L'avenue d'Astra. Elle est connue dans le monde entier à travers les films et les photographies et j'y pense aujourd'hui en voyant les dizaines d'appareils levés dans l'attente de l'arrivée de la princesse...
Je suis debout devant l'immense bâtiment où sera couronnée ma fille et j'attends comme les autres, sentant dans mon cœur grandir un mélange de sentiments que je ne peux exprimer.
Maly et Camille se sont glissées quelque part dans la foule, préférant n'être pas obligées de se plier aux règles mais Esteban est à côté de moi comme Christian. L'un à ma droite et l'autre à ma gauche...
Quand à Tugdual, Meredith, Tristan et Marguerite, j'ignore totalement où ils sont passés malgré leur places attitrées. Mais je ne doute pas qu'ils soient présents... Un sourire m'échappe. On dirait que la guerre qu'ils vivent les a rendus insaisissables.
Le regard de Christian comme celui d'Esteban sont sombres et je ne leur adresse pas la parole, m'en sentant de toute façon totalement incapable.
Car une immense clameur grandit au loin dans la foule et il me semble apercevoir un lointain éclat de couleur au bout de la rue.
Le ciel est gris mais un rayon de soleil perce soudain les nuages et il me semble qu'elle apparaît tout à coup à notre vue dans un halo de lumière...
Marchant lentement, Ysaïne est effectivement comme illuminée à chacun de ses pas loin devant moi au fond de l'immense avenue.
Les milliers de diamants qui décorent sa robe scintillent sous cet unique rayon de soleil presque miraculeux juste pour elle...
Ma gorge se serre tandis que sa petite et lointaine silhouette grandit. Le cercle se referme, et il me semble qu'avec ce couronnement se referme le dernier souvenir, la dernière image de Gabriel, son regard clair et mystérieux posé sur moi...
***
Un père serre contre lui un enfant de dix à douze ans. Le garçon lève les yeux vers lui et murmure d'une voix sérieuse :
-Papa, elle est tellement belle !
L'homme baisse les yeux. Son regard est grave et il hoche doucement la tête en resserrant contre lui son fils. Il entrouvre les lèvres pour parler mais l'émotion l'en empêche et il balbutie simplement :
-Oui... Elle est... simplement... superbe...
Les commentaires s'élèvent de partout dans la foule et l'enfant demande alors encore plus doucement tandis que la princesse passe à deux pas devant eux, séparée simplement par les rangées de gardes en uniforme, dans un silence soudain plein de respect :
-Papa... C'est quoi déjà la chanson ?
L'homme regarde une nouvelle fois son fils. Sa gorge est serrée sous l'émotion et il murmure soudain :
-Je suis certain que tu te rappelles des premières notes... Vas-y, chante...
L'enfant hésite. Il se déplace légèrement et relève la tête vers son père.
-Je suis trop timide. Tu crois ?
Alors l'homme hoche tout doucement la tête. Il murmure en réponse, les yeux brillants :
-Simplement le dernier couplet... Celui du renouveau.
L'enfant redresse la tête. Un homme dans la foule les regarde, ses cheveux grisonnants lui donnant un air calme et posé. Il croise le regard du garçon et s'approche de quelques pas, une femme plus jeune à son bras.
-Ton père a raison. Vas-y, chante...
Sa voix est grave et douce et devant ces deux regards combinés, l'enfant se met à sourire et inspire fortement.
Puis, d'abord d'une voix timide avant de prendre en assurance, il commence à chanter.
Son père demande à l'inconnu :
-Qui êtes-vous ?
C'est la femme qui répond à la place de celui dont elle serre le bras :
-Acalin.
Il paraît tressaillir en entendant son prénom mais regarde ensuite avec une visible émotion devant lui, dans la direction de la princesse, sans plus rien dire.
Personne ne peut continuer à parler. Une à une, chacune des personnes présente commence à reprendre la chanson. Elle s'envole, comme un merveilleux cadeau, en direction d'Ysaïne Astra qui continue lentement d'avancer...
Elle paraît soudain légèrement plus pâle, mais quelques secondes plus tard, un sourire fabuleux illumine ses lèvres et elle salue la foule avec sa joie communicative. La chanson ne se fait que plus forte, plus simplement magnifique...
Les enfants s'arrêtent de bouger, les vieillards se redressent, tous veulent voir passer cette enfant d'hier qu'ils ont attendu pendant si longtemps...
Et les rares personnes à ne pas chanter murmurent simplement :
-C'est elle... C'est la fille du prince...
***
Cette chanson... Comment simplement exprimer ce que je ressens ? Christian, presque instinctivement, s'est rapproché de moi. Je résiste à l'envie de m'appuyer contre lui et me redresse au contraire, les yeux brillants, fixés sur la lointaine silhouette de ma fille qui ne cesse de grandir.
Je murmure cependant entre mes dents serrées :
-Les entends-tu ? Elle a conquis tout Astra !
Ou bien sentent-ils simplement comme moi que tout est en train de changer ? Je jette un coup d'œil à Esteban à mes côtés. Il est pâle, immobile, et ses poings sont serrés sous ses gants fins.
Elle est enfin là... Combien de mètres reste-t-il à Ysa avant de nous rejoindre ? Dix ?
Et cette musique, à la fois triste, belle et pleine d'espoir qui me donne à la fois envie de rire et de pleurer...
Esteban tremble maintenant à mes côtés. Il s'avance d'un pas et je me retourne d'un mouvement vif vers lui en l'arrêtant d'un geste :
-Esteban, que fais-tu ?
Mais le maire d'Astra écarte ma main d'un geste ferme, s'avance d'un pas vif, et rejoint en quelques pas Ysaïne. Le chant est toujours présent lorsqu'il la serre dans ses bras d'un mouvement irréfléchi, avant de brusquement s'écarter comme s'il regrettait déjà et de dire de sa voix grave, les yeux lumineux, à la fois sérieux et rieurs :
-Me ferez-vous l'honneur de me laisser vous conduire à l'intérieur ?
Ysaïne paraît hésiter un court instant, en le regardant, entre amusement et colère. Puis, elle se détend brusquement, et rétorque en riant :
-Tant pis pour le protocole... Allons-y.
Il se relève et lui tend un bras sur lequel elle pose la main avec un nouveau sourire. Qui a suivi ce court échange ? Cet écart du programme ? Peu de monde, puisqu'il règne une étrange ambiance et que tout semble n'être qu'un rêve...
Ysaïne s'avance alors et ne tarde pas à s'arrêter quelques secondes devant moi. Ses yeux bleus brillent lorsqu'elle murmure :
-Maman, vous êtes quelqu'un de formidable.
Je ne réponds rien, la gorge nouée, et me contente de m'écarter d'un pas pour la laisser entrer. Ces mots... la première à me les avoir dit avait été Ady, à mon arrivée dans le futur.
Savais-je seulement tout ce que j'allais vivre ?
Un sourire merveilleux illumine alors mes traits lorsque je me retourne pour prendre la suite de ma fille. Quelles qu'aient été les difficultés, tout cela valait le coup, j'en suis persuadée.
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Intemporel T5 & 6
Science FictionIntemporel Tome 3 : L'ombre du prince Douze années se sont écoulées depuis la naissance des jumelles d'Edilyn et l'envoi d'une équipe de recherche sur Sagan. Si rien n'a vraiment changé à Astra, Azylis, avec l'aide de Christian, recherche plus que j...