Je fais les cent pas devant la porte comme un fauve en cage. Malgré mon épais blouson, je ne peux m'empêcher de trembler de froid et de frotter énergiquement mes bras.
Aevin se tient à deux pas de moi et discute le plus tranquillement possible -il cache son anxiété mieux que moi- avec Steï, ce cher hologramme que je commence à apprécier... chaque fois qu'il ne m'embête pas trop.
Lorsque j'entends enfin un pas cadencé dans le couloir, mon cœur fait un bond dans ma poitrine.
-Ergey !
C'est bien lui en effet, et un léger tic agite son visage dans un mouvement visible de nervosité lorsqu'il s'approche de moi. Aevin ne peut s'empêcher de dire, faussement inquiet :
-C'est moi ton mari Thaïs... Tu n'as pas oublié ?
Si c'était quelqu'un d'autre qu'Aevin, je le fusillerai à l'instant du regard pour oser plaisanter dans des situations pareilles. Mais il n'y a que lui justement pour oser le faire, et, inexplicablement, il parvient à m'arracher un sourire et à me détendre un peu.
Que j'ai envie de défoncer cette porte et d'entrer ! Mais il manque une dernière personne...
Un nouveau pas se fait alors entendre et j'échange un rapide coup d'œil avec Aevin avant de me tourner vers Steï.
-Est-ce que tu pourrais aller rejoindre Sandra s'il te plaît ?
Le fantôme m'adresse un regard peiné et demande :
-Tu m'écartes ?
-Non, mais je ne vais pas sauver un de mes enfants pour en risquer un autre... Et j'aimerai que tu veilles sur elle.
Steï réplique :
-Elle est parfaitement en sécurité... Eric est déjà avec elle.
Mais mon frère ne pourra pas traverser les murs en cas de danger pour me prévenir... Je n'ai pas le temps de répondre car le nouveau venu lance alors un ordre d'une voix calme et je sursaute légèrement.
-Steï, tu fais ce qu'on te dit. Va surveiller l'enfant.
L'hologramme relève les yeux avec une émotion visible lorsqu'il dévisage son père pendant quelques secondes. Avant d'acquiescer et de disparaître dans le mur derrière lui.
Le chef du conseil est... je ne sais comment le décrire. Outre sa peau bleue ou blanche par endroit comme la glace qui nous entoure, il dégage une aura étrange d'autorité qui m'intimide malgré moi. Je me force à me calmer, et jette un coup d'œil à la porte. Cela suffit à me rendre tout mon courage et ma résolution.
Lorsque je suis de nouveau face au chef d'une des cités les plus puissantes de Sagan, je trouve la force de demander :
-Comment avez-vous su que mon fils se trouvait là ?
Il me jauge des yeux pendant de longues secondes tandis que je ronge mon frein en silence, regrettant amèrement d'avoir posé une question qui va encore nous retarder. Il répond enfin tandis qu'Aevin m'adresse un sourire pour tenter de me détendre alors qu'il doit lui aussi être sur des charbons ardents.
-Segora s'est montrée trop imprudente tant elle était certaine de réussir cette fois-ci. Et grâce à mes différents agents, j'ai acquis la certitude qu'elle cachait l'enfant dans ses propres appartements...
Ergey ne répond rien, fixant lui aussi la porte des yeux. Mais, quelques minutes auparavant, Steï m'a appris que c'est lui qui a réussi à obtenir les informations les plus cruciales... Et à cette idée, j'éprouve une envie folle de lui adresser un éclatant sourire de remerciement. J'ai tellement envie d'être de nouveau en sécurité, serrant mon fils dans mes bras...
Enfin, si Aevin voyait mon sourire, je n'ose même pas imaginer la plaisanterie qu'il ferait. Il vaut mieux finalement que je sois encore trop rancunière.
Voyant que personne ne se décide à ouvrir cette maudite porte, je m'apprête à prendre la parole mais Ergey me devance en inclinant la tête en direction de son père. Celui-ci s'avance et Aevin complète à haute voix fermement :
-Allons-y...
En espérant que nous ne nous soyons pas trompés... Mais non, je pars déjà défaitiste !
Le chef du conseil -ou le père d'Ergey et de Steï- est maintenant devant la porte et lève le bras en direction de ce qui doit être un fil métallique. Il le tire d'un geste ferme mais je n'entends pas le moindre son pouvant laisser deviner qu'il s'agit d'une sonnette ou de quelque chose du même genre.
Mais Aevin qui s'est glissé à côté de moi explique :
-Ça sonne à l'intérieur mais pas ici...
Je renonce à l'envie de lui demander comment il fait pour toujours tout savoir alors que je suis systématiquement à l'ouest et la porte coulisse juste à ce moment.
Un homme -à la peau bleue évidemment- nous dévisage froidement et demande :
-Mot de passe ?
Je décide prudemment de me taire -est-ce vraiment le moment d'expliquer que je ne devrais rien avoir à dire pour retrouver mon fils ?- et laisse parler le père d'Ergey.
Celui-ci s'avance sans un mot vers l'homme qui manque de peu de reculer précipitamment devant le regard fou de rage de son supérieur.
-Depuis quand Segora s'entoure-t-elle de gardes ?
Mais l'autre semble déjà se reprendre et répond crânement :
-Depuis qu'il y a du danger et que vous ne pouvez plus nous protéger ! Avez-vous vu ce qui est arrivé à votre second fils ?
Je retiens un cri de stupéfaction. Jamais, jamais je n'aurai osé dire cela. Aevin lui même semble sous le choc mais ce n'est rien comparé au chef du conseil et à Ergey. Ils se sont tous les deux immobilisés comme deux statues et il leur faut quelques secondes pour se ressaisir. Ils ressemblent maintenant tous deux à deux fauves sur le point de plonger leurs crocs dans la fourrure de leur ennemi ou de leur proie.
Le conseiller suprême saisit par le col le garde et le neutralise d'un mouvement vif en le plaquant contre le mur. Il saisit avant lui une arme -j'ignore exactement ce que c'est- et la balance à terre en crachant quelques mots avec haine :
-Contre ton chef ? D'après nos lois sacrées...
-Les lois ne sont plus respectées avec les demi-fils !
Le mot est lâché avec tout le fiel possible mais Ergey ne réagit même pas. Son père accentue sa pression sur le cou du garde qui se tait soudain avant de dire d'une voix tout autre :
-Elle est seule ! Les autres gardes sont partis ! Segora est...
Le regard du conseiller me fait peur à moi-même. L'homme poursuit d'une voix sifflante :
-... en votre... pouvoir... je... renseignements... laissez-moi vivre...
Mais j'oublie alors tout -notamment que je n'ai pas mon mot à dire- et m'avance si vite qu'Aevin n'a pas le temps de me retenir.
-Et mon fils ?
L'homme me lance un regard haineux mais comme le conseiller ajoute froidement en même temps qu'Aevin me chuchote d'une voix désespérée par mon caractère impossible de reculer, quelques mots :
-Répond-lui !
Il est bien obligé de lâcher dans un souffle :
-L'enfant est... seul... avec elle.
Le conseiller relâche alors totalement sa pression et l'homme s'écroule à terre, évanoui. Bien, retenir au moins une chose si je m'en sors et que je retrouve mon fils en vie... Ne jamais énerver le père d'Ergey...
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Intemporel T5 & 6
Science FictionIntemporel Tome 3 : L'ombre du prince Douze années se sont écoulées depuis la naissance des jumelles d'Edilyn et l'envoi d'une équipe de recherche sur Sagan. Si rien n'a vraiment changé à Astra, Azylis, avec l'aide de Christian, recherche plus que j...