Idwin (Chapitre 179)

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Un mois plus tard.

Je déchire violemment entre mes doigt la lettre papier. Un support beaucoup plus coûteux que le numérique, réservé aux grandes occasions... Je suis seul dans ma chambre, avec Tiara assise devant une grande coiffeuse.

Elle me jette un rapide coup d'œil à travers la glace avant de baisser précipitamment les yeux. Elle demande d'une voix hésitante :

-Des... des mauvaises nouvelles ?

Elle n'est plus la même depuis la mort de son père. Ou depuis que je l'ai épousée, je ne sais. Je ne réponds pas et lui tourne le dos, les restes de la lettre chiffonnés entre mes doigts.

Je lâche enfin d'une voix dure et cassante :

-Je sors, si Père me cherche...

-Il ne t'appelle jamais aux réunions. Tu n'aurais pas dû insulter publiquement ce gamin la semaine dernière... Les gens grondent. Tu nous mets en danger !

Je me retourne et en quelques pas je l'ai rejointe, furieux et fou de rage.

Elle lève la main devant son visage dans un geste instinctif de défense mais je me contente de saisir son fin poignet entre mes doigts sans rien dire. Je ne m'abaisserai pas à la frapper, même si là précisément sur le moment je la déteste aveuglement.

-Notre mariage ne m'a apporté aucune popularité... Il n'a rien changé.

Elle trouve la force de répondre d'une voix ferme au fond d'elle-même :

-Si ! Il a remis les compteurs à zéros... Les gens attendaient juste de voir quelle attitude tu allais prendre, mais ils étaient prêts à changer d'avis ! Tu as été aussi... monstrueux, exécrable que d'habitude, tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même...

Je la lâche sans répondre et recule d'un pas, respirant soudain bruyamment. Je gagne la porte rapidement, sentant que je suis à deux doigts de ne plus me contrôler, mais Tiara demande tout à coup d'une voix que je ne lui connais pas : décidée et triste.

-Que disait la lettre Idwin ? C'était des nouvelles d'Ysaïne, n'est-ce pas ?

Je me retourne très lentement vers elle sans la regarder. Je réponds dans un souffle :

-Si c'était le cas, tu serais jalouse ?

Un long silence. Et puis elle murmure enfin en réponse :

-Non. Pour la jalouser il aurait fallu que je t'aime. Tu ne m'en as jamais laissé l'occasion.

Mon souffle se raréfie dans ma gorge. Quelque chose s'agite au fond de moi et je la regarde tout à coup dans les yeux, soudain hésitant, sentant poindre en moi un fort regret.

Elle détourne pour sa part précipitamment son regard, perdant de nouveau son peu d'assurance, et je la vois agiter d'un mouvement nerveux son pied sous la coiffeuse. Les paupières baissées, elle évite de me regarder et ne peux voir mes yeux soudain troublés.

-Crois-tu que tu pourrais m'aimer aujourd'hui Tiara ?

Sa poitrine se soulève à intervalles réguliers soudain plus rapidement et je devine que sa respiration s'affole. Sans relever les yeux, elle murmure enfin :

-Le pourrais-tu toi ?

-Peut-être.

-Si tu ne me détestais pas autant, je suis certaine que tu pourrais me rendre heureuse.

Et elle relève son regard, le rivant à travers la glace dans le mien. C'est moi qui détourne le premier la tête. Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Que m'importe l'avis de Tiara ? J'hésite pourtant à franchir le seuil de la porte.

Intemporel T5 & 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant