Héritier du trône. Parfaitement. J'étais, et je pense l'être toujours, le prince héritier du royaume d'Astra. Mais les juges m'ont jadis déstitués. Et mon père n'a rien fait. Ma mère n'a rien dit.
Je crois que, quelque part, ils espéraient tous deux que la prison arriverait là où ils avaient échoués : m'éduquer avec un sens moral. Ils avaient tord... Je n'ai su m'amender que pour Azylis. A moins que je ne me trompe ? Que tout ait basculé le jour ou j'ai entendu ce juge prononcer la sentence ?
Car je ne les oublierait jamais, ces quelques mots... J'ai appris depuis que ma sœur avait accepté la charge qui lui incombait désormais, et que le peuple l'aimait et l'acclamait à chacune de ses sorties en public.
J'aimais ça. J'étais né pour régner et pour électriser les foules. Et, pire que ça, j'en avais l'intelligence et les capacités. Alors, pourquoi tout était-il parti de travers ? Parce que j'aimais les émotions fortes, que j'en voulais toujours plus, me grisant dans mille dangers.
Et pourtant, très paradoxalement, j'avais conscience de mon éducation et je m'étais toujours comporté comme un prince... Avec toute l'arrogance qui me caractérise. J'étais fier de mon titre, et je le suis encore aujourd'hui, même quand tout cela n'a plus aucun sens pour moi...
12 juillet 2713
Je croise le regard de Sady, une amie de mes parents. Entre nous, c'est tout de suite une haine féroce qui naît. Pourquoi ? Je ne saurais le dire... Elle, c'est pourtant quelqu'un d'aimable et de souriant en des milliers d'autres circonstances. Mais pas avec moi.Alors, pendant que nos parents discutent dans les salons luxueux, une tasse de thé à la main, nous nous lançons d'impossibles défis. Je me rappelle de ce jour comme si c'était hier. Nous sommes tous les deux dans la salle d'arme, parce que nos parents nous ont une fois de plus demandé d'aller "jouer ensemble pour faire mieux connaissance". Comme si nous en avions encore l'âge...
En vérité, j'ai entendu ma mère annoncer à son amie qu'elle espérait que Sady changerait mon détestable caractère. Parce que j'aime profondément ma mère, même si je ne le montre pas forcément, ces mots n'ont fait qu'accroître ma haine contre Sady.
Nous étions donc dans la salle d'arme, sans nous parler, chacun tourné dans une direction différente, lorsqu'elle a prit la parole. Je la revois encore comme si c'était hier.
-Je parie que tu ne t'es jamais servi des pistolets...
-J'en ai l'interdiction...Je dis ça en passant, comme si je ne faisais pas attention à son ton narquois. Elle continue, laissant échapper un éclat de rire. Cette fois-ci, ce n'est qu'une plaisanterie qu'elle laisse échapper. Une stupide plaisanterie.
-Je parie que tu es incapable de me tirer dessus avec une de ces armes...!
Elle n'en semble pas douter, ça lui paraît logique. Et moi, tranquille, j'ouvre d'un geste mécanique le chargeur d'un pistolet que je viens de prendre sur l'étagère, et je vérifie qu'il est chargé. Oui, il n'y a pas de problèmes de ce côté-là.
-Tu en es sûre ?
Sady laisse échapper un bref mouvement de frayeur en se voyant dans le viseur de mon arme que je tends à bout de bras vers elle. Mais elle prend une profonde inspiration.
-Oui, j'en suis certaine.
Elle ne bouge pas d'un pouce. J'appuie sur la détente. Le choc et le bruit de l'arme à feu résonnent encore en moi. Sady tombe à terre, les mains crispées sur son ventre. Elle est maintenant à genoux, quelques mètres devant moi. Je suis debout devant elle, immobile, le regard vide.
Ma main pend lamentablement à mon côté, le pistolet au bout. Une odeur de poudre me pique le nez. Elle me demande d'une voix qui ne me parvient qu'à travers un nuage :
-Pour... Pourquoi ?
Et là, le vide s'accentue en moi. Je n'ai pas de réponses. Je n'ai rien à dire. Depuis toujours je sens ce gouffre en moi, cette petite voix dans ma tête qui me demande une raison d'exister. Elle répète d'une voix d'outre-tombe.-Pourquoi ?
J'aimerai faire cesser cette voix misérable qui me brûle jusqu'au fond de mon être. Je me décide enfin à faire ce que j'aurai déjà dû accomplir quelques minutes avant.Je balance le pistolet loin de moi et m'agenouille près de Sady pour constater les dégâts. J'écarte ses mains. Même si je ne suis pas médecin, je sais qu'il n'y a plus rien à faire pour la sauver. Alors, misérable à mon tour, je réponds avec une terrible honnêteté.
-Je ne sais pas... Tout est parti si vite !
Ma voix, c'est une supplique, une tentative de justification. Et, tandis qu'elle tente de me voir à travers le brouillard qui l'envahit, mon cœur se brise en un million de morceaux.
-Tu sais, ce n'est pas si grave. Je te pardonne...
Que puis je répondre ? Pas si grave ! Des milliers de mots se bousculent dans ma bouche sans que je les dise, me laissant un goût amer.-Je suis un assassin.
-Ça, c'est sûr. En tout cas, ça en prend bien le chemin.Sa voix malicieuse me brise un peu plus le cœur. Ce sont ses derniers mots. Au fond, nous aurions pu nous entendre... Trop tard pour les regrets. Qu'est ce qui a bien pu se passer dans ma tête pour que j'en vienne à tirer ? Je ne le sais pas. Je ne veux plus le savoir. Tout me hante maintenant, et notamment son visage.
Et là, j'entends les cris qui viendront bientôt meubler ma vie entière. La voix des gardes.
-Ouvrez cette porte !
Nous l'avions fermée ? Je ne m'en souviens pas. Et puis après tout, qu'importe ? La peur, la peur animale que nous avons chacun au fond de nous me saisit, me forçant à chercher une issue, un endroit ou fuir.Alors, sans réfléchir, je passe une jambe puis l'autre par dessus le balcon de la fenêtre. Qui a construit ce château ? J'aimerai dire deux mots à l'architecte. Car il est construit au bord d'une falaise. C'est... Très spectaculaire. Sauf quand on fait de l'escalade au troisième étage. Toute chute est mortelle. Après tout ? Pourquoi pas ? Mais il y a ce démon qui m'habite, cette passion du danger.
Il faut continuer... L'adrénaline m'envahit, me poussant à grimper sur la façade toujours plus haut. Cinquième... Sixième... Les combles... Ça y est, j'ai atteins le toit. Mais c'est encore une épreuve en soi car il est inégal, partagé entre des tours, des cheminée, et des pans en pente qui en rendent l'architecture loufoque. Je n'ai plus qu'à redescendre... De l'autre côté.
Mes mains s'agrippent aux anfractuosités, j'ai les pensées bloquées, tout est vide dans mon esprit. Comment ais-je pu faire ça ? Pourquoi me suis-je aussi lâchement enfui ? Je descends lentement sur la façade, mes pieds cherchant un appui, toujours avec cette peur de la chute mortelle et cette griserie face au danger.
J'ai l'impression que cela fait des heures que je descend ainsi, la crainte au cœur. A l'intérieur du palais, j'entends les cris qui résonnent, les hurlements de douleurs. Quelque part, ma mère apprend que son fils est un assassin...
Mes mains se crispent un peu plus sur le mur à cette idée et ma respiration se fait sifflante.Enfin. Ça y est, j'ai atteins le sol. Avec un immense soulagement, je me laisse tomber dans l'herbe. Puis, je me rends compte que quelque chose ne va pas. Je scrute l'ombre des arbres. Une goutte de sueur perle dans mon cou. Bien sûr ! Comment ais je pu ne pas les voir ?
-Mains en l'air ! Prince Gabriel, vous êtes en état d'arrestation.
Je suis entouré d'un cercle de gardes armés jusqu'au dents. Alors, lentement, j'obéis à l'injonction, un goût amer dans la bouche.
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Intemporel T1 & 2
Science FictionLorsque Gabriel disparaît de façon soudaine de sa vie, Azylis se lance à la recherche de réponses. Mais ce qu'elle va découvrir dépassera de beaucoup tout ce qu'elle avait pu imaginer... Et le temps, impitoyable, s'égrène à une vitesse délirante. Ca...