Ysaïne (Chapitre 151)

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Je suis debout dans l'un des salons, contiguë à l'immense salle de réception, et boit lentement un verre d'ecetil. La boisson coule dans mes veines, me procurant une délicieuse sensation de chaleur, et je peux alors me tourner vers les quatre autres personnes présentes dans la pièce.

Azylis, Maly, Camille et Esteban. J'aimerais me changer et retrouver mes hautes bottes de cuir ou ma tenue pratique et confortable mais je crains que ce ne soit légèrement compromis...

Je me tourne vers Camille et demande, en la voyant baisser les yeux, d'une voix légèrement teintée d'amertume :

-Tu le savais ?

Elle se redresse sur son siège et s'exclame :

-Non ! J'ignorais qu'Idwin et... sa fiancée seraient là !

Je fais quelques pas vers la porte qui conduit à l'immense salle de réception et aperçois une foule si compacte que je change d'avis et préfère rester ici.

Maly murmure en se levant d'un mouvement vif :

-Mais moi j'étais au courant... Esteban aussi.

Je me tourne vers eux d'un mouvement vif et ma mâchoire se crispe tandis que je me sens malgré moi étrangement trahie.

-Mais alors pour quelle raison ne pas me l'avoir dit ?

Ma mère curieusement ne parle pas. Elle est assise en retrait dans un siège blanc, les yeux fixés vers la fenêtre.

Maly s'avance vers moi et réplique :

-Mais enfin Ysaïne ! Tu la connais la raison non ? Ça t'aurais forcément déstabilisée !

Ce n'était pas la meilleure des choses à dire. Je déteste que quelqu'un décide pour moi si quelque chose est bon ou non. Mais je me contente de redresser la tête vers Esteban et de demander :

-Et toi ?

Mais il ne me regarde pas. Ses yeux sont braqués derrière moi vers la porte ouverte et une lueur farouche envahit le fond de ses prunelles.

Je me retourne alors d'un bond pour croiser le regard bleu et narquois d'Idwin. Ses lèvres s'étirent pourtant en un sourire indéfinissable avant qu'il ne prenne tranquillement la parole, appuyé à l'encadrement de la porte coulissante.

-C'est évident non ? Il espérait que nous ne nous verrions pas... Serais-tu jaloux monsieur le maire ?...

Esteban est debout à côté de moi maintenant. Il jette un coup d'œil de pur mépris à Idwin et ne daigne répondre que par une autre question :

-Les gardes t'ont laissé entré ?

Idwin paraît agacé et esquisse un geste de la main avant de lâcher :

-En effet. Je suis le prince de l'Eveland... Ils ont pensé que ma visite pouvait être autorisée.

Croisant le regard de Camille, dubitatif, il esquisse un nouveau sourire et ajoute :

-Je ne leur ai pas complètement laissé le choix non plus. Je les ai menacé de rupture diplomatique et tout ce que tu veux...

Il dit encore avec son accent amusé :

-Tiens, vous avez toujours avec vous le robot...

Maly hausse les épaules sans répondre au ton insultant. Elle a rejoint ma mère et se penche vers elle. Azylis détache ses yeux de la fenêtre et croise le regard de Maly. Elle esquisse alors un sourire crispé et le robot pose une question que je n'entends pas avant qu'elle ne hoche la tête.

Je sens alors un mauvais pressentiment m'envahir et perds toute patience en me retournant pour faire face à Idwin.

-Tu es venu insulter tout le monde c'est ça ? Tu me connais pourtant assez pour savoir que c'est dangereux, non ?

La lueur résolue vacille dans ses prunelles et il lève la main comme pour la poser sur mon bras avant de s'immobiliser. Un frisson me parcourt et Esteban serre les lèvres, devenant blême de colère.

Mais avant que j'ai pu ajouter quoi que se soit, l'un de mes gardes entre et annonce :

-Majesté, le roi de l'Eveland et sa suite demande à vous voir...

Azylis s'est levée. Elle est près de moi et m'adresse un sourire avant de lâcher :

-Très bien, tu t'occupes d'eux ? Je vais voir les invités pour toi pendant ce temps...

Elle hésite quelques secondes puis ajoute :

-Maly, Esteban et Camille, venez avec moi.

Et elle quitte la salle avant que j'ai pu l'interroger sur son étrange conduite. Me cache-t-elle quelque chose ? Qui n'ai-je pas vu ? Christian !

Mon cœur se serre dans ma poitrine mais, heureusement, avant que j'ai le temps de me faire un sang d'encre, trois nouvelles personnes nous rejoignent, Idwin et moi.

Son père, sa fiancée, et...

-Sarah !

La femme aux yeux sombres que j'ai appris à connaître m'adresse pour toute réponse une grimace, avant de tirer une bouffée de son long fume-cigarette. Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas fais étouffer par sa fumée à la menthe...

Sarah rétorque enfin avec un petit sourire :

-Toujours là comme tu vois. Ça me fait plaisir de te voir.

Wahou ! C'est probablement la première fois que je l'entends dire quelque chose de gentil sans note sarcastique.

Je souris à mon tour et réponds :

-C'est réciproque.

Et, spontanément, je lui tends une main à serrer. Elle marque deux secondes d'hésitation avant d'accepter avec une grimace en ajoutant :

-Tu n'as pas trop changé depuis mon départ. Une reine ne propose jamais sa main à serrer...!

Mon sourire s'agrandit sur mes lèvres.

-Hum. Je doute que quiconque ait jamais suivi ce règlement.

Sarah hausse les épaules avant de se tourner vers Idwin, et Tiara de nouveau accrochée à son bras comme à une bouée de secours. Le roi surprend mon regard et prend à son tour la parole :

-Nous avions une autre nouvelle à vous annoncer. Sarah et moi allons nous marier.

Je les dévisage tour à tour, stupéfaite.

-Non ! Vraiment ?

Je retiens un geste amusé. On dirait que je n'ai, encore une fois, pas vraiment respecté les codes de la diplomatie.

C'est Tiara qui me répond un peu froidement -visiblement elle aussi a encore quelques leçons à prendre pour savoir que l'on ne montre jamais ses sentiments- :

-C'est une évidence ! Depuis qu'ils se sont vu ils passent leur vie à s'envoyer des noms d'oiseaux à la figure...

Ah. Je me disais aussi que Sarah n'accepterait jamais de se marier à quelqu'un de normal. Mais enfin, des injures pour commencer une relation... Je croise le regard d'Idwin et pendant quelques instants, nous oublions tout l'un et l'autre. Notre coup d'œil de connivence, chacun de nous retenant un éclat de rire, me fait un bien fou avant que je ne me tourne de nouveau vers le roi de l'Eveland :

-Alors mes félicitations. Et tous mes vœux de bonheur. Quand vous mariez-vous ?

Tiara a suivi des yeux notre échange et elle est la première à me répondre, malgré la rougeur qui envahi son front lorsqu'elle redresse la tête.

-En même temps qu'Idwin et moi. C'est à dire dans un mois et demi.

Intemporel T5 & 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant