Ysa (Chapitre 25)

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-Saldya, je ne crois pas que ce soit... que ce soit une excellente idée. Quand pensera la reine ? Et puis, j'ai des activités et...

L'aube se lèvera dans quelques heures et je ne peux m'empêcher d'avoir hâte de fuir ce palais qui reste à mes yeux dangereux. Mes ennemis savent que j'y suis venue... Et ils ont tué Astrala...

Lorsque Saldya relève la tête vers moi, il me semble que la même étincelle de colère illumine nos yeux bleus. Elle répond avec défi :

-Maman sera d'accord.

-Et mes activités ?

Esteban intervient alors avec un léger sourire et un regard amusé.

-Si tu n'acceptes pas Ysa, je lui révélerai la nature de tes fameuses activités...

Je lui lance un regard furieux tandis que Saldya me jette un regard empli de curiosité. Je réponds calmement :

-C'est du chantage ?

Le sourire de monsieur le maire s'agrandit et il hausse les épaules en lâchant avec une pointe de défi :

-Oui. Je le dirais même à la terre entière si tu n'acceptes pas.

Je suis dans une impasse. Revenir régulièrement au palais ? Mais Jean me retrouvera sans difficultés... Mes yeux brillent un bref instant. Aurai-je peur ? Je relève alors automatiquement mon regard. De toute façon, je n'ai pas le choix. La menace d'Esteban est claire même si je ne saisis toujours pas ses motivations.

-Alors... C'est d'accord Saldya. Tu sais où j'habite donc tu m'enverras un message, ok ?

Elle acquiesce avec un grand sourire qui me réchauffe le cœur et je m'approche d'elle sans réfléchir pour planter un léger baiser sur sa joue.

-À bientôt alors.

Au fond de moi, je dois admettre que je ne suis pas mécontente à l'idée de ne pas la laisser seule dans ce sinistre palais... Je tourne pourtant rapidement les talons pour ne pas m'apitoyer -j'ai horreur de ça !- et sans attendre de réponse pour gagner la porte. Mais Esteban m'arrête en me prenant le bras.

-Je te raccompagne.

-Pas question.

-Ah non ? Tu veux recroiser tes poursuivants de tout à l'heure ?

Saldya n'a rien entendu de notre échange murmuré. Elle nous adresse un dernier sourire puis se dirige vers la porte gauche de la salle.

-À bientôt tous les deux ! Dans la semaine...

Et la porte se referme derrière elle. Je peux alors me dégager le bras et demander froidement à Esteban :

-Comment tu sais ça ?

Son regard s'assombrit et il crache avec colère :

-Il y a eu des morts Ysa ! La garde noire était sens dessus dessous... Et j'ai eu droit au rapport d'un de mes hommes. Je suis maire d'Ivy quand même, et tout le monde n'est pas comme mademoiselle, c'est à dire n'y attache aucune importance !...

Je reste un instant figée, ne pensant qu'à la première partie de ce qu'il vient de dire : il y a eu des morts. J'en ai eu l'habitude dans mon enfance, des disparitions soudaines dans mon entourage et ce mot sans grande signification que les adultes répétaient alors... Mais je dois cette fois ci me mordre violemment l'intérieur des joues pour ne pas pleurer.

Ça commence à faire beaucoup en une journée quand même... Et je ne peux m'empêcher de penser à Astrala. Je finis par dire avec hésitation :

-Mais que disait le garde sur moi ?

-Qu'une fille aux cheveux bleus fuyaient les deux hommes et la femme qu'ils avaient abattus...

Je m'immobilise, ne me résignant pas à sortir du salon, et demande de nouveau :

-Et la reine ? Elle était là ?...

Esteban ne me répond pas. Il recule précipitamment et je me retourne d'un mouvement vif. Edilyn est en face de moi, à moins de deux mètres derrière la porte que je tiens ouverte... Elle rétorque avec un sourire grimaçant :

-Bien sûr que j'étais là. Il est normal que j'assiste au rapport de mes propres gardes, non ?

J'incline la tête en silence avant de répondre prudemment et le cœur battant à tout rompre :

-Bien sûr majesté...

-Vous avez vue ma fille n'est-ce-pas ?

Ses yeux brillent et elle paraît sur le point d'ajouter quelque chose mais se retient à temps. Voulait-elle me demander si Saldya a tenu parole ? Je ferme une demi seconde les paupières avant d'acquiescer. La reine est dangereuse... Et je n'ai pas le droit d'être ici.

Mais curieusement, je me prends à faire soudain confiance à la petite fille de douze ans qui m'assure me protéger. Je me décide à répondre en plongeant mon regard droit dans celui d'Edilyn.

-Oui majesté. À vrai dire, c'est elle que je venais voir. Elle m'a d'ailleurs invité à revenir deux fois par semaine...

La reine vient de poser ses yeux sur Esteban mais elle tressaille en entendant ce que je viens de dire. Elle tourne de nouveau son superbe visage vers le mien.

-Vous ne devriez pas venir.

J'esquisse un sourire prudent. Je sens bien la menace contenue dans ses paroles...

-Votre fille parle de loyauté, majesté...

Elle me fixe sans me voir et je me demande un bref instant qui elle peut bien voir dans mes traits. On jurerait qu'elle regarde un fantôme. Elle murmure :

-Vous me faites la leçon ?

-Je ne me le permettrais pas.

J'entends Esteban derrière moi lâcher un petit soupir d'angoisse. Il est aussi crispé que moi et je le sens à deux doigts d'intervenir dans la discussion. Mais on n'interrompt pas la reine... Je ne peux m'empêcher de me sentir envahie d'un peu de mépris avant de secouer la tête pour moi-même. Comment puis-je avoir de si mauvaises pensées ?

Edilyn détache ses yeux des miens et s'avance lentement de son pas aérien dans la pièce. Nous tournant le dos, elle lance dans un souffle :

-Allez-vous-en. Tous les deux. Immédiatement.

Je m'apprête à dire quelque chose mais Esteban m'attrape de nouveau fermement par le bras -ce qui m'agace prodigieusement- et m'entraîne vers la porte. Je me retourne alors vers la reine toujours aussi immobile qu'une statue au centre de la pièce.

-Vous savez majesté... Vous ne pourrez pas toujours cacher vos larmes. Je découvrirai qui je suis. Que vous m'aidiez ou non...

Et je me laisse cette fois-ci entraîner par Esteban sans opposer de résistance. La porte claque dans mon dos et le maire d'Ivy attend que nous nous soyons éloigné dans le couloir pour se tourner vers moi et s'immobiliser, littéralement fou de rage :

-Pourquoi ? Pourquoi as-tu fais ça ?

J'esquisse un petit sourire.

-C'est évident non ? Par défi...

Intemporel T5 & 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant