DES OMBRES SUR LE MUR (mai 820) Kuchel Ackerman, dite Olympia

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Le temps se radoucit. Est-ce le parfum des fleurs que je sens flotter dans les rues ? Non, cela ne se peut pas. C'est sans doute mon imagination.

Depuis un mois, les affaires marchent mieux, les clients reviennent et je pense avoir repris un peu de poids. Je me suis cousu une nouvelle robe avec l'argent gagné, et dedans, je me trouve de nouveau belle. Livaï me regarde avec des yeux émerveillés chaque fois que je la porte, donc même si je ne peux m'examiner de la tête aux pieds, c'est que ça doit être vrai !

J'en ai aussi profité pour faire des commissions un peu plus conséquentes que d'habitude. Maintenant que Monsieur Carsten est parti, je dois aller dans un autre quartier, et c'est plus fatiguant. J'avais laissé Livaï seul à la maison - je lui fais confiance pour ne pas ouvrir aux inconnus maintenant - , et dans la grande rue, pas très loin du bar, un homme m'a abordée. J'avais les bras chargés et il ne semblait pas fréquentable à première vue, donc j'ai voulu m'éloigner. Mais il m'a interpellée en me demandant si j'avais un enfant. J'ai commencé à avoir une trouille bleue ! Et si c'était l'un de ces trafiquants d'humains ? J'ai marché plus vite mais il m'a attrapée par l'épaule et m'a retournée vers lui. Je pensais qu'il en voulait à mes paquets - ou pire encore - et je m'apprêtais à crier, quand il a ouvert un des pans de son manteau. Et, là, sous mes yeux, se sont étalées les plus belles sucreries que j'ai jamais vues !

Le bonhomme, tout à coup plus avenant, m'a assuré que cela venait d'en haut, d'un bon établissement, et qu'il les revendait sous le manteau grâce à la complicité d'un employé. J'étais encore un peu méfiante, alors je lui ai demandé si je pouvais goûter un de ces bonbons. C'était tellement doux dans la bouche ! Il m'est arrivé d'en manger quand j'étais jeune mais pas des aussi bons ! Il me restait de la monnaie, et je voulais faire plaisir à Livaï ; un enfant se doit de manger des bonbons de temps en temps !

Quand Livaï m'a vue revenir chargée comme un cheval, il m'a aidée à me débarrasser et je lui ai tendu le sac de confiseries avec un grand sourire. Il en a goûté un et a eu l'air d'aimer ça. J'avais tapé dans le mille ! Je lui ai promis qu'on les mangerait ensemble plus tard. En attendant, nous avons fait un bon repas consistant et sommes allés nous coucher comme des bienheureux.

Livaï commence à lire un peu, mais ses difficultés avec les mots sont un handicap. Quant à lui apprendre à écrire, il n'en est pas question : il est encore trop jeune de toute façon, et les plumes, le papier et l'encre coûtent une fortune. Personne ne vend ses articles hors de prix dans les bas-fonds.

Il m'a demandé il y a peu si les titans existaient réellement. Qu'il commence à remettre en question ce que je lui dis, qu'il ne me croit plus aveuglément, me gêne un peu mais, par ailleurs, cela veut dire que son sens de la réflexion s'aiguise. Je lui ai répondu que je n'en savais rien, que je n'en avais jamais vu, que ce sont les gens de là-haut qui le disent. Il a raison après tout... Ces gens nous ont abandonnés, peut-être qu'ils nous mentent aussi ?...

Je ne laisse pas Livaï dormir dans ma chambre ; même moi je n'y dors que rarement. C'est mon lieu de travail et je ne veux pas qu'il y entre. Mais la dernière fois, j'ai eu un problème. Un client malhonnête m'a donné à peine la moitié de ce qui était convenu et je me suis mise à pleurer une fois qu'il est parti. Ca m'apprendra à faire confiance... La prochaine fois, je demanderai à voir l'argent avant. Cependant, Livaï m'a entendue sangloter, et, adorable comme il est, il est venu me consoler.

Je lui ai ordonné de sortir un peu brutalement - cette chambre sentait tellement mauvais -, et il est parti en traînant les pieds, la tête basse, sa tignasse toute ébouriffée. Je me suis sentie si mal ! Comme l'autre fois où je l'ai grondé parce qu'il ne voulait pas se laver ! J'espère ne pas avoir fait de bêtise en évoquant cette menace... Il a eu l'air de la prendre tellement au sérieux...

Je suis allée le rejoindre sur son petit lit - trop petit pour moi, mais qu'importe - et je l'ai embrassé. Il s'était lavé le matin et il sentait bon le savon. Il le fait sans que je le lui demande maintenant... J'avais apporté le sac de bonbons et nous nous sommes empiffrés comme c'est pas permis ! Livaï et moi avions les doigts et les lèvres tous collants, et il a eu l'air de détester ça, mais je lui ai dit en riant que c'était pas grave, que c'était du sucre, le genre de chose qu'on peut difficilement acheter à bon prix, et qu'il devait en profiter. Profiter de ce goût, ce goût de l'enfance... Et du sommeil aussi. Livaï a toujours eu du mal à s'endormir, il fait des cauchemars qu'il ne veut pas me raconter. Mais quand je suis avec lui, il dort mieux.

Livaï, j'ai tellement peur d'être une mauvaise mère ! Je sais que je ne fais pas toujours les choses comme il faut... que parfois je te rends triste... N'en veux pas à maman, d'accord ? Je t'aime plus que tout ! Je ferais tout pour te protéger ! Et quand tu seras grand, tu seras mon chevalier !

Tu veux bien, dis ?

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant