Azylis (Chapitre 164)

651 131 38
                                    

Jamais, oh grand jamais je n'aurai imaginer me retrouver un jour dans une situation pareille.

C'est presque impossible à intégrer. Pour ma famille, j'ai mystérieusement disparu depuis plus de sept ans... Que vont-ils dire exactement quand ils verront mon visage ? Que je n'ai absolument pas changé ?

Je suis sortie de la voiture et mon frère également. Il s'avance vers la porte métallique, l'ouvre avec la petite clef rouillée que j'ai toujours connu et nous pénétrons dans le jardin.

La porte se referme en faisant un grand bruit car je n'ai pas pensé à la retenir.

Le jardin est plutôt spacieux, surtout pour une maison en banlieue parisienne, et nous avons un immense cerisier pour principale décoration que j'ai toujours beaucoup aimé.

La bâtisse en elle-même est plutôt ancienne, un peu biscornue par bien des côtes étranges mais merveilleusement confortable à vivre. C'est peut être un détail mais j'ai toujours apprécié la vigne vierge qui escalade nos murs.

J'arrête soudain Tugdual par le bras alors que nous nous approchons du petit perron.

-Attends...  Tu vas les réveiller comme ça, à une heure du matin ?

-Bien sûr... Ils m'en voudraient si je ne le faisais pas... Azylis, ils attendent ton retour depuis sept ans ! Tu te rends compte ?

Je me mords la lèvre, évitant la réponse qui allait naturellement sortir de ma bouche. Non, je n'arrive justement pas à me rendre compte...

Tugdual ouvre rapidement la porte et je pénètre à sa suite dans la maison. Le hall, spacieux et aussi encombré qu'il y a quelques mois -enfin, années- et le salon ou mon frère se dirige juste à ma gauche.

Je reconnais immédiatement le cercle de sièges près d'une cheminée rarement utilisée, le piano dans un angle et la tapisserie accrochée au mur que j'ai toujours trouvé un peu décalée même si je trouve aussi qu'elle donne au salon un charme absolument inimitable.

Le plancher crisse sous mes pas tandis que je me dirige vers le premier siège venu. Mon frère se dirige vers la porte avant de tout à coup de retourner vers moi.

-Tu me promets de ne pas repartir ?

-Oui, ne t'inquiète pas, je ne quitterai pas cette pièce tant que tu ne seras pas revenu...

Il paraît un peu soulagé mais pas complètement rassuré.

-Très bien, je reviens tout de suite...

Il quitte la pièce et je me retrouve seule, sentant petit à petit la tension monter en moi. Comment leur expliquer à tous sans les choquer ce qui m'arrive ?

Mes doigts se crispent dans ma poche sur le petit bâtonnet argenté qui est maintenant mon seul lien à la machine de Gabriel. Il me prouve que je ne suis pas simplement en train de faire un rêve particulièrement étrange...

Les chambres sont au deuxième et au troisième. J'entends tout à coup un grand "boum" et je lève les yeux vers le plafond. On dirait bien que quelqu'un vient de tomber de son lit...

Deux minutes plus tard, j'entends une cavalcade dans les escaliers et la porte du salon se rouvre brusquement. Ma sœur, cheveux blonds et yeux bleus, se précipite vers moi en hurlant de joie. De toute évidence, elle habite toujours chez nos parents, ce qui n'est pas plus surprenant que ça.

Je me lève et elle me tombe dans les bras en riant.

-Tu es revenue ! Tu es revenue... Oh, Azylis, promet-moi de ne plus jamais nous refaire un coup pareil...

Et tout de suite après tandis que je garde le silence, légèrement sous le choc, elle recule d'un pas pour mieux m'observer.

Sans réfléchir je pose la question qui me brûle les lèvres.

-Tu ne m'en veux pas ?

-Si, à mort. Mais je ne veux pas que tu repartes... Et la joie l'emporte sur tout le reste... Si tu savais tout ce que j'ai pu imaginer ! C'est un peu comme si tu renaissais aujourd'hui...

-Merci... Je te promet de tout t'expliquer...

-Mais j'y compte bien...

Elle s'assoit sur l'accoudoir d'un des gros fauteuils du salon et ne me quitte plus des yeux. On dirait que ma venue au milieu de la nuit l'a parfaitement réveillée.

La porte du salon se rouvre tout à coup et je me redresse d'un bond, comme une élève prise en faute par le professeur.

Mes parents... Ma mère me regarde comme si elle n'en croyait pas ses yeux. Ses cheveux bruns lui encadrent le visage de façon très jolie et elle possède une certaine élégance. Mon père s'avance derrière elle.

Il me fait signe de m'assoir et j'obéis mécaniquement, consciente plus que tous les autres de l'étrangeté de la situation. Mon père n'a pas vraiment changé. Grand, cheveux grisonnants, impeccable même lorsqu'il est réveillé au beau milieu de la nuit.

Deux minutes plus tard, tout le monde est assis dans les fauteuils et un silence un peu lourd reste entre nous tandis que personne ne me quitte du regard comme s'ils craignaient tous que je disparaisse tout à coup.

-Bien je...

-Donc...

Je me tourne, gênée, vers mon frère qui vient de prendre la parole en même temps que moi. Nous échangeons un regard puis il fait un vague signe de la main avant de me dire :

-Vas-y, je t'en prie... Je crois que ça fait longtemps que nous attendons tous de t'entendre...

J'inspire lentement en me tournant vers ma famille, observant chaque visage avec une attention particulière.

-Mon histoire est peu banale. Je crois que vous aurez du mal à me croire... Je n'aurai pas dû partir sans réfléchir, mais j'espère que vous me pardonnerez plus facilement quand vous saurez tout...

Je laisse un léger silence porter mes paroles. Aucun de nous ne veut gâcher cet instant. J'ai l'impression qu'il se passe quelque chose de très spécial.

Je n'ai jamais compris à quel point j'aimais ma famille... Avant cette soirée pas comme les autres...

Ma mère ferme doucement les yeux avant de me répondre fermement.

-Vas-y... Nous verrons bien si nous te croyons ou non...

-Avant de commencer je voudrais vous dire à quel point je vous aime. Je suis partie dans le futur. Dans l'année 2716.

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant