Azylis (Chapitre 66)

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Je relève la tête au moment même où une jeune fille pénètre dans la pièce. Sans même m'en apercevoir, je marque un arrêt et cesse tout à coup de sourire.

Ce visage... Ces yeux... Je suis appuyée contre le mur derrière moi mais si je pouvais, je reculerai d'un pas. Elle me fixe du même regard surpris tandis que je tente de comprendre mes propres émotions.

Je ne saisis pas ce qui m'envahit. Mais mon cœur bat à cent à l'heure. Rompant l'espèce de charme, Christian prend la parole en laissant son regard aller de moi à l'inconnue :

-Oui, je l'ai remarqué aussi. Elle ressemble à Edilyn.

La jeune fille paraît agacée et se mord légèrement la lèvre inférieure comme pour retenir une remarque. Elle ne semble pourtant pas y arriver puisqu'elle lance en relevant la tête :

-On me le dit souvent... Mais qu'est-ce que la reine a à faire avec moi ?

Je me décide à m'avancer lentement. Je murmure sans vraiment savoir si je m'adresse à elle ou à moi-même :

-Je me le demande...

Je m'immobilise à un pas de l'inconnue qui me dévisage toujours sans sourire. Elle demande :

-Mais qu'avez vous ? Je n'y peux rien si je lui ressemble !

Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à comprendre ? Pourquoi suis-je la seule dans cette pièce à sentir ce curieux malaise, comme si quelque chose de grave m'échappait dans toute cette affaire ? Pourquoi ?...

Je me tourne vers Christian en quête de soutient mais il est toujours tourné vers la fille. Je ne veux plus la regarder personnellement. Elle me retourne l'âme.

Je me dirige sans réfléchir vers la porte du salon qui donne sur le couloir, les laissant ne voir que mon dos, et appuie la tête contre l'encadrement. Je tremble. Je n'arrive plus à penser. Maly... Je n'ai même pas l'impression que mon robot est la cause de toutes les émotions qui me traverse. C'est cette fille...

Christian reprend la parole dans mon dos en s'approchant de moi :

-Azylis ? Ça va ?

-Je...

Je me maudis moi-même de ma faiblesse. J'ai l'impression de transpirer et je rassemble mes idées pour répondre d'une voix plus calme :

-Ça va mieux.

-Qu'est-ce qui se passe ?

-Rien !...

Le cri a jaillit de mes lèvres. Je jette un coup d'œil dans mon dos pour voir la jeune fille et Christian. Je détourne de nouveau précipitamment les yeux.

-Je voulais dire... C'est juste que je pense à Maly. C'est tout.

-Mais ça allait mieux ! C'est cette fille qui...

Elle prend la parole en le coupant avec agacement :

-Je n'ai rien fait je vous signale ! Enfin, pas encore... Je veux dire...

Je me retourne lentement vers elle, m'appuyant de nouveau contre le mur. Le regard hagard, j'écarte soudain de mon passage Christian qui demande :

-Azylis... Qu'est-ce qui t'arrive ?

Je ne réponds rien et me redresse lentement avant de m'avancer vers la jeune fille. Je m'immobilise ensuite en face d'elle et il me semble que nous sommes deux dans la pièce. Seules. J'oublie Christian et murmure :

-Tu ressembles à Edilyn...

C'est comme si une mélodie angoissante commençait à résonner dans ma tête. Comme si je ne pouvais mettre de côté ce sentiment d'urgence qui s'empare de moi... Je m'éloigne d'un pas et tourne lentement autour de l'inconnue qui hausse les épaules avant de dire avec mépris :

-Vous l'avez déjà dit... Vous êtes folle c'est ça ? Et vous êtes sensée nous diriger pour la révolte ? Je n'aurai pas dû venir ici !

Christian intervient de nouveau lui aussi :

-Azylis ! Je t'en prie, qu'est-ce qu'il y a ? Explique-moi !

Mon cœur bat la chamade. Il n'y a plus que ce visage devant moi, ces traits fins, et même cette voix incroyable.

-Bien sûr, il a fallu que tu ressembles à Edilyn !...

Mon ton doit lui faire peur car elle recule d'un pas avant de redresser la tête et de m'adresser un regard furibond.

-Mais qu'est-ce que... qu'est-ce que vous voulez ?

Quelque chose se brise en moi tandis que je regarde fixement ses cheveux. Je murmure doucement en m'immobilisant :

-Les cheveux bleus...

Et Christian comprend en un éclair. Il pousse un cri :

-Non ! Non, ça ne peut pas être elle... Azylis, tu...

Ses yeux s'agrandissent tandis que la vérité se fraie un chemin dans son esprit. La jeune fille nous dévisage avec une inquiétude grandissante. Elle demande d'une voix soudain hésitante :

-Que voulez-vous dire, pour les cheveux bleus ?

Je ferme doucement mes paupieres et baisse les yeux sans répondre. Je murmure à Christian :

-Demande-lui toi...

Il rétorque :

-Je crois que c'est inutile. Je le sais déjà... J'ai été stupide de ne pas comprendre...

Mais il se tourne quand même vers elle et demande :

-Tu t'appelles Ysa c'est ça ?

-Oui, mais...

Je redresse la tête, me sentant alors incroyablement calme. La gorge toujours serrée, je laisse mon regard se poser sur elle, scrutant le moindre détail de sa figure.

-Tu... Tu as des parents ?

Elle me dévisage puis se tourne vers Christian. Je devine qu'elle commence à avoir peur de ce qu'elle va apprendre et je résiste difficilement à l'idée de la prendre dans mes bras qui m'envahit tout à coup.

-Je n'en ai pas. Pas vraiment.

Je garde le silence. Christian veut prendre la parole mais elle le coupe brusquement :

-Que savez vous de moi ?

Je murmure en fixant le sol des yeux :

-Ysaïne Astra, ça te dis quelque chose ?

-Quoi ?

-Ysaïne Astra. Ma fille. Ça te dis quelque chose ?

Nos yeux se croisent et elle recule alors, un éclair de frayeur traversant son regard. Sans même en avoir conscience, elle hausse la voix pour répondre :

-Non ! Non... Je n'ai rien à voir avec ça !... Non...

Je suis soudain saisie d'un terrible besoin de lui faire comprendre et je m'approche d'un pas vers elle avant de dire le plus doucement possible :

-Ysa... Tu es ma fille. Tout correspond... Même ton prénom qui n'est qu'un diminutif d'Ysaïne. Et tes cheveux bleus... Une maladie d'enfance. Nous t'avons perdue à l'âge de cinq ans...

Elle reste parfaitement silencieuse pendant quelques secondes puis crache :

-Allez vous en. Je ne suis pas... Ysaïne.

Je sens de nouveau la peur m'envahir. Je veux m'approcher pour la serrer contre moi mais elle se dégage brusquement et recule contre le mur jusqu'à rejoindre la porte d'entrée. Sans me quitter des yeux, elle lâche alors :

-Je ne suis pas votre fille.

-Non, Ysaïne, je t'en prie...

Ses yeux s'allument alors d'une lueur et elle ouvre la porte derrière elle en hurlant :

-Et si je ne veux pas l'être ? Je n'ai rien à voir avec vous !...

Intemporel T5 & 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant