Edilyn (Chapitre 41)

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Je sens une douleur sourde m'envahir. Aïe... Ma cheville. Je baisse les yeux pour découvrir qu'un mince filet de sang dégouline le long de ma jambe.

Je me force pourtant à me relever pour observer les dégâts. Le salon public semble relativement en bon état. Ou les rebelles ne savent pas viser où ils ne pensaient pas que je serais dans cette pièce...

La porte de la salle s'ouvre alors en coup de vent et je réalise que dans ma chute à cause des éclats de la vitre j'ai du me heurter la tête contre le coin de mon bureau. J'ai perdu connaissance... Mais pendant combien de minutes ?

Deux gardes noirs entrent avec précipitation dans mon appartement et s'arrêtent brutalement en me voyant face à eux. Je demande sèchement :

-Que voulez vous ?

-Nous... Nous avons entendu une explosion puis le silence pendant trois minutes. Nous venons de nous décider à vérifier que vous alliez bien et à transgresser les ordres...

Je hoche la tête et me détends très légèrement. En les voyant entrer, armes à la main, je n'ai pu m'empêcher de ressentir au plus profond de moi une peur panique.

Mais quelque chose dans le tremblement et la peur qui brille au fond des yeux du premier des deux gardes me saisit soudain et je sens l'angoisse se répandre dans mes veines.

-Je vais bien, alors qu'est-ce qui se passe ?

Les deux gardes se jaugent l'un l'autre et j'ajoute avec une colère grandissante :

-Répondez ! Sinon...

Le plus jeune se décide alors précipitamment en ne me regardant pas :

-Majesté... L'appartement de vos filles a pratiquement entièrement sauté. Nous sommes en train de dégager le couloir pour accéder à leur porte mais...

Je m'immobilise. Quelque chose se fige en moi lorsque j'articule d'une voix si basse qu'il doit deviner sur mes lèvres ma question :

-Mais...?

L'autre homme, grand et barbu, lance d'une voix hachée :

-Majesté... On... On n'est pas sûr qu'elles soient encore en vie. Il y avait avec elles également le maire Esteban et la jeune Ysa Destyr.

Quelque chose explose alors en moi. Ce n'est pas juste. C'est moi qu'il fallait punir mais elles ! Mes deux enfants !...

Je hurle alors, perdant tous mes moyens :

-Ça m'est égal ! Je me fiche de qui était avec elles ! Elles sont peut être mortes !...

Mes yeux lancent un éclair et je sors de mon étui à ma ceinture mon pistolet. Les deux hommes reculent et le plus vieux lève les mains devant lui comme pour se protéger :

-Majesté ! Nous vous sommes fidèles et...

Aveuglée, je lève le bras et appuie froidement sur la détente. Le garde bascule en avant sans un mot tandis que je hurle :

-Mais vous n'avez pas su les protéger !

L'autre se penche vers son compagnon et j'ai le temps de croiser son regard soudain haineux. Mais cela m'est égal. Je ne pense plus à rien si ce n'est à mon anxiété grandissante. Sont-elles encore en vie ?

Je jette un regard au survivant et murmure :

-Occupez vous de lui. Et ne vous trouvez plus jamais devant moi.

Je me rue ensuite en avant sans réfléchir et sors de mon appartement en coup de vent. Les salles de transfert ? Pas question. Les escaliers. J'ai besoin de sentir ma respiration s'affoler, ma gorge me brûler et ma cheville me faire souffrir un peu plus.

Je veux avoir mal. Très mal. Pour ne plus sentir cette peur grandissante au fond de moi... Ysaïne... Elle était avec eux. Un signe du ciel ? Mon pied se pose sur une nouvelle marche de l'escalier tandis que j'accélère. Mes gardes et de parfaits inconnus courent dans tous les sens. Des notables sûrement, des secrétaires, bref tout le personnel du palais...

Dans le bruit des explosions répétitives et la poussière qui se répand partout, personne ne s'arrête devant moi.

J'atteins enfin l'étage de l'appartement de mes filles. Mon cœur se fige dans ma poitrine avant que j'inspire avec effort en m'appuyant au mur. Le plafond est partiellement écroulé et nous ne sommes que dans le couloir... Mes gardes s'activent partout et tentent de dégager le plus vite possible la porte mais des pans entiers de murs semblent toujours sur le point de s'écrouler.

Un homme s'avance vers moi. L'actuel chef de ma garde noire. Même s'il le cache bien la peur brille au fond de son regard et je me rends alors compte que je tiens toujours mon arme à la main.

Je ne la range pourtant pas et resserre au contraire mes doigts sur la crosse. Les dents serrées, je parviens à dire avec colère en cherchant mes mots :

-Si... Si elles ne sont plus en vie... Je vous tue.

Il me dévisage sans ciller. Il répond enfin d'une voix maîtrisée :

-Si je faillis à mon devoir majesté, votre punition sera une récompense. Ma mission était de vous protéger vous et vos filles. Je ne l'ai pas oublié.

Je baisse légèrement mon arme. Un garde lance alors devant moi :

-La porte est dégagée !

Instinctivement, je sens tout le monde se raidir. Je marque moi-même un arrêt. Ai-je réellement envie de découvrir ce qui m'attend derrière la porte ?

Je ferme les yeux quelques secondes et inspire fortement avant de dire au chef devant moi :

-Allez-y.

La gorge serrée et les traits fixes, il s'incline devant moi avant de tourner les talons et de se diriger vers la porte. Ma main tremble sur mon arme et les jointures de mes doigts sont si pales que je ne suis pas certaine de pouvoir encore dire que j'ai une seule goutte de sang dans les mains.

Les hommes s'écartent devant lui. Il disparaît dans la pièce suivi d'un des gardes et quelque chose semble alors se débloquer en moi. Je me précipite en avant. Alors que je pose le pied sur le sol de la pièce juste devant la porte enfin ouverte, je vois revenir le chef de ma garde vers moi, une forme immobile dans les bras.

La poussière m'empêche de distinguer quoi que ce soit et ce n'est que quand il me la dépose dans les bras et que je l'attrape mécaniquement que je la reconnais.

Eslimea. Pâle, couverte de sang. Mais elle respire et esquisse même un sourire en me regardant. Elle murmure d'une voix rauque :

-Vous êtes en vie Maman...

Je resserre mes bras autour d'elle comme si elle allait m'échapper d'une minute à l'autre et esquisse un douloureux sourire. Je ne peux me résigner à m'éloigner de la pièce tant que je n'ai pas retrouvé aussi Saldya.

-C'est plutôt à moi de m'inquiéter non, petite fille ?

Elle lève de nouveau les yeux vers moi avant de murmurer doucement :

-Maman... Saldya était près de la fenêtre.

Je comprends en un éclair. Que c'était la plus exposée. Je recommence à sentir la peur se glisser dans chacune de mes pensées lorsqu'Eslimea achève de me faire perdre toute raison en ajoutant :

-C'était dangereux vous savez. Mais Ysa est partie la chercher...

Intemporel T5 & 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant