Azylis (Chapitre 118)

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Je relève les yeux vers Maly et murmure :

-Bon sang, elle ne le reconnaîtra jamais mais... comment peut-elle être à la fois aussi cruelle et aussi fantastique ? Je ne comprendrai jamais Edilyn...

Maly ne répond rien. Les mêmes questions ne se bousculent pas dans sa tête, et, indifférente à mes émotions, elle me demande avec un sourire crispé :

-Tu m'aides ?

J'acquiesce et sors de la poche de ma veste la pince fine que j'ai amenée avec moi. Sans un mot, Maly me tend le bras.

-Heu, Maly, je te rappelle que pour moi ton époque reste bizarre. Je suis censée faire quoi de tout ce matériel ?

Maly éclate de rire comme pour se libérer de sa tension et rétorque :

-Bon, déjà regarde mon poignet. Il y a une fine ligne tu la vois ?

-Oui, maintenant que tu me la montres...

-Aveugle ! Bref, écarte la peau plastifiée, c'est fait pour, et là tu devrais accéder au boîtier des contrôles nerveux logiquement.

Aïe ! Une opération chirurgicale sur un robot... ça fait un peu étrange ! Je me force à bien retenir que ce ne sont que des composants et écarte la peau comme Maly m'a dit de le faire. Apparaissent alors au jour un foisonnement incroyables de fils et d'autres éléments dont j'ignore totalement les fonctions si ce n'est celle de permettre à Maly de vivre... Celle-ci éclate d'ailleurs d'un grand rire en voyant mon visage.

-Et Azy, ne t'évanouis pas surtout ! Je suis un robot hein ! Tu vois le boîtier au moins ?

Mes doigts viennent de se poser dessus et je me contente de répondre à Maly par une grimace affirmative. Depuis qu'elle est certaine qu'elle m'appréciait avant, elle a totalement oublié sa perte de mémoire pour ne pas arrêter de se payer à tout moment ma tête... mais son amusement reste toujours derrière la limite de notre véritable amitié. Ce qui me permet de supporter cette inqualifiable gamine... Un sourire me monte aux lèvres tandis que je reprends la parole :

-Je ne suis tout à coup pas certaine que ce soit une bonne idée de te redonner tes souvenirs...

-Azy ! C'est toi qui y tenait !

-Je n'étais pas saine d'esprit à ce moment-là...

Nous échangeons un rapide coup d'œil rieur avant qu'elle ne me tende la carte et dise :

-Il suffit de la poser sur le boîtier maintenant. C'est un mini-scanner d'informations.

Je m'apprête à le faire mais relève tout à coup la tête en fronçant les sourcils :

-Tu ne peux pas le faire ?

Maly secoue la tête.

-Non, c'est une information presque instinctive ça. Le boîtier ne réagira pas si je me transmet à moi-même de nouveaux ordres ou autre trucs du même genre... Seul l'intervention d'un humain peut me modifier.

Je laisse échapper une petite grimace et avance la carte vers le boîtier.

-Telle que je te connais ce n'est pas une situation qui doit te plaire !

Et je pose le petit rectangle métallique. Il se passe alors une série de réactions et j'en garde le souffle coupé pendant quelques secondes. Une lueur bleue illumine soudain le boîtier avant de remonter rapidement tout le long du bras de Maly jusqu'à se perdre quelque part dans ses cheveux violets. Elle pousse ensuite un grand "hourra" et oublie que son bras est encore à moitié ouvert pour battre des mains.

-Tout ! Azylis je n'ai jamais eu autant l'impression d'être moi-même ! Je me souviens de tout, absolument de tout... Quand on s'est rencontré pour la première fois, je t'avais dit que j'étais fan de taxidermie n'est-ce-pas ?

J'éclate franchement de rire devant son déluge de paroles tout à coup avant de la serrer brusquement contre moi. C'est un peu étrange parce que je sens les fils de son bras ouvert contre ma peau et qu'elle continue de parler sans s'arrêter mais je suis vraiment heureuse. J'ai soudain envie de rejoindre Ysaïne pour chanter avec cette foule d'Astra enfin réunie et dont les divisions commencent à s'effacer...

-Tu m'avais aussi dit que tu rêvais d'avoir un renard empaillé bien à toi !

Maly m'adresse un immense sourire, malicieux comme d'habitude.

-Je peux maintenant ajouter qu'avant mon précédent effacement je rêvais d'être pilote de l'air... Dans l'armée ! Bon, je serais ministre ce n'est pas si mal...

Nouvel éclat de rire avant que je n'entende un changement de voix. C'est Lydie qui reprend les commandes.

-Me souvenir de ma famille ! De Thaïs, d'Eric... J'ai maintenant véritablement hâte de les revoir tous les deux ! Ainsi que mes neveux et nièces... Oh, Azylis c'est merveilleux !

Les dossiers d'Edilyn sont très à jour et mentionnent en effet l'existence de deux enfants d'Aevin et Thaïs... J'ai moi aussi envie de les découvrir. D'autant que Mahaut excitée c'est déjà quelque chose habituellement, mais alors lorsqu'elles le sont toutes les deux ! C'est contagieux...

Maly s'apprête alors à me dire quelque chose -sans que je sache quelle personnalité va bruyamment manifester cette joie que j'adore- lorsque la porte de la pièce s'ouvre à toute volée.

C'est Sarah. Qui s'arrête un instant en découvrant nos sourires et nos visages légèrement échevelés.

Maly ne me laisse pas le temps de répondre et lance soudain sérieusement et légèrement vindicative -elle ne s'est jamais très bien entendue avec Sarah- :

-J'ai retrouvé ma mémoire.

-Merveilleux. Très heureuse pour toi.

La voix froide de Sarah dément ses paroles et lorsque ses yeux s'arrêtent sur moi, je ne peux m'empêcher de prendre la parole d'une voix profondément agacée :

-Que me veux-tu Sarah ? Ruiner un moment de joie, comme tu sais si bien le faire ?

Quelque chose brille au fond de la prunelle de la jolie sauvageonne au caractère impossible et je regrette d'avoir été si dure. Mais je ne peux m'excuser, car je sais que cela ne servira à rien avec elle. Elle rétorque d'une voix glacée, bien plus qu'à l'ordinaire :

-Je voulais juste t'annoncer que le discours de ta fille avait eu un immense succès. Que dans tout le pays les dragons se sont envolés pour se regrouper dans des zones qu'ils pourront occuper... et que les robots ont pris leur indépendance vis-à-vis des humains. Même s'ils se reconnaissent citoyens d'Astra.

J'aimerai sourire mais je sens instinctivement que Sarah n'a pas terminé de parler. Cette dernière jette en effet un coup d'œil à Maly qui garde un air absent, sans doute plongée dans ses pensées fraîchement retrouvées et peu soucieuse de l'écouter, avant de se tourner de nouveau vers moi.

-Je voulais aussi te dire que Christian s'était réveillé. Et qu'il te réclame.

Intemporel T5 & 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant