Intemporel T1 & 2

Chapitre 32 : Azylis

Je pose sur une table sans vraiment y faire attention la caisse avec ce fichu dragon qui m'a valu tous ces ennuis.

Il va falloir que je songe à lui trouver un nom d'ailleurs... Mais pour l'instant, j'ai plus urgent à faire. Par exemple dévisager une petite fille de huit ans qui affirme de sa voix tranquille être ma servante.

Petite fille qui, soit dit en passant, a la peau violet-rose, et des cheveux d'une même couleur en bien plus foncé. Je m'approche d'un fauteuil et m'assoie en silence.

Bien sûr. Encore une fois tout est absolument normal...

-Heu... On va reprendre depuis le début. Tu t'appelles comment ?

Elle esquisse un fin sourire dévoilant une petite mimique adorable.

-Mahaut.

Bon, ça a l'avantage d'être précis ça... Je me demande d'où je tire mon incroyable habitude de dire mon nom de famille quand je me présente.

-Bon bah moi c'est Azylis... Et pourquoi viens tu de dire que tu étais ma servante ? Tu n'es pas un peu jeune pour ça non ?

Je rigole sur les derniers mots. Mais elle, pas du tout. Elle me regarde encore une fois comme une extra-terrestre.

-J'ai quand même plus de cent ans d'expérience...

Heureusement que je suis assise. Je veux bien faire des efforts, tenter de trouver normale une petite fille à la peau violette ou des dragons, mais je refuse d'assimiler ce que je viens d'entendre.

Voyant que je ne réponds pas, elle m'adresse un petit sourire comme si j'était légèrement demeurée.

-Je suis un robot quoi !...

Bien sûr, où avais-je la tête enfin ? Je la regarde plus attentivement. Ça ne ce voit pas. A part sa couleur étrange, c'est une petite fille comme les autres...

-Un robot ? Pourquoi tes créateurs t'ont-ils donné l'aspect d'une petite fille ?

J'ai résumé à haute voix la seule pensée cohérente qui ressort de mon esprit. Elle hausse les épaules. Je remarque vite que si elle a l'aspect d'une enfant, elle est beaucoup plus mature... Comme une adulte. Enfin, si on peut parler comme ça d'un robot...

-Commande du palais. Nous avons été fabriquées comme ça. Toutes sur le même modèle.

-Vous êtes combien dans le genre ?...

-Une vingtaine peut être, mais la couleur de notre peau diffère. Et une vingtaine de garçons aussi.

Je garde un prudent silence. Tant de questions me passent par la tête à ce moment précis...

-Et quels sont vos droits ?

-Nos droits ?

-Je ne sais pas moi... Deux semaines de vacances, les week-ends de libres, des trucs comme ça quoi !

Elle me dévisage un instant en fronçant l'un de ses sourcils mauves. Elle semble pensive.

-C'est une drôle de question. On ne me l'avait jamais posée avant...

Je réprime un soupir. J'ai quand même une nette tendance à poser des questions dans des cas où tout le monde trouve les réponses évidentes... Elle continue cependant.

-Disons que je ne vois pas bien ce que nous pourrions faire de tels droits... Ou aller ? Nous sommes programmés pour obéir.

-Programmés pour obéir ? Tu ne peux pas désobéir ?

Cette idée me paraît complètement folle. Et encore une fois je m'interroge sur le futur que nous nous préparons à mon époque. Pourquoi est-ce-que ce robot n'aurait pas le droit de vivre lui aussi ?

-Non. Un ordre est un ordre. Je ne peux techniquement rien faire d'autre qu'obéir. Du coup, avec toutes tes questions, j'ai oublié de te préciser que j'étais pour une semaine à ton service et... Désires-tu quelque chose ?

-Non merci, rien du tout... Juste un peu discuter si ça ne te dérange pas !

-Tu es curieuse... Personne ne me demande jamais si ça me dérange ou non...

-Pourtant, tu peux éprouver des sentiments non ?

Je repense avec un petit pincement au cœur au casque qui m'attend bien sagement chez Aevin et à l'impossibilité pour moi de converser maintenant avec Ady...

-Des sentiments ? Oui, je suis comme un humain sur ce point-là... Tristesse, angoisse, peur, amitié... Mais à quoi me servent tout ces simples mots ? Ils sont vides de sens puisque je ne suis qu'un robot...

Elle semble alors réaliser la colère qui transparaît dans ses dernières phrases. Elle me jette un petit coup d'œil à la dérobée, guettant ma réaction.

-Ne t'inquiète pas, je comprend tout à fait... Tu devrais organiser avec les autres une manifestation pour secouer l'opinion publique...

Elle me dévisage de nouveau avec incrédulité.

-Tu es vraiment, vraiment étrange...

Il faut croire que mes débuts en tant que parfaite habitante de l'année 2716 sont parfaitement ratés... Je relève la tête en entendant les petits cris de mon dragon. Mahaut me regarde avec un petit sourire.

-Je crois que tu devrais le laisser sortir... Il s'impatiente, tout seul dans sa boîte.

J'acquiesce avec un sourire également et je me lève de mon siège. Je prend la boîte sur la table pour la poser au sol. Immédiatement, mon nouveau compagnon commence à s'agiter. J'ouvre la porte et il se rue dehors.

Lorsque je le vois avancer en reniflant chaque objet présent dans la pièce avec son étrange démarche, je ne peux m'empêcher de rire.

Au fond, malgré tout ce qu'il m'a coûté et je ne parle pas d'argent, il est vraiment craquant...

Mahaut me demande, toujours aussi souriante :

-Comment s'appelle t-il ?

Maintenant que je me suis (presque) habituée à lui parler comme à une adulte, la conversation est nettement plus facile.

-Je ne sais pas encore...

-Il n'a pas de nom ? Il faut lui en trouver un alors !

J'éclate une nouvelle fois de rire devant son enthousiasme. C'est étonnant comme elle peut si vite passer d'une attitude terriblement sérieuse à une autre beaucoup plus détendue et presque enfantine...

-Tu as une idée ?

-Bien sûr ! Voyons... Caramel, chocolat, biscotte...

Je ne retiens vraiment plus mon fou rire. Mahaut rit elle aussi de bon cœur et j'ai de plus en plus de mal à m'habituer à l'idée singulière qu'elle n'est qu'un robot...

-Tu n'aurais rien de plus...sérieux ?

-Rabat-joie ! Alors, voyons... Dentifrice ? Non ? Bon, d'accord, un peu de sérieux... Alors, proposition de dernière minute, dynamite ça te va ?

-Après tout, pourquoi pas ! Je préfère ça à "dentifrice" pour tout t'avouer...

Nous contemplons toutes les deux en silence mon petit dragon qui vient de se mettre entre mes jambes et me regarde à la manière d'un petit chien qui attend des caresses. Je me penche vers lui, légèrement attendrie malgré moi.

-D'accord... Je vais peut être te garder... Dynamite. Mais tu avoueras que sept mètre de long, ce n'est pas pratique !

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Dynamite : nom proposé par p3f3ct1on_k1lls