Azylis (Chapitre 136)

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Astra ! Mon sang se glace dans ma poitrine tandis que je commence lentement à comprendre. Cela voudrait-il dire... que Gabriel était le très lointain descendant de Tugdual et Marguerite ? Cela me paraît impossible, absurde, une erreur de futur. Mais cette idée étrange ne veut maintenant plus me quitter lorsque je me détache légèrement du mur pour les suivre des yeux.

Est-ce une impression ? Il me semble que mon neveu s'est retourné vers moi. Mais cela doit être une erreur puisqu'il tourne comme les autres à quelques mètres dans une rue parallèle. La chaleur continue de m'étouffer et je sens mes mains devenir moites sous l'effet de l'atmosphère mais je ne veux pas renoncer à leur parler maintenant.

Même si cette idée du nom d'Astra me déstabilise au pus profond de moi-même. Je me force pourtant à me détacher un peu plus du mur et commence à marcher au milieu de la rue, avant de rejoindre l'autre côté et d'accélérer en longeant le mur. Pour quelle raison est-ce que je n'appelle pas simplement d'un cri Tugdual ? Peut-être parce que j'ai peur de ce qu'il me dira ?

J'accélère le pas et ne tarde pas à arriver au croisement des deux rues. Je n'entends plus les bruits de leur conversation et les battements de mon cœur s'accélèrent en même temps que je sens quelques gouttes de sueur me couler le long du cou.

Je tourne alors sans attendre et avance dans la nouvelle rue. Très encaissée, celle-ci est dans l'ombre lorsque je m'y engouffre et il faut quelques secondes à mes yeux pour s'habituer.

Juste le temps nécessaire à quelqu'un pour me donner un violent coup dans l'estomac et à un autre pour me ceinturer brusquement et violemment. En moins d'une minute, je me retrouve parfaitement immobilisée. La panique s'empare de moi jusqu'au moment où la fille qui me tient si fermement lâche dans mon dos :

-Tu avais raison Tristan. Il y avait bien quelqu'un qui nous suivait...

Mes yeux habitués maintenant au contraste entre la rue trop ensoleillée et celle-ci distinguent alors le visage du garçon debout à un mètre de moi lorsque celui-ci réplique avec colère :

-Oui Merry, mais pas très douée visiblement. Elle s'est faite avoir comme une bleue...

Il s'approche ensuite de moi tandis que je n'articule pas une parole, trop sous le choc pour parler. Je ne m'étais pas préparée à une confrontation aussi... directe. Meredith relâche cependant légèrement sa poigne jusqu'à complètement me libérer et reculer d'un pas. Je reste pourtant parfaitement immobile, me contentant de les regarder tour à tour maintenant que chacun d'eux se trouve en face de moi.

Le fils de mon frère demande enfin, après un instant de silence :

-Alors, tu nous expliques ? Pour quelle raison nous suivais-tu ? Tu n'appartiens pas au parti Tenebris, nos ennemis...

Des partis... Encore ce mot étrange qui semble signifier que Tugdual et Marguerite sont effectivement devenus importants. Mais les deux jeunes gens ne semblent pas vouloir patienter et je me force à reprendre la parole tandis que mes yeux détaillent plus attentivement l'un et l'autre.

-Je voulais juste vous voir. J'ai fais un long chemin pour cela. Mais non, effectivement, je n'appartiens à aucun de vos "partis"...

Tristan pousse un léger sifflement d'agacement et réplique :

-Bien sûr ! Et tu penses qu'on va te croire ! On ne peut pas survivre sans clan...

Mais Meredith ne me laisse pas le temps de répondre. Elle réplique tout en me jetant un drôle de regard :

-Non, elle a dit la vérité. Elle n'est pas d'ici...

Je la détaille un peu plus attentivement pendant quelques secondes, essayant de calmer mes sentiments qui m'échappent. Elle est très jolie et ses traits fins semblent être ceux de Marguerite avec un je-ne-sais-quoi de plus dur au visage. Même si ses manières rappellent plutôt mon frère, comme le tic qui la rend incapable de rester en place et fait qu'elle se déplace continuellement de quelques pas.

Tristan se tourne alors vers moi, interrompant le cours de mes pensées, une moue interrogative sur le visage, mais Meredith le devance de quelques secondes.

-Qui êtes-vous ? Je suis certaine d'avoir déjà vu votre visage.

Quelque chose se fige en moi. Tout est détruit par la guerre, leur vie ne doit pas être facile, et tout ce que j'ai à y répondre c'est que j'avais besoin de revoir ma famille, que je suis en visite ? Mon hésitation est si perceptible que Tristan me lance un regard noir avant de lâcher :

-Répond-nous. Sinon le parti te fera payer ça.

La réponse fuse de mes lèvres, presque dure :

-Et le parti c'est ton père n'est-ce pas ? Tugdual d'Alcy, nouvellement Tugdual Astra...

L'instant d'après je regrette mes paroles. Comme d'habitude, j'ai été trop impulsive... Mais Meredith ouvre de grands yeux et s'approche d'un pas de moi alors qu'elle avait reculé précédemment :

-Comment le connaissez-vous ?

L'un et l'autre ne me quittent pas des yeux et je veux répondre mais quelque chose se bloque soudain dans ma gorge, m'empêchant de parler. Je réponds finalement par une question :

-Que se passe-t-il ici ? Où vivez-vous si toute la ville ressemble à ce désert brûlant ?

Tristan enfonce sa main dans sa poche et je ne doute soudain pas qu'il possède sur lui une arme quelconque. Mais Meredith le retient d'un mouvement vif, posant sa main sur son bras, et me contemple de nouveau avec une lueur étrange au fond des yeux avant de dire :

-Nous survivons. Nos parents ont des projets... Nous sommes en train de construire une autre ville, là où le climat sera plus clément, en bord de mer. Et nous utiliserons les MG...

Je ne regarde qu'elle, devinant que c'est le moment où jamais où j'aurai les réponses à mes questions. Le cœur battant, je demande :

-Les MG ?

Les yeux de Meredith s'agrandissent, comme si elle m'avait tendu exprès un piège, tandis que dans le même instant Tristan répond d'une voix maintenant intriguée :

-Manipulations Génétiques. Les arbres immenses, qui ont poussé là où étaient tombées les bombes de type Alpha... tout le monde connaît ça...

Meredith laisse alors tomber quelques mots d'une voix blanche et je devine que, d'une façon ou d'une autre, elle sait qui je suis.

-Pas si elle vient d'ailleurs...

-Ailleurs ?

Je complète sans quitter Meredith des yeux :

-Du futur.

Et lorsque Tristan se tourne à son tour vers moi, je vois toute son attitude changer et ses yeux s'ouvrir de stupéfaction. Il murmure d'une voix rauque tandis qu'une rafale de vent s'engouffre dans la rue en transportant au passage l'habituel nuage de poussière écœurante :

-Azylis. Azylis Astra.

Intemporel T5 & 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant