Thaïs (Chapitre 192)

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Une longue robe rouge éclatante, cintrée et longue, un joli maquillage, des cheveux impeccablement coiffés pour la première fois de ma vie sans doute...

Sapristi, je ne me reconnais plus ! Lorsque je croise une nouvelle fois mon reflet dans la glace, je ne peux m'empêcher de songer que j'avais cessé depuis des années de croire que j'aurais le plaisir de porter une robe de mariée un jour...

Seul point sombre du tableau : je n'ai pas encore revu Eric.

Mais je ne parviens pas à en ressentir de la tristesse parce que je sais que je ne vais pas tarder à le serrer dans mes bras...

La reine me l'a promit lorsqu'elle m'a arrachée il y a quelques jours aux gardes d'Edilyn...

Et aujourd'hui, je me sens simplement beaucoup trop heureuse... Dans la pièce où je me trouve, le désordre est général.

Des rubans, du satin, des pièces de tissus, mais aussi je ne sais combien de choses inutiles... Comme par exemple deux superbes plantes vertes en équilibre précaire sur une table et une chaise.

Je jette un nouveau coup d'œil dans la glace et croise le regard amusé d'Edwige qui s'applique à lisser sur ma robe un pli imaginaire.

-Quoi ? Tu ne m'imaginais pas en robe de mariée ?

-Pas trop Thaïs... Mais ça te va super bien...!

Pour l'occasion, elle a noué ses longs cheveux blonds en queue de cheval -ça, c'est comme d'habitude-, mais une superbe orchidée est plantée dans sa coiffure. Je réponds avec un immense sourire :

-Merci... Je suis vraiment heureuse de tous vous avoir aujourd'hui à mes côtés... Tu imagines Aevin en costume ?

Nous éclatons toutes les deux d'un même rire. Non, cela fait tout à fait partie des choses totalement inimaginables... Et pourtant...

***

C'est dans ma tête ou dans la réalité que retentissent le bruit des carillons ? "Et je vous déclare..."

Je n'entends pas le reste de la phrase car c'est le moment précis que je choisis pour échanger un merveilleux regard avec Aevin.

Je n'ai rien dit, le costume lui va à merveille. Agenouillés devant l'autel dans une église miraculeusement épargnée, de forme circulaire et aux murs intégralement bleus et vitrifiés ainsi que le sol, je n'ai jamais été aussi heureuse de ma vie.

Je me retourne et lance un léger regard derrière moi.

Je repère au premier rang Yves, qui esquisse un discret signe de la main auquel je répond par un sourire, Edwige bien sûr, qui ne paraît pas enchantée d'avoir été chargée de la garde de ma panthère mais qui me sourit quand même, Gaëtan, qui semble perdre son air éternellement triste ou rêveur, Tavena, la mère d'Aevin qui m'a toujours si merveilleusement accueillie, Sarah bien sûr, installée le plus loin possible de Bir-Hakeim, Guy et Christian, qui m'offre même l'un de ses rares sourires, et une foule d'autres personnes que je ne peux m'empêcher d'aimer...

J'ai presque l'impression que mon cœur est trop petit pour accueillir l'immense joie qui m'étouffe.

Maly n'est évidemment pas là, car un robot sans maître, même officiellement libéré, les gens ne sont pas encore prêts à accepter ça...

Mais elle m'a fait parvenir une petite lettre de quelques lignes seulement qui m'a fait verser des larmes d'émotion. Azylis a raison...

Les robots devraient avoir les mêmes droits que nous. Il ne manque d'ailleurs que Gabriel et Azylis en parlant d'elle, mais je crois que je peux être sûre qu'ils sont parfaitement heureux là où ils sont.

Le prêtre s'avance vers nous et je lui tends lentement la main. Il y passe le fin anneau doré... L'alliance... Aevin reçoit le même quelques minutes plus tard et nous échangeons un nouveau sourire.

Unique. Merveilleux. Parce que nous savons qu'à partir d'aujourd'hui, nous serons toujours heureux... Parce que nous serons ensembles.

Nous nous relevons lentement et je serre la main d'Aevin sans la lâcher. Nous nous retournons pour faire face à tous ceux qui sont aujourd'hui venus pour être témoins de mon bonheur et un discret jeune homme engagé pour cela immortalise le plus beau des sourire que je pourrai jamais faire en appuyant sur une touche de son écran.

Les yeux d'Aevin se posent alors dans le fond de la salle noire de monde et j'aperçois avec surprise une visiteuse que je n'avais pas remarquée précédemment.

Edilyn. La soeur de Gabriel. Aujourd'hui la reine. Ou presque. Elle nous regarde sans animosité me semble t-il, les yeux fixés sur un point que je ne parviens pas à voir.

Jusqu'au moment où je comprends qu'elle observe nos deux mains liées où brillent maintenant sous le faible éclairage nos deux alliances.

Malgré tout ce qu'elle m'a fait, je ne parviens pas à la détester. Elle a été ma meilleure amie dans un moment où rien n'allait bien et elle n'a jamais fait de mal à mon frère même si elle nous a séparé.

Pourtant, lorsque je sens les doigts d'Aevin se serrer un peu plus sur les miens et qu'en baissant les yeux je vois ses mains blanchir, je comprends qu'une inquiétude sourde le travaille en croisant les yeux de cette sombre silhouette.

Je me détends pourtant en entendant le chant joyeux qu'entonne l'assemblée et le tintement des cloches, mélodie simplement merveilleuse, qui nous parvient de l'extérieur.

Cette fois-ci, je ne rêve certainement pas, tous entendent effectivement la musique de mon bonheur, le son du carillon des cloches en rythme qui me donne envie de sourire encore un peu plus et de danser au bras de mon prince charmant...

Je me tourne vers lui et il détache ses yeux du fond de la salle pour les poser sur moi. Il semble alors tout oublier et tandis que retentissent les dernières notes de la musique finale, il se penche doucement vers moi et murmure quelques mots :

-Dis-moi que tu es heureuse Thaïs, que j'en sois certain !

Mon sourire ne peut pas plus s'élargir mais mes yeux se mettent à briller un peu plus de mille feux.

-Ça ne se voit pas ?...

Dans son regard à lui brillent alors mille et une étoiles toutes plus belles les unes que les autres. Il répond dans un souffle avec une émotion plus que touchante qui transparaît dans chacun de ses gestes.

-Si, bien sûr, mais j'avais envie de t'entendre le dire...

Je me penche moi aussi vers lui pour lui murmurer alors :

-Je t'aime... Et je n'ai jamais été aussi heureuse de ma vie... Ça te va ?

-Oui...

Nous nous mettons lentement en marche pour quitter l'église et tandis que mes chaussures produisent un bruit que je juge presque musical en heurtant le sol de verre, les pétales de roses pleuvent sur nous pour venir couronner la plus belle journée de ma vie.

Une fois dehors, sur l'immense plateforme vitrifiée où nous attendent la foule des invités, je m'immobilise et Aevin également.

Alors, sans avoir réfléchi, nous nous penchons l'un vers l'autre. Nos lèvres se joignent sous les hourras de la foule et je surprends au passage la joie d'Edwige qui se bat pourtant contre ma panthère qui cherche à nous rejoindre.

Pas de doute, c'est le plus beau jour de ma vie.

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant