Edilyn (Chapitre 139)

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Le père serre toujours sa fille conte lui. Il rit joyeusement.

-Nous allons rattraper le temps perdu Lydie... Nous ne seront plus jamais malheureux... Ta mère va être tellement folle de joie...

Je ne peux m'empêcher de me dire qu'à la place de la jeune fille, je me poserais des questions. Mais je comprends rapidement : la joie et la crainte l'empêchent de demander de qui elle possède maintenant le corps.

Mais le docteur s'empresse d'intervenir.

-Non, vous allez d'abord devoir apprendre à être extrêmement prudents... Vous connaissez la loi, et le sort réservé aux Acia.

Le père s'exclame, dans une voix ou perce le désespoir.

-Mais Lydie n'a volé le corps de personne ! Quelle différence entre ce que nous avons fait et le don d'organe ?

Le docteur paraît alors terriblement las.

-La vie, ce n'est pas toujours une question de justice, monsieur. Et aujourd'hui, qui vous croira devant un tribunal quand vous soutiendrez que le corps qu'habite actuellement votre fille appartenait auparavant à quelqu'un de "cliniquement mort" ? Personne... Croyez moi, à partir d'aujourd'hui, vous allez devoir vous méfiez, et même de vos propres autres enfants ! Ne dites rien à personnes, cela vaudra mieux pour votre propre bonheur.

Si ce miracle de la science m'impressionne, ce sont maintenant d'autres pensées qui tourbillonnent dans mon esprit. Qu'est-il arrivé à Sadie Wigham ?

Je regarde la pièce ou je me trouve, toujours accroupie sur le sol. Il existe deux portes, une qui donne sur le cabinet où se trouvent actuellement le docteur, l'infirmière, le père et sa fille, et une autre qui donne directement sur le couloir.

Je me relève lentement et m'en approche à pas de loup. Je sors avec toutes les précautions possibles et ferme lentement la porte, une fois que je suis dans le couloir.

Elle se ferme alors avec pourtant un léger bruit qui me fait sursauter. Je m'empresse de m'éloigner, le cœur battant malgré moi. Pourtant, je sens une présence dans mon dos. Je me retourne. Le couloir est entièrement vide...mais une porte se referme. L'infirmière m'a vu... Pas difficile de deviner qu'elle sait maintenant que j'ai assisté à toute la scène.

Je hausse les épaules, pas très rassurée au fond de moi-même et me remet à marcher vite le long du couloir. Je veux retrouver Gabriel, discuter avec lui de tout ce que je viens d'apprendre, lui demander ce qu'on doit faire...

Mais les couloirs que je traverse sont étrangement vides ou au contraires trop remplis. Des cohortes de gardes courent dans tous les sens à travers tout le palais et je ne sais ou donner de la tête. Je me dirige alors vers le salon de réception, certaine qu'un événement grave vient d'arriver.

Lorsque je pousse la porte, une idée me traverse fugitivement l'esprit. Tout cela est sûrement lié à la blessure par balle de Sady... J'entre, et découvre à ma grande surprise une nuée de journalistes. Ma mère et mon père se retournent vers moi.

Ils sont à l'autre bout de la pièce, et leur regard me paraît étrange, calculé. Ils tentent de maîtriser leurs émotions. Du coup, malgré moi, je sens la peur m'envahir sourdement. Je m'avance vers eux dans un silence complet qu'un journaliste finit par troubler. Il lance la question à haute voix :

-Que pensez-vous maintenant de votre frère ?

Je croise le regard de ma mère et elle pose sa main sur la mienne, plus pour se réconforter elle-même que pour m'aider. Je l'interroge des yeux. Elle chuchote lentement :

-Tu n'est pas au courant ?

-Que suis-je censée savoir ?

Elle baisse un instant les yeux, comme si elle craignait de perdre totalement son contrôle. Mon père s'est approché. Je ne l'ai jamais vu ainsi. Dur, furieux, presque cruel. La rage traverse son regard et me donne envie de reculer lorsqu'il s'approche de moi pour m'expliquer ce que tout le monde sait déjà depuis longtemps.

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant