Ysaïne (Chapitre 176)

358 60 165
                                    

-Esteban ? Je voulais te voir...

Je suis rentrée au palais depuis deux jours et je ne l'ai pas vu. Il m'a manqué. Et je commence à comprendre que je l'aime, que je ne peux renoncer à lui...

Mais il reste distant, même là à cet instant précis devant moi dans mon salon, debout, raide comme un piquet sans avoir daigné s'assoir comme je l'en ai pourtant prié.

-Ysaïne... Comment était-ce, le mariage d'Idwin ?

Je fronce les sourcils, agacée. Pourquoi a-t-il le don très discutable de toujours me mettre hors de moi ? J'ai envie sans savoir comment de lui dire ce que je ressens... et voilà qu'il me parle encore d'Idwin.

Dont je n'ai toujours pas compris l'attitude... J'espère sincèrement qu'il saura rendre heureuse Tiara, que j'apprécie maintenant sans plus me poser de question, autant que je la jalousais auparavant.

-C'était... je n'ai pas passé un très bon moment. Mais j'ai pu discuter avec Tiara... Son père est mort d'une crise cardiaque.

-Mes condoléances.

Il paraît s'en ficher complètement. Je revois en un éclair le visage de la jeune femme, assombri par les larmes, ses joues rougissantes et son regard demandant une aide qu'elle n'espérait pas, et j'ai beaucoup de mal à rester calme devant Esteban.

-Tu fais tout pour être désagréable, tu en as conscience ?

Il ne répond pas mais demande froidement :

-Pourquoi m'as-tu fait venir ?

Son regard vacille pourtant et je lis alors dans ses prunelles une lueur d'espoir, qu'il tente pourtant aussitôt de cacher, se reprenant. Je me calme et réponds d'une voix douce :

-J'ai... J'ai le droit d'avoir simplement envie de te voir ?

-Une solution de remplacement en somme ?

Je crispe mes poings, grince des dents, avale ma salive, et parviens à ne pas crier ma réponse.

-Tu ne me facilites pas les choses. Très bien, va-t-en puisque je t'agace autant !

En disant ces mots je ne peux pourtant m'empêcher de désirer qu'il reste là, près de moi, que je puisse le regarder, plonger mes yeux dans les siens... Je n'arrive plus à penser correctement. Il ne s'éloigne pas, paraît légèrement se détendre, et répond d'une voix adoucie en s'approchant d'un siège :

-Tu es invivable Ysaïne... Une vraie girouette. Un jour j'ai l'impression d'être la personne qui a pour toi le plus d'importance au monde et le lendemain... plus rien. Cette fois-ci, quand vas-tu de nouveau m'envoyer voir ailleurs ? Tu viens de le faire d'ailleurs.

Me voilà sur la défensive maintenant. Je regrette presque Camille qui est passée je ne sais où et qui saurais trouver des mots bien diplomatiques pour nous calmer tous les deux. Où nous aider à nous comprendre ce qui serait déjà un très bon début.

-Ecoute Esteban... Je ne savais pas où j'en étais, j'étais perdue... je te l'ai dit souvent ! Maintenant je crois...

Je m'interromps. Je n'arrive soudain pas à continuer et les mots se bloquent dans ma gorge. Je me retourne brusquement vers la fenêtre, pour la première fois de ma vie légèrement tremblante, et me tais, gagnée par une sourde appréhension.

Mais monsieur le maire demande doucement :

-Oui ?

-Je... Je ne sais pas comment dire ça...

Je me rends compte alors seulement que je panique. Que j'ai peur. De me retourner, de le regarder dans les yeux et de lui dire que je crois l'aimer...

Je ne l'ai pas entendu me rejoindre lorsque je sens ses mains se poser sur mes bras, m'entourer, et qu'il souffle dans ma nuque, écartant ainsi au passage l'une de mes mèches de cheveux :

-C'est si difficile à dire Ysaïne ?...

Je ne peux le regarder. Je me contente de hocher la tête. Il s'écarte alors de moi et je respire soudain plus librement, car mes pensées semblaient bloquées dans ma tête avec ses mains sur mes bras. Il vient se placer devant moi et je ne peux alors plus éviter ses yeux sombres. J'échange avec lui un long regard, détestant intérieurement la situation tout en ne voulant pour rien au monde qu'il s'écarte.

-Je...

Les mots se coincent de nouveau dans ma gorge. Doucement, Esteban murmure alors :

-Je peux t'aider si tu veux... Je peux recommencer.

Il s'éloigne un peu plus, vers la fenêtre, mais sans quitter mes yeux du regard, sans me lâcher, et il reprend la parole :

-Je t'aime Ysaïne. Comme je n'ai jamais aimé personne d'autre... Et toi ?

Je repense à l'instant où je l'ai rencontré pour la première fois. Dans cette rue alors que je ne pensais qu'à cambrioler une bijouterie. À cet instant, je trouverais bien plus facile de me préoccuper de ravir un bijoux que de répondre et de dévoiler des sentiments qu'il y a encore quelques minutes je refusais d'affronter...

Je n'avais pas de plan précis en demandant à Esteban de me rejoindre. Juste envie de le retrouver... Est-ce cette séparation de quelques jours, ainsi que la précédente, qui m'a permis de comprendre comme j'aimais l'avoir à mes côtés ?

Je murmure :

-Je t'aime.

Cette fois-ci ma voix a été ferme, et je n'ai pas tremblé. C'est moi qui me rapproche de lui, jusqu'à poser ma main sur son épaule, l'autre sous son menton, pour le relever et le forcer à me regarder.

Ses yeux sont plein de larmes et je reste un instant surprise, ne sachant comment réagir. Mais il me prend alors brusquement dans ses bras, me serrant fort contre lui, et éclatant d'une joie mêlée de soulagement en s'exclamant :

-Enfin ! Enfin tu le dis ! Oh, Ysaïne !...

Être dans ses bras ne me procure pas les mêmes sensations qu'avec Idwin. Il n'y a pas d'hésitation dans mon âme, pas d'inquiétude. Je lui fais aveuglément confiance et cela change tout. Je laisse l'amour m'envahir, renversant au passage toutes les barrières que j'avais inconsciemment construites pour ne pas voir la vérité en face.

Je suis dépendante de quelqu'un, je ne suis plus cette voleuse qui aimait cambrioler la nuit, libre, escaladant des tours, ouvrant des coffres-forts aussi silencieusement qu'un rayon de lune se reflétant sur l'eau.

Il n'y a plus qu'Esteban qui compte, cet homme qui s'écarte soudain de moi pour prendre mon visage entre ses mains brûlantes, tandis qu'un sourire écarte soudain mes lèvres. Je crois que je pleure et que je ris en même temps, moi aussi.

Alors il se penche vers moi doucement et m'embrasse, avec une émotion qui m'envahit de nouveau, tandis que je referme les bras autour de son cou, et que ce fichu diadème tombe à terre dans un bruit de métal que je n'entends pas.

Parce que je l'aime. Esteban. Comment ai-je pu si longtemps l'ignorer ?

Coucou !
Cette relation... je compte beaucoup la retravailler. Là je trouve que par rapport à sa séparation avec Idwin, cela va un peu trop vite et qu'Ysa est trop indécise avant. Esteban est un personnage à qui je compte consacrer beaucoup de temps dans ma réécriture... ainsi qu'à l'amour qu'il porte à Ysa, réciproque. Pour vous donner une idée, je pense qu'Ysa aura été amoureuse au début d'Esteban sans que ce soit réciproque puis qu'elle se soit attachée à Idwin avant de revenir petit à petit après l'assassinat des jumelles à celui qu'elle n'a jamais pu oublier, Esteban. Voilà voilà, petite annonce comme ça !;)
Merci à tous ceux qui me lisent toujours à ce troisième tome, j'en profite pour vous le dire en passant, c'est juste... formidable !
Merci à tous,
Azylis. <3

Intemporel T5 & 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant