Ysa (Chapitre 42)

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La poussière m'étouffe. Il me semble que je n'arrive plus à me redresser. Que s'est-il passé ? Ah oui ! Une partie du plafond est tombée sur moi...

Je pose ma main sur la blessure de ma joue. Elle n'est que superficielle mais me fait atrocement souffrir. Je n'ose même pas regarder l'état du reste de mon corps. Mais Saldya n'a toujours pas repris connaissance...

-Saldya...?

Mon murmure est si rauque que je ne suis pas certaine de moi-même reconnaître ma voix.

Comme dans un rêve, j'entends alors des grondements sourds à l'autre bout de la pièce. Les secours seraient-ils enfin en train d'arriver ?

Je secoue la tête. Quelle importance ? Il faut que je sorte d'ici... En espérant que ce soit bien les secours et non les rebelles...

Je serre les dents et me force à me tourner de nouveau vers Saldya. Elle est tellement pâle... Combien de minutes lui reste t-il si les secours n'arrivent pas bientôt ?

Cette question suffit à me redonner du courage et je me force à avancer les bras et à me redresser. Grimaçant sous la souffrance, je la soulève pourtant du sol avant de me traîner en avant en ne la lâchant pas vers le bord du trou.

Comment passer toutes les deux de l'autre côté ? Je n'ai plus la force de sauter...

Je prends pourtant sur moi et m'avance lentement vers le bord du vide avec l'enfant dans les bras. Alors que je m'apprête à désespérer, j'entrevois dans l'ombre des silhouettes. Une douleur fulgurante me traverse le poignet gauche, j'ai dû trop forcer, et je retombe contre le sol en ayant juste le temps de m'éloigner du vide.

Je rassemble alors ce qui me reste d'esprit pour lancer :

-Au secours ! J'ai la princesse !...

Je ne sais pas si ce sont les secours ou des rebelles venus nous achever. Mais je n'ai pas le choix...

Le noir m'entoure soudainement et ma tête heurte durement le sol tandis que je perds connaissance.

***

Un respirateur sur ma bouche. Les bruits caractéristiques d'un hôpital... Mais je me sens bien mieux. En forme paradoxalement. Je tente de parler mais ne parviens à dire que "mmm..." à cause de l'appareil qui me couvre la bouche.

Ma vision devient rapidement plus nette et je distingue trois autres couchettes comme la mienne dans la pièce. Je ferme les yeux. Si je ne me trompe pas, cela signifie que les deux princesses et Esteban sont encore en vie...

Ub profond soulagement m'envahit et je me force à rouvrir les yeux. J'ai tant de questions à poser... Un jeune homme apparaît alors dans mon champ de vision et un gémissement surpris m'échappe. Je tourne la tête avec difficulté -il me semble que des fils me relient à tout un tas de machines sur les côtés- vers celui qui se laisse tomber à ma gauche sur un siège que je n'avais même pas remarqué auparavant.

Il passe d'un mouvement mécanique une main dans ses cheveux avant de m'adresser un léger sourire en coin.

-Tu te demandes pourquoi je suis là pas vrai ?

Je ne peux que cligner des paupières. Il me semble que le bruit de ma respiration remplit toute la pièce et je me prends à espérer que les autres soient bien encore en vie.

Le prince Idwin hausse les épaules avant de se reculer contre le dossier de son siège et de croiser les jambes. Je remarque au passage qu'il est plus pâle que d'habitude et qu'il pose fréquemment sa main sur son ventre. Il a dû être lui aussi blessé je ne sais quand... Mais il prend la parole et me sort de mes pensées :

-Je t'ai peut-être mal jugée. On dirait que tu commences à m'amuser de plus en plus... Tu as du cran... Je te pensais plus intéressée.

Si je n'avais tout cet appareillage sur la tête, je pousserai un grognement furieux. Mais je ne peux que l'incendier des yeux. Il lève les mains en signe de défense devant lui et s'exclame :

-Et oh ! Je suis venue te donner des explications... ça ne t'intéresse pas ? Tout le monde s'occupe de vous ici mais les infirmiers sont débordé alors désolé poupée mais il n'y a que moi pour la discussion...

Je fais un énorme effort sur moi-même pour ne pas de nouveau l'incendier des yeux. J'ai besoin de savoir ce qu'il a à me dire. Il sourit avec insolence en devinant mon changement d'attitude et laisse exprès passer quelques minutes de silence avant de prendre la parole pour achever de me mettre les nerfs à vif.

-Eh bien tu vois Edilyn à vite repris le dessus bien sûr... Je ne l'ai jamais vue ainsi. Tout le monde tremble lorsqu'elle entre dans une pièce... La population d'Ivy est rentrée dans les rangs bien sagement...

Je m'agite sur ma couchette et il se penche vers moi avant de dire avec un regard amusé :

-Je vois que ce n'est pas ce qui intéresse en premier lieu notre voleuse nationale.

Je me crispe mais me force à ne pas réagir pour entendre la suite de son discours. Elle ne tarde pas.

-Alors je vais te dire ce que tu veux entendre : tes fichues princesses sont en vie... Monsieur le maire aussi.

Ses yeux brillent d'une lueur de colère lorsqu'il prononce le mot "princesse". Comme deux minutes plus tôt lorsqu'il a parlé d'Edilyn... Que s'est-il passé entre eux ?

Mais mon esprit tourne à plein régime et je sens de nouveau mais plus sûr cette fois-ci un immense soulagement m'envahir, me faisant ainsi oublier tout le reste. Ils sont tous en vie... Pourquoi est-ce que je m'en soucie autant ? Je ne devrais pas...

Mais Idwin reprend la parole avec un petit sourire.

-J'ai une nouvelle qui devrait moins te plaire à moins que tu ne sois comme moi Ysa... La reine n'aime pas que l'on touche à ses enfants...

Je tente de focaliser mon regard sur lui. Mais la fatigue m'envahit. Je parviens pourtant à plonger mes yeux dans les siens en leur donnant une lueur interrogative et il poursuit froidement :

-Elle a fait tirer au sort cinq mille habitants de la ville. Des enfants, des vieillards, des adultes... Ils mourront tous en représailles dès demain.

La phrase me fait d'abord frissonner. Sans me laisser le temps d'analyser ce que je viens d'entendre, Idwin poursuit :

-Elle a raison. C'est la dure loi du pouvoir.

Pour la première fois de ma vie, je n'ai pas de réponse. Je n'aime pas les faibles. Edilyn doit agir de manière forte. Et j'ai été élevée en pensant que la vie nécessite certains sacrifices. Mais ça... Quelque chose se révolte en moi tandis que je retombe dans l'inconscience.

Intemporel T5 & 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant