Intemporel T1 & 2

Azylis (Chapitre 158)

J'entre lentement dans la pièce que Gabriel m'a désignée. Elle est littéralement couverte de leviers dans tous les sens, spacieuse et vide de tout objet au sol.

L'éclairage arrive par de petite fenêtres en haut des murs, ce qui donne une atmosphère très travail à la pièce.

J'ai entendu l'échange entre Maly et Gabriel et je veille à soigneusement longer les murs. Ce serait quand même stupide de mourir juste par ce que j'ai marché là où il ne fallait pas...

-Maly ?

-Oui ?

-Tu pars par la droite et moi par la gauche, ça te va ?

-Très bien. Et ne te trompes pas dans les leviers, certaines sécurités pourraient s'enclencher.

J'acquiesce, préférant ne pas demander le genre de sécurité.

Je m'approche du premier levier noir que j'aperçois et le rabaisse rapidement. Il en a des centaines qui parcourt le mur, au milieu de machines ultra sophistiquées dont je ne comprends pas l'usage...

Je me concentre sur ma tache et baisse un à un tous les leviers noirs, ils sont en réalité métalliques avec une petite boule noire au bout pour qu'on puisse les reconnaître, et je remonte tous les blancs.

Espérons que Gabriel n'a pas échangé les couleurs... Sans doute pas puisque tout semble aller pour le mieux jusqu'ici.

Pendant que mes mains travaillent, mon esprit vagabonde. Qu'y a-t-il dans ce fameux enregistrement ? Je ne vois rien qui pourrait modifier notre code de conduite de façon radicale...

A moins qu'Edylin ne tienne je ne sais qui en otage ? Cette idée me glace le sang et je tente de m'en défaire sans tout à fait y parvenir.

Le chantage serait encore la meilleure des façons de nous retenir ici... Ma main se pose automatiquement sur les papiers que je conserve sur moi. Je veux regagner mon époque avant le suicide de mon frère. Le retrouver en vie.

Et même si je sais que cela n'a pas d'importance, je ne supporte pas de rester ici sans rien faire. Inconsciemment, j'ai accéléré dans ma besogne et je baisse et monte les dizaines de leviers plus rapidement.

J'avance ainsi le long du mur et ils nous fait encore cinq bonnes minutes à Maly et à moi avant de nous rejoindre vers le milieu de la salle.

-On a tout fini ?

Maly regarde les murs, vérifiant que tout est en place, et je fais de même. Elle finit par hocher la tête avec une froide satisfaction.

-Oui, tout y est, on peut aller retrouver Gabriel...

J'acquiesce à mon tour et nous repartons, chacune en longeant un mur différent et en veillant bien à ne surtout pas aller au centre de la pièce.

Quoique d'après ce que j'ai cru comprendre, maintenant que tous les leviers sont en place, nous n'en mourrions pas mais nous retrouverions je ne sais ou dans l'univers...et dans une époque inconnue.

Nous sortons de la pièce pour rejoindre celle où nous étions arrivés auparavant.

Je remarque que l'homme du poste de contrôle s'est assis dans un coin et pianote sur un écran sans plus se soucier de nous.

En revanche, lorsque mes yeux se posent sur Gabriel, je comprends qu'il s'est passé quelque chose. Il nous tourne le dos et semble agité de convulsions.

-Gabriel !... Qu'est ce qui ne va pas ? Cet enregistrement...?

Il se retourne d'un bond vers moi sans accorder un regard à Maly qui va s'assoir sur l'un des sièges de la pièce. Elle nous fixe d'un regard inquiet mais pour ma part, je ne peux détacher mes yeux de ceux de Gabriel.

Jamais je ne l'ai vu dans un tel état. Aussi torturé, froidement lointain et terriblement en colère que maintenant. Je m'approche et réitère ma question, d'une voix que j'espère à la fois douce mais ferme, exigeant une réponse. Je ne suis pas devin et je ne peux pas tenter de comprendre sans explications...

-Azylis...

-Jusqu'aux dernières nouvelles, c'était bien mon prénom...

Il esquisse un sourire qui est tout sauf joyeux. Plutôt lugubre. Je détester cette incompréhension qui m'envahit et je ne peux m'empêcher de poursuivre.

-Alors ?

-Oh, si tu savais !... Je suis torturé... Elle a bien su comment me manipuler... Et je sais que je fonce tête baissée dans son piège... Mais je ne peux pas, non, je ne peux pas partir maintenant...

De tout cet abracadabrant discours je n'ai retenu que deux choses. Les ennuis viennent une nouvelle fois d'Edilyn et il ne veut plus partir... La panique s'empare de moi et je tente avec quelques difficultés de trouver une voix normale dans mon répertoire.

-Gabriel ! Bon sang, explique toi un peu mieux ! Qu'est ce qui se passe ? Qu'est ce que Edilyn t'a fait ? Et pourquoi ne pourrions nous plus partir ?

Il désigne du doigt un écran noir derrière lui. L'enregistrement qu'il a vu...

-Elle n'a fait que me transmettre des images de ce qui se passe en ce moment... Azylis, tu ne comprends pas, c'est la guerre là-bas !

-Raison de plus pour partir...

J'ai lentement répondu tout en évitant son regard. Que ferai-je à sa place ? Quoi qu'il ait fait dans le passé, il aime son pays. Et un pays, ce sont ses habitants et sa culture. Les deux doivent en ce moment même être occupés à se détruire...

Mais je ne peux pas maintenant tout abandonner. Pas si prêt du but... Égoïstement, j'espère parvenir à l'entrainer avec moi.

-Gabriel, tu étais au courant... Souviens toi de ce que la reine nous avait dit... On attendait le moment des troubles pour agir ! Pour enfin saisir notre chance ! Qu'est ce que tu voudrais faire exactement ? Repartir pour Ivy ?

-C'est ça.

Je tente de faire face au choc. Mon silence sort Gabriel de sa torpeur. Il s'avance d'un pas vers moi pour tenter de me convaincre. J'ai l'impression que nous sommes seuls dans la pièce, que l'homme et Maly ont tous deux disparus. Que la seule chose qui compte maintenant c'est de savoir qui va convaincre l'autre.

-Azylis... Viens avec moi. On peut faire quelque chose pour Ivy et tous ceux qui se battent là-bas... On peut sauver des vies...

Je ferme les yeux, tentant de trouver des mots à mettre sur le flux émotions qui me traverse.

-Bien sûr... Mais qui sauvera mon frère ?

-Nous avons du temps devant nous et...

-Selon les papiers de ta mère, je ne suis jamais revenue dans le passé. Sans doute à cause de mon choix d'aujourd'hui. Je l'ai laissé mourir... Mais je peux aujourd'hui changer le passé. Et sauver mon frère.