•Gabriel• (Chapitre 81)

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Je suis debout au milieu de ma cellule. Il n'y a rien à détruire. Encore une fois. Je suppose qu'ils ont l'habitude des prisonniers fou de rage et de colère.

Non. Non, ce n'est pas possible ! Mon cerveau refuse d'assimiler la situation. Je ne peux pas être une nouvelle fois dans ce lugubre endroit après tout ce que j'ai traversé pour m'échapper...

Il y a trois gardes dans le couloir. Et une porte blindée sans ouverture qui me sépare du monde extérieur.

Je sais que je n'ai cette fois-ci plus la moindre chance. C'est Edilyn qui tient les commandes. Et elle ne me fera pas le moindre cadeau.

Je me rassois lentement sur le sol poussiéreux de ma cellule sombre.

J'ai une grimace dépitée. Je reprends déjà mes bonnes vieilles habitudes... Je crispe mes poings et la rage et la colère m'envahissent une nouvelle fois.

Tu me le payeras Edilyn... J'ai un sourire sarcastique. Elle est assez maligne pour savoir maintenant que je suis un véritable danger. Elle ne me laissera pas le temps de poser problème...

Je sais ce qu'ils vont faire à Azylis. Mais je refuse de l'assimiler. Ce n'est pas possible... Ils vont me tuer, ils vont lui enlever ses souvenirs...

Qu'est ce qui est le pire ? Je me demande parfois si les juges qui condamnent pensent vraiment aux victimes...

Je voudrai me battre. Mais comment ? Je n'ai aucun soutien...

J'entends alors la lourde porte de ma cellule s'ouvrir. Le cœur humain est ainsi fait que je ne peux pas m'empêcher de relever la tête avec un terrible espoir peint sur mon visage.

Je me relève prestement à la vue de ma visiteuse. Je tremble. La porte se referme.

C'est la première fois depuis cinq ans que je revois ma mère en tête à tête. Elle me fixe en silence, indécise quelques secondes. A t-elle hésité à venir ?

-Maman, avant toute chose, je voudrais vous demander pardon...

C'est si court une phrase... Je songe que je ne lui ai même pas dit bonjour. Mais ce n'est vraiment pas le plus important. Je quête désespérément au fond de ses yeux une réponse.

-Gabriel...

Elle murmure mon prénom. Comme seule une mère sait le faire. Je sens une émotion rassurante m'envahir. Elle continue plus vite tout à coup.

Le charme est rompu... Mais je sais le plus beau. Elle me pardonne aujourd'hui. Je me jure en moi-même de ne plus jamais la décevoir.

-Gabriel, je n'ai que quelques minutes pour te parler...

-Mais pourquoi ?

-Parce que je n'avais pas le droit de venir te voir...

Connaissant son profond respect des lois, je sens mon cœur se remplir de gratitude. Elle m'aime assez pour venir... Quelques mots qui changent ma vie...

-Alors, c'est merveilleux que vous soyez venue...

Elle esquisse un léger sourire.

-Oui. Je voulais te dire une chose importante. Je vais me battre, avec ton père. Pour vous sauver, Azylis et toi...

Je redresse la tête. Trop d'émotions m'envahissent d'un coup pour que je puisse facilement les analyser.

Ma mère me tend la main... Je l'ai tant espéré ces derniers mois, ce regard si beau tourné vers moi... Mais ses yeux se rembrunissent tout à coup.

-Gabriel, il faudra peut être que je fasse un choix. Je ne suis pas certaine de pouvoir tous les deux vous sauver.

Je me mords la lèvre. Jamais je ne pleurerai devant quelqu'un. Jamais... Si je l'ai déjà fait, je veux l'oublier.

-Je ne comprends juste pas une chose... C'est vous les chefs du pays, non ?

Ma mère baisse la tête. Elle cherche à me cacher ses émotions.

-Oui, mais Edilyn dirige tout le parlement. Ils sont à sa botte là-bas. Il va falloir qu'on se batte...

Encore et toujours ma chère petite sœur...

-Alors, maman, s'il faut un jour faire un choix, sauvez Azylis.

Il y a un petit silence. Je ne veux pas d'admiration. Je tente de me justifier car je n'ai jamais eu dans mes intentions de passer pour un saint.

-C'est un peu égoïste vous savez... J'ai déjà tellement de choses sur la conscience que je ne veux absolument pas en rajouter...

Ma mère s'approche et tout à coup, sans que je m'y attende, elle me prend dans ses bras. Je n'aime pas vraiment ça et me raidit légèrement. Mais ses mots me vont droit au cœur lorsqu'elle s'éloigne d'un pas.

-Je me battrais pour vous deux. Si tu savais comme tu me rends heureuse !... Je te retrouve... Changé. J'aimerai avoir le temps de mieux te connaître.

-Et j'aimerai vous rendre heureuse...

Elle sourit. Puis elle se rembrunit.

-Je dois partir, je suis certaine que ta sœur possède des espions dans le bâtiment. Après tout, c'est elle qui s'est débrouillée pour choisir ta nouvelle prison, et je doute qu'elle l'ait fait au hasard. Je te quitte. Mais sache que derrière ces murs, on se bat pour toi.

Elle garde le silence quelques minutes. Moi aussi. Si je répondais, je sens que je ne pourrai plus maîtriser le trop plein de mes émotions.

Elle continue doucement.

-Même si je n'ai pas oublié... Azylis en premier.

Je hoche la tête. Elle recule contre la porte et toque deux petit coups. Le garde ouvre immédiatement. Tandis qu'elle se faufile dehors, elle me murmure quelques mots.

-N'oublie pas qu'on t'aime, quoi qu'il arrive...

La porte se referme. Je me rassois doucement par terre. J'ai presque l'impression d'être redevenu un petit enfant.

Et ma mère a réussis. A consoler l'enfant qui pleure en moi.

Joli. Je deviendrai presque sentimental. Je ferai peut être un bon poète plus tard. Je grimace un sourire. J'en doute, j'ai toujours détesté écrire ces fichus alexandrins ou oxymores...

Deux mots déjà compliqués mais qui signifient parfaitement ce que je pense de la poésie en vers. Très beau, mais pas pour moi. Et puis, la poésie, ça va vraiment deux minutes.

Mais à quoi est-ce-que je pense ? Ma mémoire me rappelle l'entretien que je viens d'avoir avec ma mère. Elle a dit tant de choses merveilleuses...

Ils vont prendre ma défense. Elle et mon père. Dis comme ça, c'est juste merveilleux. Je me rembrunis. Ils ne pourront pas forcément nous sauver tous les deux, Azylis et moi...

Et je lui ai donné la priorité. Pas de doute, je suis un véritable chevalier des temps modernes. Et modeste en plus.

Il n'y a pas à dire, je suis quelqu'un de formidable. J'espère sincèrement ne pas disparaître, ce serait une perte tragique pour l'humanité...

Je grimace. Pas de doute, je vais mieux. Je recommence à faire mon fichu humour. Heureusement que personne n'est là pour écouter mes bêtises...

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant