J'ai le souffle court comme si je venais de courir un marathon. Hésitante, les joues brûlantes, les mains tremblantes, je me décide pourtant à lâcher à haute voix :
-A... Alors Ady ?
-Nous sommes stabilisés et d'après les contrôles, près de quelqu'un qui t'es cher même si je ne peux déterminer qui. J'active les caméras extérieures ?
Je me force à avaler ma salive et murmure :
-Vas... Vas-y.
Je suis dans mon époque. Sans y être tout à fait. Quelqu'un, quelqu'un que j'aime et que je n'ai pas vu depuis si longtemps est là, tout près... Je n'arrive plus à aligner deux pensées cohérentes.
L'écran s'allume alors et je reste un instant sans voix, surprise du paysage qui m'entoure. Nous sommes au milieu d'une rue, mais elle est absolument déserte. Et le paysage tout autour de nous ressemble à un terrifiant cauchemar. Les immeubles sont en ruine, des gravats couvrent la rue...
Comme après la guerre à Astra. Mais il y a ici quelque chose de plus, d'absolu. La première raison de ce vide que j'observe est sans doute l'absence de vie. Je n'aperçois pas le moindre être humain tandis que l'image commence à faire le tour de la machine en panoramique.
-Ady... Es-tu certaine que quelqu'un de ma famille soit dans les parages ? On ne dirait pas...
Je ne reconnais moi-même pas ma voix. Je dois être tellement pâle... Mais Ady répond très vite, m'obligeant à me ressaisir :
-Oui, et ces personnes approchent d'après le détecteur. Ils sont derrière le bâtiment effondré devant nous... Tu descends ? Que je cache la machine ? Ou... nous rentrons ?
Sa dernière question achève de me tirer de ma léthargie et je bondis presque hors du dossier contre lequel je m'appuyais en défaisant d'une main rapide les sangles.
-Non ! Ouvre les portes Ady s'il te plaît... Je peux reprendre le bâtonnet pour te rappeler ?
Il jaillit aussitôt de l'appareil et je le prends d'une main tremblante avant de me forcer à me calmer. D'une voix presque ferme, j'ajoute cette fois-ci :
-Où sommes-nous Ady ?
-Dans l'ancienne France.
-Alors... Ouverture de la porte s'il te plaît.
Le battant coulisse sans qu'Ady ait répondu mais, au moment où je m'apprête à jaillir hors de l'appareil, sa voix résonne dans mon dos :
-Prends garde à toi. Et bon courage pour ce que tu retrouveras.
Je ne réponds rien, la gorge trop nouée par l'émotion, et pose un pied à terre. D'un mouvement mécanique je m'éloigne alors de quelques pas et lorsque je me retourne, la machine est en train de tourner sur elle-même dans un grand bruit, soulevant un lourd nuage de poussière qui me prend à la gorge.
Lorsque je me retrouve seule au milieu du paysage dévasté, je ne peux m'empêcher de ressentir un drôle de frisson. Et pourtant, il fait chaud. Et même tres chaud. Je manque étouffer en tentant d'inspirer fortement un air frais qui me manque soudain avant de faire un pas en avant et de réussir à trouver le bon équilibre pour ma respiration.
Le silence... J'ai l'impression de n'être qu'une minuscule silhouette abandonnée, perdue dans un désert. Mais je me force à rouvrir les yeux et à me remettre à marcher. Derrière le bâtiment...
Ces seuls mots résonnent avec force en moi tandis que je continue d'avancer. Je contourne des gravats, des voitures immobilisées, renversées, tout un monde qui semble avoir brusquement été rayé de la carte. Un style de vie.
Mais le bâtiment se rapproche et j'accélère inconsciemment. Son ombre me paraît grandir sur le sol et je me rapproche des murs où souffle un vent frais qui soulève mes cheveux blonds. Pendant quelques secondes, je me sens légèrement mieux.
C'est alors que j'entends distinctement une voix grave résonner dans l'air, étrangement, dans cette atmosphère affolante de silence.
-Alors Meredith, que penses-tu de tout ça ?
-Pour quelle raison avoir donné ce nom au mouvement ?
Une troisième voix résonne alors dans le silence tandis que je me plaque sans réfléchir dans l'ombre du bâtiment.
-C'est à cause de ta tante, Meredith...
-Quoi ?
La jeune fille a répondu par un cri de surprise tandis que je sens les battements de mon cœur accélérer. Ils apparaissent enfin à ma vue. Ils marchent au milieu de la rue sans me voir mais je distingue tout à coup le visage de l'homme. Tugdual. Quelques mèches de cheveux gris parsèment les siens ordinairement sombres. Une femme marche à ses côtés avec une certaine grâce, ainsi qu'un garçon d'environ quinze ans je dirai, parfaitement silencieux. Pendant quelques secondes, je me prends à vouloir compter les années. Ont-ils cinquante ans ? Je ne parviens pas pas à réussir à rassembler mes souvenirs tant mon émotion m'empêche d'aligner deux pensées cohérentes.
Jusqu'au moment où je reconnais la femme soudain et où je termine de perdre le contrôle de moi-même. Marguerite. Elle pose alors la tête sur l'épaule de Tugdual tandis qu'ils s'arrêtent un instant au milieu de la rue. J'ignore pour quelle raison je ne me montre pas... peut-être parce que j'attends de voir ce qu'ils vont se dire, que j'essaie encore d'intégrer tout ce que j'ai sous les yeux. Et parce que la jeune fille avec eux m'intrigue ainsi que le garçon. Meredith ? Mais ce n'est pas ma sœur...
Je comprends alors soudain en un éclair et vois trouble. Mon souffle se bloque dans ma poitrine et pendant quelques secondes, je cherche de nouveau désespérément ma respiration.
Elle est ma nièce ! J'en suis certaine maintenant, cela se voit dans ses traits et son attitude. Le garçon à ses côtés doit être son frère... mais je me focalise sur la jeune fille. La cousine d'Ysaïne... Mais ce prénom ? Il me laisse un goût empoisonné dans la bouche... Meredith. Serais-ce en mémoire de ma sœur ? Mon cœur tambourine alors un peu plus fort dans ma poitrine et il me faut un instant pour me reprendre avant de parvenir à entendre ce qu'ils se disent.
Mon frère répond à sa fille avec un sérieux tandis que mon âme se déchire en entendant ses paroles.
-Nous voulons gagner n'est-ce pas ? Tu sais bien Meredith que le danger est partout... Le nom que j'ai choisis pour le parti...
Mais Marguerite l'interrompt alors brusquement tandis qu'une bourrasque me renvoie dans la figure un vent chaud et un nouveau nuage de poussière.
-On ne pouvait pas mieux choisir. Qui pourra lutter contre le futur ? Ce nom, c'est être certain que nous nous en sortirons. C'est écrit dans les étoiles...
Et Meredith, cette jeune nièce que je découvre, aux cheveux noisettes et aux sourire rare -en tout cas selon mes impressions, de loin- répond doucement mais assez fort après un regard échangé avec son frère, me permettant ainsi d'entendre à quelques mètres dans l'ombre où je suis cachée :
-Oui. Il n'y avait pas d'autre choix. Choisir de renommer la France et le parti... Il fallait y penser. C'est un beau nom... Astra.
VOUS LISEZ
Intemporel T5 & 6
Science FictionIntemporel Tome 3 : L'ombre du prince Douze années se sont écoulées depuis la naissance des jumelles d'Edilyn et l'envoi d'une équipe de recherche sur Sagan. Si rien n'a vraiment changé à Astra, Azylis, avec l'aide de Christian, recherche plus que j...