.

Vraiment. Mais pourquoi diable nous rassemble-t-on encore une fois aujourd'hui ? Serais-ce pour discuter du prisonnier en fuite recherché ? C'est à dire... De moi.

Une fois de plus.

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant