Ysaïne (Chapitre 80)

416 68 97
                                    

Un léger grésillement. Je retire ma main d'un coup et tout s'accélère brusquement. Mes pieds dérapent sur le mur trop lisse, ma seconde main se décroche, et je dégringole brusquement.

Mes ongles crissent sur le verre tandis que je tente désespérément de retrouver un point d'appui. Freinant brusquement ma chute mortelle, je réussi à aimanter de nouveau ma main gauche à la paroi et appuie l'autre. Le cœur battant à tout rompre, je retrouve une prise pour mes pieds et relève la tête au dessus de moi. J'ai bien perdu dix mètres d'escalade... et le temps presse.

Mon sourire a disparu lorsque je reprends mon ascension en serrant les dents pour lutter contre le froid qui pénètre mes vêtements et me fige le sang dans les veines. Il me semble qu'une éternité s'écoule avant que je sois de nouveau juste sous la plateforme.

Agrippée au mur, je m'immobilise alors et pousse un long soupir. Le bouclier magnétique me laisse bien passer... Mais il y a un courant électrique. C'est ça qui m'a surprise et m'a fait tomber tout à l'heure...

Je me suis prise une décharge. Je ferme les yeux et serre un peu plus les dents. Que se passera-t-il si tout mon corps se prend une décharge ?

Il le faut pourtant... Je me recroqueville légèrement sur moi-même, bandant tous mes muscles pour sauter d'un bond sur la plateforme. Si la décharge électrique est trop forte...

J'esquisse un sourire nerveux. Mieux vaut éviter d'y penser.

J'écarte légèrement ma première main du mur, ne gardant que mes pieds comme appui et l'aimant serré entre mes doigts gauche. Je détache ensuite lentement celui-ci et, d'un bond, saute en avant.

Je traverse le champ de force trop vite et une douleur effroyable semble me vriller de l'intérieur tandis que je roule sur moi-même et glisse sur la plateforme.

Je jette un coup d'œil au ciel au dessus de moi. Quelques étoiles brillent maintenant mais il fait toujours aussi froid... De toute évidence, le courant électrique ne m'a pas tuée. Pourtant, rien que l'idée de le franchir de nouveau suffit à me faire faire la plus effroyable des grimaces.

Je me redresse lentement, m'efforçant de garder à l'esprit ce que je suis venue faire. Combien de temps me reste-t-il ? Un coup d'œil à mon écran suffit à me remettre débout. Moins de vingt minutes...

Et leur fichu robot n'a donné aucune précision... J'ai tout un étage à fouiller.

Je repense de nouveau à Saldya et Eslimea. Et pour la première fois depuis que j'ai appris l'attentat, je fais le lien. Elles étaient mes cousines...

Je me force à penser à autre chose et m'avance fermement vers la porte. Lorsque j'arrive au niveau du double battant, je constate évidemment que c'est fermé à clef mais ne m'y attarde pas. Ce nouveau lien de parenté ne veut pas quitter mon esprit et je me mords violemment les lèvres tandis que je sors un petit appareil de ma poche pour ouvrir la serrure.

Idwin... Il revient de nouveau hanter mes pensées. Furieuse contre moi-même, je me force une énième fois à me concentrer. La porte ne tarde pas s'ouvrir et j'entre précipitamment dans la pièce avant de repousser le battant derrière moi.

La première chose qui me surprend est l'agréable chaleur qui m'envahit aussitôt. Je laisse échapper un petit soupir en agitant les doigts avant d'observer autour de moi. Je suis dans une pièce assez petite. Les murs sont couverts d'armoires métalliques de rangement et je réprime un juron. Si leur fameuse arme est dans un des tiroirs... Je n'aurai jamais le temps de tout fouiller.

Alors que je veux me diriger vers la première porte, je m'arrête tout à coup. Ce qu'ils gardent ici... Je doute qu'ils auraient rangé dans un endroit aussi ordinaire une arme sensée changer le cours de la guerre. Donc, si mon pressentiment est juste, c'est ailleurs qu'il faut que je cherche...

Et j'ai appris à me fier à mon instinct. Je sors de ma sacoche un fin revolver et m'avance lentement vers l'unique porte de la pièce en face de moi. Lentement, je fais tourner la poignée. Elle n'est pas fermée à clef et ne me pose aucune difficulté. Je me glisse alors rapidement dans la seconde pièce, refermant comme auparavant la porte.

Mais ici, la vague lumière de la lune n'est pas du tout présente et il fait très sombre... À part... un léger rai de lumière sous une porte à ma droite. Je m'y dirige très lentement, promenant mes mains devant moi pour ne rien heurter, et ne tarde pas à appuyer mon oreille contre une nouvelle porte. Je n'entends que des chuchotements que deux personnes semblent échanger.

-... Garder une porte alors qu'il y a déjà quelqu'un à l'intérieur...

-... peut-être mais ce sont les ordres et si tu as envie de désobéir à la reine...

Quelqu'un déglutit et je farfouille une nouvelle fois dans ma précieuse sacoche. On dirait bien que j'ai trouvé ce que j'étais venu chercher... Je jette un coup d'œil à mon écran qui émet une légère lueur dans le noir. Il ne me reste plus que douze minutes.

Ma main droite se referme alors sur une fine capsule que je sors de mon sac. Je la regarde quelques secondes avec un fin sourire avant d'avancer mon autre main vers la poignée de porte.

Je l'entrouvre et l'un des deux hommes au moins doit le remarquer puisque c'est soudain le silence complet. Je n'attends alors pas et noue prestement un foulard noir sur mon nez et ma bouche avant de balancer dans la pièce devant moi la capsule brusquement ouverte.

Le plus vieux est le plus prompt à réagir :

-Des gaz ! Attention évite de...

J'entends deux corps qui s'écroulent et j'esquisse un nouveau sourire. En voilà deux qui risquent de dormir quelques heures...

J'entre sans attendre et ne prends pas de précaution pour la porte qui se referme en claquant. Je sursaute dans la pièce bien éclairée -les deux hommes n'avaient, eux, aucune raison de se cacher- avant de me calmer et de me remettre à m'avancer vers l'autre porte.

Elle non plus n'est pas fermée à clef. Je grimace. Le défi se révèle presque trop facile...

Je plonge une nouvelle fois les doigts dans ma sacoche et farfouille. Lorsque je constate que je n'ai plus de capsule, je laisse échapper un juron à mi-voix. Bon, je n'ai plus qu'à espérer que le dernier garde soit coopératif... et qu'il comprenne la valeur de mes arguments.

J'ouvre d'un coup la porte, sans me préoccuper du bruit cette fois-ci, et entre en deux pas rapides dans une nouvelle salle, entièrement circulaire. Je tiens mon arme pointée droit devant moi et la braque aussitôt vers la seule personne présente dans la pièce très peu éclairée.

-Où est l'arme ? Si vous tenez à votre vie...

Je n'ai pas le temps d'en dire plus que l'homme se retourne. Ses yeux s'agrandissent de surprise et les miens aussi. Malgré mon foulard, il doit m'avoir reconnu...

Nos deux cris jaillissent en même temps de nos bouches :

-Ysa !

-Esteban...

Intemporel T5 & 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant