Edilyn (Chapitre 133)

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-Qu'est ce que vous avez fait, encore ?

Je viens d'entrer dans le salon de mes parents et la porte claque derrière moi, signe dérisoire de ma colère. Mes parents, debout devant la fenêtre avec la vue sur la mer, se retournent vers moi. C'est mon père qui répond, froidement.

-Depuis quand devons nous te rendre des comptes ?

-Depuis quand dois-je être la dernière de la population à être au courant des "détails" importants ?

-Depuis que tu n'es plus notre fille, Edy.

Ma mère a froidement prit la parole. Elle ajoute d'une voix qui ne tremble pas quelques mots, le regard fixé sur un point invisible du mur.

-Et puisque tu tiens à être au courant des informations, sache juste que nous venons de lancer le processus des élections.

-Pardon ? Les élections ?

-Oui, il faudra bien un président pour nous remplacer à la tête du pays, non ?...

La voix sarcastique de ma mère me blesse plus que je ne voudrais l'avouer. Je tente de ne pas reculer mais me place malgré moi sur une position défensive.

-On a pas besoin d'un président. Je suis certaine que j'arriverai à empêcher ça...

Pour la première fois depuis le début de la conversation, ma mère me regarde au fond des yeux, vraiment.

-J'en doute beaucoup maintenant que toute la procédure est enclanchée... Nous avons juste fait un référendum mais le Conseil sera obligé de s'y plier... Que peux tu encore faire ?

Je ne réponds pas et me retourne vers mon père, la mine frondeuse.

-Vous avez détruit l'héritage de vos ancêtres !...

J'ai toujours respecté mon père. Il n'est pas du genre à prendre pour rien la parole, et chaque fois, ses mots sont parfaitement réfléchis. Aussi, sa réponse m'atteint une nouvelle fois au plus profond de moi-même, entraînant une nouvelle vague de doute.

-Non. Tu as détruit cet héritage. Il ne dépendais que de toi, Edilyn.

Je remarque au passage qu'il n'a pas utilisé mon satané surnom. Je ne m'en réjouis pourtant pas car je sais parfaitement ce que cela signifie à ses yeux. J'ai perdu autant son respect que son amour de père.

Qu'importe, j'en avais déjà pris la décision, je n'ai aucunement besoin d'eux... Je leur jette un regard. D'accord, ils gagnent de nouveau cette manche ci... Peut être que les romans que je lisais jadis avaient raison ? Ce sont les gentils qui gagnent dans chaque histoire ? Alors, à moi de renverser la tendance...

Je hausse effrontément les épaules.

-Dans quelques jours, nous verrons qui est vraiment le plus fort.

Et je sors de la pièce sans attendre de réponse. Je regagne mon appartement et m'empresse d'allumer une rediffusion tardive de l'annonce de mes parents.

Leurs visages apparaissent et je reconnais immédiatement leur tristesse et leur nostalgie derrière leur façade joyeuse. Mon père prend la parole sur l'image retransmise.

-La monarchie a prouvé ce qu'elle valait. Mais elle avait été mise en place pour les temps de crise... Et aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Nous sommes en paix ! Alors, ne serait-il pas juste de passer à autre chose ? De regarder vers le futur ? Nous vous en avions déjà parlé, mais aujourd'hui, tout devient concret...

Sur l'image, mon père tourne la tête à sa gauche et une dizaine de personne apparaissent, se matérialisant en trois dimensions au dessus de ma table de travail. C'est au tour de ma mère de prendre la parole. Elle inspire profondément et plaque sur ses traits un superbe sourire.

Puis, elle étend la main sans trembler et annonce :

-Voici les candidats à la présidence !...

Les applaudissement résonnent et je ferme la retransmission d'un geste rageur. Deux minutes de réflexion me suffisent et je ne tarde pas à réappuyer sur mon écran. L'image d'une jeune femme de vingt-cinq ans se matérialise aussitôt. Blonde, intelligente, et vêtue d'une combinaison noire, telle est la fidèle description d'Ayva, chef de nos armées et redoutable espionne.

Elle n'est pas légèrement fiable car elle a quand même trop tendance à donner tout ce qu'elle a au plus offrant mais je suis bien décidée à être aujourd'hui la plus généreuse. En me voyant, son hologramme ne s'incline que du buste, mais j'ai depuis longtemps l'habitude.

J'ai également appris à ne plus être surprise de l'éternel pistolet à fusée qui pend à sa ceinture. Ce n'est pas vraiment un pistolet pour lancer des appel de détresse, non, c'est bien une arme réelle, fine, assez élégante et d'une couleur gris acier qui tire de minuscules billes qui sont chacune de véritables petits miracles de la technologie et qui sont "dressées" à trouver une victime autre que le lanceur dans la pièce.

Si elles ne touchent pas la cible, elles savent la retrouver... Si mes parents ont acceptés une telle chef dans leur armée, c'est uniquement parce qu'elle est réellement de loin la meilleure. A moi de découvrir à combien ils la payent...

-Ayva ?

-Jusqu'à aujourd'hui, c'était bien mon prénom...

Elle se regarde nonchalamment les ongles puis finit par relever la tête pour me toiser avec le regard d'un chat amusé. Le jour ou je serais au pouvoir, je n'oublierai certainement pas de trouver pour elle une solution radicale...et définitive. Elle est beaucoup trop encombrante.

Mais aujourd'hui, je suis prête à endurer tous ses caprices.

-Ayva, j'ai besoin d'informations.

Elle ne réagit pas mais je vois sur la table son hologramme s'incliner légèrement vers moi pour me prêter une oreille attentive.

-Un dossier complet sur chacun des candidats à la présidence. Du solide, de quoi si possible leur faire passer l'envie de se présenter...

-Je vois... Et ?

-Cinquante mille. Par dossier.

Ayva perd immédiatement sa condescendance. Je viens en un instant de gagner tout son respect... Amusant. Elle s'incline avec un sourire, s'apprêtant à mettre fin à notre conversation.

-Princesse, ce petit surplus à mon habituel salaire ne sera pas de trop... Et je ne ferais rien de malhonnête, bien sûr. Ça relève plus du journalisme, en fait, votre mission. A bientôt ! Vous aurez absolument tout ce qu'on peut trouver sur eux mêmes...

Prise d'une inspiration subite, je m'exclame immédiatement, empêchant ainsi son hologramme de se dématérialiser.

-Attendez !

-Quoi ?

Elle me dévisage d'un air curieux. Je suis heureuse qu'elle ne puisse pas voir mes poings serrés sous la table.

-Pourriez vous rechercher un homme, un médecin, qui a lui même fait énormément de recherches sur les sphères Acia ? Après que cela ait été interdit ?

Elle esquisse une moue dupitative.

-C'est que... Ce serait difficile. Vous n'avez pas plus d'informations ?

Mon regard se ferme et je murmure la fin de la conversation froidement.

-Si. J'ai trois millions à vous offrir si vous réussissez.

Je ferme la retransmission de l'hologramme. Si elle découvre ce médecin, je tiendrai ma dernière chance de sauver Eric...

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant