Gaëtan (Chapitre 34)

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Je plaque le canon de mon arme sur le cou de l'homme. Celui-ci déglutit bruyamment mais ses yeux restent enflammés de colère.

Nous avons tous deux de beaux bleus au visage mais le garde est plus mal en point que moi : je tiens son arme et je l'en menace. Nous sommes seuls dans la salle déserte.

-Espèce d'imbécile, qu'est-ce que t'espère ?

Je rétorque avec un froid sourire :

-J'en ai assez d'obéir. Et vous n'auriez pas dû me pousser à bout.

Le garde, sentant la menace, ne répond rien tandis que je tente de réfléchir. Il est six heures du soir et quand je me suis trouvé seul avec un garde noir, j'en ai profité. Mais qu'est-ce-que je fais maintenant ?

L'homme perçoit ma soudaine hésitation et grimace un sourire narquois.

-Aurais-tu peur de tirer sale rebelle ?

-Pas si tu dis encore un mot.

Je réfléchis encore quelques secondes puis ajoute froidement :

-Vous avez toujours des menottes électroniques sur vous non ?

Comme il ne répond pas j'enfonce un peu plus mon arme dans sa gorge. Il blêmit puis me crache presque à la figure :

-Poche droite de la veste.

Ne quittant pas des yeux le garde, je plonge la main dans la poche désignée et en ressort deux appareils : les menottes et un petit pistolet à décharges. J'esquisse un sourire à la vue de ce dernier et l'homme conserve une attitude trop neutre pour ne pas être parfaitement contrôlée. J'ai enfin une arme pour me défendre mais qui n'est pas non plus trop meurtrière.

Le garde tend les mains devant lui sur un geste que je fais mais, alors que je veux lui enfiler les menottes, il se rue précipitamment vers moi et nous basculons au sol. La bataille reprend, avec encore plus de violence que quelques minutes auparavant.

Il me plaque contre le sol et je sens ses mains contre mon cou sans pouvoir rien faire. Je n'arrive à respirer que difficilement et le garde esquisse un sourire de nouveau narquois tandis que je tente désespérément de retrouver un semblant de souffle ou de reprendre le dessus. On dirait bien qu'il vient brutalement de reprendre le dessus...

-Alors ? On fait moins le malin maintenant...!

-Lâche-le !...

Je ne me retourne même pas en direction de cette nouvelle voix et de la porte ouverte. Je vois flou et le noir envahit mon esprit. L'homme n'a pas desserré sa prise et je ne parviens plus à respirer.

Mais soudain, alors que j'abandonnais la lutte, ma gorge est brusquement libérée du poids qui m'étouffait et j'avale précipitamment de grandes goulées d'un air frais divinement agréable.

Je tente de me redresser mais retombe. La colère envahit de nouveau mon cœur ainsi que la gratitude. À qui est-ce que je dois la vie ?

Je parviens après quelques secondes à me reprendre et relève les yeux. Yves tient sous la menace en respect le garde noir devenu parfaitement obéissant. Je l'entends dire :

-Altesse ! Il menaçait de me tuer, et vous nous avez ordonné vous même...

Yves lui fait signe de se taire et tourne la tête vers moi. Allongé sur le sol, me massant le cou d'un mouvement mécanique, je m'arrête net en comprenant ce que je viens d'entendre. Yves m'a sauvé la vie alors qu'il était sous contrôle.

Donc c'est Edilyn qui a choisit de me garder en vie. L'habituel espoir. Je parviens lentement à me relever non sans jeter un coup d'œil furieux au garde au passage. Sans me quitter des yeux, la reine ordonne à travers Yves :

-Pierre ?

Le garde se met au garde à vous après m'avoir rendu mon regard haineux.

-Oui, altesse ?

-Merci de ton service aujourd'hui. Tu peux disposer.

-Altesse ! Mais cet homme est dangereux et...

-J'ai dit...

La menace est si claire qu'il n'articule pas un mot supplémentaire et se dirige en silence vers la porte. Il sort de la pièce le plus rapidement possible car même à distance Edilyn lui fait toujours peur...

Lorsque nous sommes seuls et que j'ai réussi à me stabiliser sur mes jambes et à ne plus respirer comme si j'allais mourir dans les deux minutes, je me décide à demander d'un ton lasse :

-Pourquoi me faire confiance ?

Yves hausse les épaules. Il est toujours étonnant en le regardant de s'obliger à penser que c'est Edilyn -la reine maudite- qui le maîtrise. Elle désigne son corps et se contente de dire :

-Tu ne peux rien me faire et tu ne frapperas jamais Yves. Alors qu'est-ce-que je risque ?

Je ferme les yeux avant de répondre :

-D'accord, mettons que je n'ai rien dis. Alors pourquoi m'avoir sauvé la vie ?

Edilyn reste silencieuse avant que je ne vois la bouche de Yves articuler avec hésitation :

-Ça aurait mis le feu aux poudres. Je... Je préfère être prudente.

-Bien sûr... Tu te rappelles de notre dernier baiser ?

Cela m'ennuie de partager ce souvenirs avec Yves car je sens qu'il va me le rappeler à chaque minute de ma vie passée en sa présence. Mais Edilyn qui tient toujours les commandes acquiesce en laissant la détresse envahir ses traits un instant.

-Comment as-tu pu deviner ? C'est... C'est à ça que je pensais quand j'ai empêché mon garde de te tuer...

Si Edilyn était devant moi, je la prendrai peut-être dans mes bras sans réfléchir. Mais il n'y a qu'une marionnette et je m'oblige à me calmer et à inspirer fortement. Edilyn doit de toute façon faire de même de son côté parce qu'elle demande brusquement de son ton froid et neutre habituel :

-Pourquoi as-tu attaqué le garde ?

-Je n'ai pas le droit de me révolter ?

Elle esquisse un sourire narquois qui me fait un effet bizarre sur le visage d'Yves et j'attends sa réponse qui ne tarde guère.

-Non, tu n'as pas le droit. Mais c'est un autre sujet. Ce sont je suis certaine, c'est que si tu voulais te révolter, tu aurais monté un plan... Tu ne te serais pas laissé dominer par tes passions. Alors que se passe-t-il ?

Je détourne la tête, tâchant de contenir ma colère face à mon incapacité à savoir comment réagir. Je me décide brusquement à dire la vérité sans réfléchir :

-Eric est parti. Il s'est enfui comme Thaïs et Aevin... Mais lui, il est seul...

Intemporel T5 & 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant