Intemporel T5 & 6

Edilyn (Chapitre 11)

Je marche de long en large dans la pièce déserte et sens mon souffle s'accélérer. J'attends depuis une heure et je sens l'anxiété qui ne m'a jamais quittée se répandre de nouveau dans mes veines. D'après le rapport, je devrais revoir ma fille dans quelques minutes...

À ce moment précis l'une des grandes doubles portes s'ouvre et un garde pénètre le premier dans la salle suivie de ma fille et d'un jeune homme que j'ai pu apercevoir à plusieurs reprises : le maire, Esteban.

Saldya s'avance en silence vers moi sans baisser les yeux. Alors, oubliant tout, et notamment les deux hommes présents, je me précipite vers elle et la soulève dans mes bras en cachant ma tête dans ses cheveux.

-Saldya ! Comment as-tu pu me faire ça ? Tu m'as fais tellement peur...

Je la repose à terre et je vois son menton trembler avant qu'elle ne baisse les yeux en murmurant :

-Pardon Maman... Je ne voulais pas...

Je me penche vers elle et lui demande doucement :

-Tu voulais vraiment partir ?

Elle lève ses yeux bleus vers les miens, brillants de toutes les larmes qu'ils contiennent.

-Je voulais trouver des gens qui m'aiment.

Je ne peux m'empêcher de sentir la douleur qui s'empare de moi. Mais je m'applique à garder un visage impénétrable pour dire :

-Saldya... Tu sais que je t'aime. Et Eslimea aussi...

-Mais vous êtes les seules.

Que puis-je répondre ? Je lui prends la main dans la mienne et la serre très fort. Je lui chuchote rapidement à l'oreille :

-Saldya, tu as ma parole que nous trouverons une solution. D'accord ? Mais ne tente plus de partir sans m'en parler.

Elle hésite et garde le silence pendant quelques mortelles secondes. Puis, enfin, elle hoche la tête et je lui adresse un léger sourire aux reflets tristes. Je me redresse alors et me détourne à regret de ma fille que j'aimerai garder dans mes bras pour toujours pour m'avancer vers mes deux autres visiteurs.

Je jette d'abord un coup d'œil au garde.

-Vous pouvez disposer. Et dire à votre équipe que vous aurez tous une prime pour cette mission.

Il réfrène difficilement un large sourire et s'incline avant de tourner les talons et de quitter la pièce. Saldya s'est assise dans un des fauteuils et regarde par la fenêtre mais je me force à me concentrer sur Esteban. Je n'aime pas cet homme mais je lui tends une main à serrer avec mon plus beau sourire.

-Vous avez sauvé la vie de ma fille. Je ne l'oublierai pas...

-Avec l'aide d'une jeune femme, votre altesse.

Il serre ma main et je recule ensuite légèrement avant de demander :

-C'est exact. Lui avez-vous dit que je voulais la voir ?

-Elle voulait une invitation pour la soirée du palais en récompense. J'ai pris la liberté de la lui accorder et j'ai pensé que cela vous conviendrait pour la rencontrer. Et je l'ai informée de votre souhait.

Il esquisse un léger salut avant de se redresser. Je ne peux m'empêcher de murmurer :

-Esteban... J'ai autorisé une nomination de maires... Puisque cela plaisait à la population. Mais il est facile de remplacer un homme.

Il s'incline de nouveau et me répond du même ton froid sans me quitter des yeux :

-Je le sais majesté. Et je ne crois pas que vous puissiez douter de ma loyauté.

Il est difficile de lui répondre lorsque je sais que Saldya est dans la pièce. Je me contente d'acquiescer sans ajouter un mot. Mais je me ravise et demande avant de le congédier :

-Quand aura lieu la prochaine réunion des maires de l'arrondissement ?

-Le lendemain de la soirée votre altesse.

-Il me semble que le représentant d'Icary sera absent.

-Il est pourtant en pleine santé...

-Je crois qu'il faudra lui chercher un remplaçant. Il m'a déplut à la dernière réunion.

Et je tourne alors les talons, mettant ainsi fin à la discussion. Mais, alors même qu'Esteban a franchit la porte de la grande pièce, je me retourne et lui lance d'un ton radoucit :

-Je n'oublierai pas ce que vous avez fait pour ma fille... Même si vous êtes un traître.

Il incline la tête et ne repond pas avant de sortir. J'entends ses pas s'éloigner dans les couloirs. Encore une inconnue de l'équation... Mes rapports réguliers me disent que cet homme est trop puissant. Il dirige en vérité tous les maires et le conseil commence à prendre trop d'importance... Mais pour l'instant il n'a pas dit un seul mot qui laisse entendre qu'il ne me soit pas loyal. Et il vient de sauver ma fille.

Je jette un coup d'œil triste à Saldya.

-Tu n'es pas contente de ce que je viens de dire n'est-ce-pas ?

Elle descend de son fauteuil et vient se poster debout à un mètre devant moi.

-Non Maman. Vous auriez dû le récompenser... Pas lui faire peur.

-Le menacer tu veux dire.

Je baisse la tête sans rien ajouter. Mais, pardonnant une fois de plus, Saldya s'approche de moi et je la serre très fort contre moi.

-On ne se quittera jamais pour toujours Maman ?

J'hésite à répondre pendant quelques secondes puis me décide avec plus de brusquerie que je n'aurai voulu :

-Jamais.

La porte de la salle se rouvre alors de nouveau en coup de vent et je m'écarte de Saldya juste à temps. Eslimea vient de bondir au cou de sa sœur.

-Tu m'as fais une de ces peurs ! Saldya ! Pourquoi es-tu partie ?

Mais avant même que ma petite fugueuse ait pu répondre, Eslimea enchaîne déjà :

-C'était bien ? Tu as vu des gens ? Une fille t'a recueillie chez elle non ? Ça ressemblait à quoi ?

Saldya hausse les épaules et esquisse un simple sourire.

-Eslimea... Moi aussi ça me fait plaisir de te revoir.

Pragmatique, la première de mes jumelles hausse les épaules avant de répondre :

-Ça ne fait qu'un jour mais j'ai eu peur pour toi... Mais Saldya, alors c'était comment ?

Je ne peux m'empêcher de me sentir plus heureuse en voyant mes deux filles. Elles s'entendent, et je n'en demande pas plus pour l'instant. Je refuse qu'elles refassent mes propres erreurs. Alors que je m'apprête à sortir à regret de la pièce, Saldya se tourne vers moi, écartant sa sœur au passage et me demande :

-Maman ? Vous savez, la fille que j'ai vu vous ressemblait beaucoup.

Que veut-elle dire ? Saldya me regarde gravement avant d'ajouter alors :

-Maman, quel âge aurait aujourd'hui notre cousine ?