Ysaïne (Chapitre 180)

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Dans la salle du conseil, c'est un silence électrique qui plane après ma déclaration. Esteban pose sa main sur la mienne tandis que je lui adresse un sourire... Nos fiançailles sont officielles depuis quelques jours déjà, mais ce n'est pas cela qui me vaut ce lourd silence maintenant. C'est la nouvelle que je viens d'annoncer...

Camille -membre du conseil à part entière même si elle s'obstine à s'adjuger le rôle de "secrétaire de sa Majesté"- jette un coup d'œil aux autres membres avant de rompre le silence et de demander avec hésitation :

-Heu... Tu es sûre de toi Ysaïne ? C'est... Plutôt déconseillé dans le cas présent et...

Dans mon dos, je devine que Denis s'est avancé d'un pas et qu'il doit se faire violence pour ne pas intervenir. Après tout, son rôle est uniquement d'assurer ma sécurité...

Je me retourne pourtant vers lui avec un petit sourire encourageant et lui demande calmement :

-Quel est ton avis ?

-Ce serait une idée... simplement merveilleuse.

Vu les visages qui m'entourent, il doit réellement être le seul à penser cela. Esteban resserre doucement sa main sur la mienne avant d'interroger mon garde des yeux en ajoutant à haute voix :

-Votre frère, Ethan Glisbury ?

Denis hoche la tête tandis que je saisis en un éclair. Les autres conseillers ne paraissent pas ravis que la parole soit donnée à mon simple garde mais je tourne carrément vers lui mon siège pivotable, avant de lui demander, l'ayant bien en face de moi :

-Tu avais un frère garde noir, actuellement dans nos prisons, et tu ne me l'as jamais dit ?

Il rougit, avant d'avouer :

-J'aime beaucoup ma place et... il faut quelqu'un dont on ne doute absolument pas de la loyauté pour vous... te protéger.

Ce n'est pas le moment de lui expliquer en long et en large que je ne renoncerais pour rien au monde à lui... Je garde en tête des souvenirs très marquants des précédents cerbères que l'on a prétendu m'imposer !... Je me retourne donc à regret, me contentant de lâcher :

-On en reparle plus tard...

De nouveau face à la table et aux conseiller, c'est la parole d'une jeune femme, Nola, que je dois affronter. Recommandée par je ne sais plus qui, elle prend la parole après avoir jeté un petit coup d'œil à Esteban, espérant visiblement qu'il la soutienne.

-Majesté... Votre projet est trop dangereux pour la paix de la société. Je suggère que nous l'annulions et...

Cela fait bien une heure que je ne rêve que de quitter mon siège. Je me lève, dégageant au passage ma main de celle de mon beau fiancé -non sans regret d'ailleurs-, avant de faire quelques pas puis de m'immobiliser de nouveau. Je réponds enfin :

-Je tiens à ce projet... La libération de tous les prisonniers politiques le jour de mon mariage. Vraiment. Nous tenons le pays maintenant et qui les suivra s'ils tentent quelque chose ? Sans compter qu'eux-même auront envie d'oublier tout ça, de progresser, de se construire une nouvelle vie... Nous ne garderions que les plus dangereux. Est-ce un programme si surprenant ?

Je me retourne vers eux et mes yeux se posent sur chacune des personnes présentes. Je n'ai jamais été pour un Etat laxiste et cela n'a pas changé. Je ne propose pas de libérer les assassins et tout le reste des brigands présents dans les cellules des prisons, non, simplement de tirer un trait définitif sur la guerre civile d'Astra.

Et je suis persuadée que ce geste est le seul qui peut clore le chapitre...

Un homme à barbe grise -je l'aime beaucoup, et j'apprécie toujours ses points de vue, argumentés et réfléchis- prend la parole en posant son regard sur moi tandis que je me rassois à regret dans mon siège avant de croiser les jambes.

Intemporel T5 & 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant