Gaëtan (Chapitre 53)

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Courir... Droit devant moi, sans m'arrêter. J'ai réussi à sortir de la salle et je pique maintenant un sprint dans les couloirs du fort. Si elle touche à un seul cheveu d'Yves cette fille...

Je me force à accélérer. Après tout il est quand même capable de se défendre. Oui mais justement... Ça m'inquiète aussi.

Parce que j'imagine mal ma révolte rester pacifique si cette maudite fille se prend une balle ou quelque chose dans le même genre.

J'accélère une nouvelle fois. Ma respiration reste régulière et je me dirige dans les couloirs déserts (tous les gardes noirs ont dû être appelé en renfort) vers le centre du complexe.

Enfin j'y suis presque. Mais je n'ai pas réussi à rattraper la fille...

La porte au fond devant moi. Mauvaise nouvelle, elle est ouverte... Je m'engouffre dans l'ouverture sans réfléchir et gagne la pièce qui se trouve juste derrière. Une salle qui sert normalement à recevoir les visiteurs. Ou les hommes récalcitrants dans mon genre.

Mais il n'y a pas âme qui vive. Je pousse un juron avant de reprendre le pas de course et de me diriger vers un petit escalier en colimaçon dans l'un le  coin devant moi à ma gauche de la salle. Après, je ne connais pas les lieux...

J'escalade rapidement les marches deux à deux et ne tarde pas à atteindre le palier. Je pousse la porte devant moi sans attendre et pénètre dans une petite pièce encombrée. Un lit, une commode, une table de travail... C'est de toute évidence le lieu de vie d'Yves.

Pas très luxueux pour le gouverneur. Toutes ces pensées me traversent l'esprit en quelques secondes mais lorsque je relève la tête vers le centre de la pièce, un frisson m'agite de haut en bas.

-Yves !

Tenu en joue par la demoiselle aux cheveux bruns. Elle braque devant elle son arme et tourne la tête vers moi. Ses yeux sont sombres lorsqu'elle m'ordonne violemment :

-Un pas de plus et je tire !...

Je la dévisage quelques secondes. Elle pourrait être jolie si elle n'arborait pas cette air de bravade et de mépris des autres. Ses lèvres charnue sont actuellement retroussées en une petite moue de colère qui doit lui être familière. Je ne tente pas d'avancer tandis que je sens les battements de mon cœur s'accélérer.

Elle va tirer... Je n'ai que quelques minutes pour la convaincre de changer d'avis.

-Comment t'appelles tu ?

Elle fronce un peu plus les sourcils avant de cracher :

-Le si populaire Gaëtan ignore donc mon prénom...

Je me force à garder mon calme. Si elle pouvait lire dans mon âme, m'envierait-elle autant ? Je me force à ignorer la douleur qui me traverse brusquement et rétorque :

-Non. Mais ce n'est pas étonnant si tu me réponds comme ça chaque fois que je te le demandes...

Elle me lance un regard noir avant de lâcher du bout des lèvres :

-Natacha...

Je recommence à espérer et réussis à prendre un ton très calme pour poursuivre la conversation tandis qu'Yves garde un prudent silence.

-Natacha, il est sous le contrôle de la reine... Il n'est pas responsable...

Je vois une petite étincelle s'allumer dans ses yeux et sa main tremble légèrement sur la crosse de son arme. Elle commence à douter... Mais rien n'est gagné, et c'est là que ça devient vraiment dangereux.

Elle murmure d'une voix un peu aiguë :

-C'est une légende qui circule dans le fort. Mais tout le monde sait qu'on ne peut pas contrôler les gens à une telle distance...

Je n'ai pas le temps de répondre car Yves prend la parole d'une voix pleine de désillusion :

-Vraiment ? Ça je suis heureux de l'apprendre. Pour ma part ça fait douze ans que je vis en étant moi-même à peu près un jour sur deux... Je ne te crains pas, Natacha...

-Yves !... Ne la provoque pas !

Effectivement la jeune fille a réagit en resserrant encore un peu plus ses doigts autour de l'arme. Quelques gouttes de sueur lui coulent le long du front mais elle se calme pour dire d'une voix dure :

-De toute façon, que vous disiez ou non la vérité tous les deux... si je tire, nous serons débarrassés de la présence de la reine...

Je ne regarde même pas Yves mais fixe mon regard sur celui de Natacha :

-Tu te rappelles de notre conversation ? C'est un innocent !

-Quel innocent ?

La voix est si différente par rapport à il y a seulement quelques minutes que Natacha et moi sursautons tous les deux. Les yeux d'Yves brillent d'un éclat particulier et je sens l'horreur s'emparer de moi. Je m'avance d'un pas et hurle :

-Non ! Edy, ce n'est pas le moment de faire ça ! Arrête !

Yves tourne des yeux atones vers moi. Il demande :

-Qui est la fille ?

Je ne m'attendais pas à une question pareille. Quelque chose se fige en moi tandis que je ne trouve pas tout de suite de réponse. Serait-elle jalouse ? Je me prends à l'espérer, et à tout oublier l'espace de quelques secondes.

-Edilyn...

Je m'avance d'encore un pas. Trop de toute évidence car Yves s'avance brusquement et m'arrache de la ceinture mon arme. Il la braque ensuite sur nous, et Natacha demande froidement :

-Et maintenant, je peux tirer ?

Je suis deux pas devant elle. Yves prend la parole en s'avançant :

-Gaëtan, je t'ai sauvé la vie je ne sais combien de fois mais là tu exagères...

Les trais serrés, les poings contractés, je lance à t'intention de Natacha :

-Non. Ne tire pas je t'en prie... Elle n'a que mon pistolet paralyseur de toute façon.

Mais la jeune fille ne m'écoute pas. Elle me bouscule brutalement et me passe devant. Elle avance la main et je la vois s'apprêter à appuyer sur la détente.

Je me redresse alors d'un bond et lui donne un coup de poing qui l'envoie quelques mètres plus loin. Qui ai-je soudain voulu protéger ? Yves ? Ou Edilyn sans réfléchir ?

La reine doit se poser la même question car je vois Yves rester deux secondes immobile puis la curieuse étincelle disparaît brusquement de ses yeux, comme elle était venu.

Je me précipite vers lui sans plus me soucier de Natacha.

-Yves ! Tu vas bien ?

Il éclate d'un grand rire amusé même s'il reste un peu froid. Comme si les dernières années l'avait endurcit malgré lui.

-Oui, je vais bien. Je ne suis pas aussi fragile que tu as l'air de le penser... En revanche Gaëtan...

-Oui ?

-Dépêche-toi de m'attacher. Maintenant... je ne veux surtout pas d'autres incidents... Je crois qu'elle était prête à t'assassiner aujourd'hui...

Yves jette un coup d'œil par dessus mon épaule et je me retourne moi aussi. La fille se relève lentement en se massant le menton. Ses yeux brillent d'une lueur de peur à l'idée de ce qu'elle s'apprêtait à faire. Il faut dire que le contrôle d'Yves était une démonstration frappante. Elle paraît calmée... Assez même pour demander :

-Pourquoi a-t-elle demandé qui j'étais ?

Intemporel T5 & 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant