Edilyn (Chapitre 167)

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Un air froid s'engouffre dans mes poumons brutalement et j'inspire avec force tandis que j'ai l'impression que l'oxygène me brule de l'intérieur. Je laisse échapper comme un râle et entends alors un cri à côté de moi mais qui ne me parvient qu'à travers le brouillard de mes pensées.

-Elle respire !

Je vois trouble et il faut quelques minutes avant que je distingue quelque chose autour de moi. Il n'y a qu'une personne, enfin deux avec un médecin je suppose.

Pas de gardes. Mon regard se fait interrogateur lorsqu'il se pose sur ma nièce. Elle m'adresse un sourire pour toute réponse d'abord avant que le petit dragon perché sur ses épaules ne saute sur le lit où je suis installée pour venir quémander des caresses. À moi !

Pourtant, je rassemble mon peu de forces et mes doigts se relèvent, un à un, avant de retomber doucement sur le petit animal et de commencer à caresser une à une les écailles dures tandis qu'il laisse échapper un doux vrombissement.

Le masque à oxygène m'empêche de parler et je fais mine de le retirer avant de sentir la main d'Ysaïne m'arrêter en se posant sur mon bras.

-Ma tante... Vous avez suffisamment récupéré ?

J'acquiesce pour toute réponse. Je suis presque en colère au fond de m'être ainsi laissée aller mais je ne le montre pas. Lorsque je peux enfin prendre la parole, malgré la difficulté de respirer tout de suite sans le masque, je demande, mes doigts continuant de caresser le petit dragon :

-Pourquoi es-tu ici ? Seule ?

Ysaïne s'assoit sur le bord d'une table avant de demander au docteur de quitter la pièce. Quelques secondes plus tard, il n'y a plus que nous deux face à face. Ses cheveux bleus tombent dans son dos et s'accordent parfaitement à sa veste et son pantalon sombre tandis que ses lèvres s'étirent en un léger sourire.

-Ma mère... craignait que sa présence ne vous plaise pas énormément. Pareil pour les autres. Je ne voulais pas vous assigner comme surveillant l'un de mes gardes... Alors je suis venue en personne. Je suis désolée de ne pas avoir mieux veillé sur votre santé...

Je détourne les yeux tandis que le dragon s'échappe d'un bond de ma main pour sauter aux pieds de sa maîtresse. Je réplique d'une vois dure :

-C'est ma faute de toute façon. Mais je suppose que tu n'es pas seule pour me surveiller...

-Denis, l'un de mes gardes, devant la porte. C'est tout.

Ma fierté se rebelle un instant à l'idée qu'ils me craignent si peu et je m'efforce de me calmer avant de dire :

-On dirait que je te dois une fois de plus des remerciements ?

Ma nièce s'est levé et circule dans la pièce sans faire mine de me regarder, son dragon la suivant d'une démarche pataude.

-Peut-être en effet...

Elle s'est retournée d'un bond vers moi et me dévisage sans agressivité. Je plie et déplie mes doigts, tentant de retrouver le contrôle de mes muscles fragilisés, sans la quitter des yeux.

Je me redresse lentement, tandis qu'elle revient se percher sur le bureau et reprend la parole en posant sur moi son regard si bleu qui n'est pas sans rappeler celui de Gabriel :

-Vous n'aviez donc plus envie de vivre ?

Je redresse la tête, détestant toute forme de pitié. Mais en cela, je ressemble trop à Ysaïne pour que nous ne nous comprenions pas. Mes yeux brillent et je réplique :

-Majesté...

-Vous n'êtes pas obligée de m'appeler ainsi.

-C'est ton titre pourtant, non ?

Ysaïne grimace et observe d'un ton neutre :

-Pas encore habituée... Que vouliez-vous me répondre ?

-Que dans une cellule, seule, on perd très vite ses repères. Quand je serais sur Sagan... Je ne sais pas ce que je ferais. Mais je ne sais pas si je trouverais suffisamment de raison pour arriver là-bas.

Une lueur traverse le regard d'Ysaïne et elle remet en place ses cheveux dans son dos d'un geste nerveux avant de demander :

-Jurez-moi... Jurez-moi de faire l'effort nécessaire !

Je fronce mes fins sourcils et un sourire amusé étire mes lèvres tandis que je réponds :

-On dirait que tu tiens trop de tes chers parents... Combien de fois devrais-je te prévenir que je suis dangereuse ?

Elle hausse les épaules et réplique :

-Désolée, le sens inné de la famille...

-Hum... Je ne l'ai jamais vraiment eu.

Si je ne me concentre pas sur tous mes regrets, je peux même esquisser une moue ironique. Ysaïne s'est de nouveau levée, me dévisage, et ses yeux s'attardent ensuite sur le serpent d'or qui orne mon bras avant qu'elle ne réponde.

-En effet, ça ne vous correspond pas trop. Mais vous êtes une battante... Je ne vous vois pas abandonner.

-À tout combattant il faut une lueur d'espoir, non ?

Elle recule et me lance un coup d'œil exaspéré avant de répliquer :

-Si, en fait je commence à comprendre en quoi vous êtes particulièrement dangereuse, même complètement immobilisée.

-On progresse.

Mon humour mordant m'envahit de nouveau tandis que je ramène contre moi l'une de mes jambes lentement, retrouvant la maîtrise de mes articulations.

Je me concentre ensuite sur la deuxième avant de redresser la tête et de lâcher :

-Ysaïne, si à Sagan je retrouvais du pouvoir...

À ces simples mots je la vois se tendre comme un arc mais elle se maîtrise. Du pouvoir... cela me ferait une raison de tenir, de continuer en oubliant tout ce que j'ai derrière moi. Et de toute façon je n'ai jamais pu m'en passer. Ysaïne parvient à demander simplement d'un ton neutre :

-Oui ?

-Azylis, le conseil, tout Astra enfin me tomberait dessus... Mais si jamais je te donne ma parole de n'exercer qu'une influence positive... quelle position prendrais-tu ?

Ses yeux sont fixés dans les miens et ne me lâchent plus. À ma grande surprise, c'est moi qui fais tous les efforts pour ne pas détourner la tête.

-Je vous ferais confiance. Je vous soutiendrais. Mais à la minute où vous poseriez problème...

-J'ai toujours tenu mes paroles. Même quand tout le monde m'appelait la régicide.

-Je sais. C'est pour cela que je vous ferais confiance.

-Et toi ? Me donnerais-tu ta parole de me soutenir dans ce cas-là ?

Elle n'hésite pas une seconde cette fois-ci et réplique :

-Contre la vôtre, oui.

Mes yeux se braquent sur la petite bestiole pleine d'écailles dans ses bras. Je ferme les yeux quelques secondes, avant de murmurer :

-Si tu me fais vraiment confiance... Me confierais-tu ton dragon ?

Intemporel T5 & 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant