Azylis (Chapitre 169)

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A ce mot de "disparition", je sens toute ma famille se braquer. Je m'empresse de continuer.

-Je vais disparaître... Et revenir deux minutes plus tard. Vous accepterez peut être ensuite de me croire...

De manière bien visible, j'approche lentement mon doigt de la pierre du bâtonnet que je tiens toujours à la main.

Tout le monde fixe ce léger mouvement, sentant que quelque chose d'inhabituel va arriver. Je n'ai utilisé ce "moyen de transport" qu'une fois et je ne peux soudain m'empêcher de ressentir une légère appréhension. Et si le bâtonnet ne me ramenai ensuite pas à mon point de départ ?

J'appuie.

Sous les yeux éberlués de ma famille, je sens une spirale se mettre à tourbillonner autour de moi, à moins que ce ne soit moi qui tourne, et les murs disparaître petit à petit.

Je tombe durement sur un sol couvert de mousse et murmure pour moi-même contre les voyages manquant de confort.

J'ouvre les yeux et reconnais une forêt bien de chez nous, aux arbres tout ce qu'il y a de plus européens. Je suis dans une clairière et je contemple avec un brin d'émotion la machine, étincelante au soleil au milieu de l'espace disponible.

J'esquisse un étrange sourire, contenant toute l'émotion que je ressens et je murmure quelques mots à la forêt silencieuse que je suis seule à entendre.

-A très bientôt Gabriel...

Et je rappuie sur la pierre du bâtonnet. Si je ne me suis pas trompée, il devrait me ramener à mon point de départ.

Je me retrouve de nouveau entraînée dans une infernale spirale et lorsque je rouvre les yeux, je suis assise par terre au milieu de ma famille qui n'a pas quitté ses sièges et m'observe comme si je venais soudain de disparaître. D'accord, c'est le cas...

Je me redresse difficilement, sentant parfaitement l'incompréhension sur les visages et ayant un peu de mal à retrouver mon fauteuil à cause du tournis.

J'y arrive pourtant et garde quelques minutes un prudent silence. C'est mon père qui parle le premier.

-Non, c'est impossible ! Tu... Vous... Vous avez vu la même chose que moi ?

Meredith est la seule qui semble déjà remise. Elle me dévisage avec un profond intérêt et une curiosité qui me font penser qu'elle aurait dû songer aux études de journalistes...

Tugdual répond à son père d'une voix légèrement anxieuse tout en continuant de me fixer.

-Oui... Elle a disparu et puis... Elle est réapparue...

-Et !... Je suis là hein ! Aux dernières nouvelles j'ai un prénom, Azylis...

Mon frère esquisse un sourire crispé puis finit par faire un geste fataliste de la main.

-D'accord, Azylis a disparue puis est réapparue...

-Merci, c'est nettement mieux comme ça...

Ma stupide plaisanterie allège un tout petit peu l'atmosphère en faisant rire Meredith. Alors que mon père se tourne vers moi pour m'interroger, ma mère l'interrompt avec fermeté en se tournant vers moi et en prenant avant lui la parole.

-Bien, je pense que nous sommes tous prêt à t'écouter maintenant... Et je crois que nous sommes prêt à reculer les frontières de ce que nous croyions auparavant impossible... Continue ton explication, Azylis. Nous en étions au moment ou tu as trouvé ce... Cet objet. Tu... Tu parlais du futur.

Ma mère a un certain caractère allié à un charme très personnel qui lui a toujours donné dans toute notre famille une forte influence. Son acceptation du fait que j'ai pu disparaître à cause d'un objet rend pour les autres la situation plus réelle... Et plus effrayante. Je me décide à reprendre mes explications.

-Lorsque j'ai appuyé sur la pierre, la fois ou j'ai trouvé le bâtonnet, je me suis retrouvée au beau milieu de la forêt Amazonienne...

Un coup d'œil à mon père me fait dire une phrase supplémentaire.

-Je sais que c'est difficile à croire mais c'est comme ça... Lorsque j'ai observé le paysage qui m'entourait, la première chose qui m'a frappée a été la présence d'une imposante machine dans cet endroit désert. J'ignore pourquoi, mais la curiosité a dépassé la peur. Je me suis approchée de l'étrange engin et j'ai finit par comprendre une chose étrange. Le bâtonnet que je tenais à la main était en fait une clef...

Les yeux de toute ma famille sont maintenant fixés sur l'objet que je continue de triturer dans mes doigts. Je reprends la parole en sentant les souvenirs me revenir en mémoire. Je revis tout ce que j'avais vécu de formidable à ce moment-là.

-J'ai ainsi réussi à entrer dans la machine. Devant les ordinateurs de bord et tout ce que je découvrais, j'ai petit à petit dû me rendre à l'évidence : je me trouvais dans une machine à voyager dans le temps. Comment décrire alors tout ce qui m'a traversé l'esprit ? Je crois que pour mon âme romanesque, c'était aussi l'occasion de vivre une aventure extraordinaire, différente de toutes celles que vivraient jamais les autres... Et puis, il y avait Gabriel, toujours mystérieusement disparu. J'étais sûr qu'il était là-bas... Le voyage était programmé... 2716...

Tugdual prend lentement la parole, tentant de mettre des mots sur tout ce qui le traverse.

-Ce n'est pas possible... Tu es en train de nous expliquer que pendant toutes ces années où on te cherchait tu étais... Dans le futur, sept siècle plus tard ?...

-Je n'ai que la vérité à vous offrir, et elle n'est pas facile à croire...

Ma mère fusille Tugdual des yeux. Je sais qu'elle a toujours eu en elle ce côté romanesque et rêveur qu'elle m'a transmis. C'est parce qu'elle aime imaginer qu'elle commence lentement à me croire. Je reprends de nouveau la parole, continuant mon fascinant récit.

-La machine m'a conduite dans un autre monde, dans une autre époque... Et je n'ai pas pu m'empêcher de sortir pour découvrir ce qui m'entourait. J'étais certaine de retrouver Gabriel... A peine dehors, j'ai dû fuir. De toute évidence, ils n'acceptaient pas que des hommes du passé découvrent leurs secrets... Je suis alors tombée dans ma fuite sur un jeune homme très sympathique du nom d'Aevin. Dès lors, au fur et à mesure de nos conversations, quand il m'a emmenée en ville, j'ai commencé à vraiment comprendre à quel point j'avais raison. Gabriel n'avait jamais été celui qu'il prétendait être. Et il était réellement en danger.

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant