Ysaïne (Chapitre 84)

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-Esteban !

Le cri jaillit de mes lèvres et je le regrette presque aussitôt. Je n'ai qu'une envie, reculer le plus loin possible d'Edilyn et de son arme... Et ne pas me faire remarquer, ce qui n'est hélas pas ma qualité première.

Le maire d'Ivy ne me jette même pas un regard. Mon cœur bat de nouveau trop vite dans ma poitrine tandis que l'espoir de m'en sortir me traverse de nouveau. La reine tourne son regard enflammé vers Esteban et baisse très légèrement son arme.

-Que se passe-t-il ?

-Altesse... Quelqu'un vient de voler la...

Elle paraît alors s'immobiliser tout à fait. Elle me lance un regard soudain désemparé et perdu comme si elle ne comprenait pas ce qui a bien pu lui échapper. Elle lâche dans un murmure :

-Une diversion ?...

Je ne réponds rien, trop sonnée pour réagir. L'arme que j'étais venue chercher... qui pourrait l'avoir prise ? Car je ne vois pas de quoi d'autre il pourrait s'agir... J'ai l'impression d'avoir du mal à respirer mais je me force à me tourner de nouveau vers Esteban. Il évite mon regard et je n'arrive pas à l'interroger des yeux. Froid et impassible, il reprend la parole à l'intention de la reine.

-Altesse, je pense que la fille du prince est une bonne monnaie d'échange s'il devait y avoir un problème...

La reine me lance un regard si terriblement glacé que pendant quelques secondes il me semble qu'elle va tirer dans la minute. Mais elle redresse la tête d'un petit mouvement plein de mépris et rétorque :

-Très bien. Tu as raison, ils nous rendront l'arme. Azylis fera tout pour récupérer sa fille... Maintenant, il faut découvrir qui s'est introduit dans le palais. Il doit encore y être...

Esteban ne me regarde pas et mon cœur se fige. J'ai cru trouver un allié mais je ne le reconnais pas. Il est déjà devant la porte et l'ouvre pour la reine. Il s'incline en murmurant :

-J'ai déjà donné des ordres, altesse. On le recherche actuellement...

La reine quitte la pièce sans un mot. Esteban ne me regarde toujours pas et je sens un désarroi grandissant s'emparer de moi. C'est ma dernière chance...

-Esteban !...

Il s'immobilise à l'entrée mais ne se retourne pas et je l'entends lâcher entre ses dents serrées :

-Il a vraiment fallu que tu t'en mêles...

Et la porte se referme. Je reste seule en sentant la colère remplacer petit à petit ma peur. Pour qui se prend-t-il ? Une bonne monnaie d'échange ?

Je m'assois doucement sur l'extrême bord d'une table et mes yeux se posent sur ma main toujours douloureuse. Sans lui, j'aurai réussi...

Je serre les lèvres. Pour une fois, je ne vois pas d'issues... La reine reviendra bientôt. Ma tante. Ces deux mots m'arrachent une grimace amère. On dirait qu'on n'est pas très amical dans la famille Astra...

Je repense à son arme pointée sur moi et frissonne. Je n'ai pas l'habitude d'avoir peur mais je ressens ce sentiment au plus profond de moi-même dès que j'oublie la trahison d'Esteban.

Enfin, lui doit considérer que c'est moi, la traîtresse. Je frissonne, il fait froid dans cette pièce trop vide. Je referme mon poing droit -la main intacte- et donne un coup dans la table sans réfléchir, furieuse contre le monde entier.

Bien sûr, cela ne sert à rien. Je me redresse, ouvre et déplie lentement mes doigts pour tenter d'évacuer la douleur et esquisse une énième grimace.

Intemporel T5 & 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant