A PROPOS DU COUTEAU (mai 825) Jochem Lamprecht, un gamin des rues

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Les autres devraient plus tarder. Depuis que mon vieux est plus de ce monde, ma bicoque est devenue notre repaire. Certains y crèchent un peu trop à mon goût, mais bon, maintenant, on est une vraie famille. Plus de connard d'adulte pour nous surveiller ! Les rues sont à nous !

Je les entends arriver. Lambert est le premier, il se glisse toujours par derrière parce qu'il vient du quartier nord. Yvo ensuite, puis vient le tour de Bettina, la seule nana de la bande. Un beau brin de fille, faudra qu'elle fasse gaffe quand il lui poussera des nichons. Les autres arrivent en vrac, en gueulant, jurant et rigolant. On est là, tous les douze.

On va ratisser le quartier, faire le plus de poches possible. Même les clodos y passeront. Et si on peut voler un peu de bouffe en passant, on se gênera pas ! La garnison est pas dans le coin en ce moment, paraît qu'un meurtre a eu lieu dans un autre quartier.

On sort tous groupés, on marche sur quelques mètres, et on se déploie. Chacun à sa méthode et ses coins préférés. Je sors pas le couteau tout de suite, j'attends qu'un pigeon idéal se pointe. Ou une pigeonne, j'en vois une, là. Elle s'est arrêtée devant l'étal de pommes. Où elle cache son fric, cette conne ? Là, sur sa ceinture, contre sa hanche ; elle fait pas attention, elle regarde les pommes... Doucement, je me glisse derrière... Au moment où elle se penche pour en attraper une, je coupe le cordon de sa bourse, et elle me tombe dans les mains ! Si j'avais été un tout petit peu plus grand, elle m'aurait vu ; faudra que je trouve une autre tactique pour plus tard.

Je l'entends gueuler comme une truie qu'on égorge ! A votre bon coeur, m'dame, les gamins des bas-fonds crèvent la dalle ! Elle est pas très lourde, cette bourse... Bah, je vais me refaire avec le prochain. Je croise Wendel, encore bredouille, qui hausse les épaules en me regardant de son air benêt. Il va bien falloir qu'il serve à quelque chose un jour, celui-là, sinon on le jettera dehors. Soit tu participes, soit tu dégages ! Marre de nourrir les inutiles !

Je suis en train de suivre un autre pigeon quand je croise l'autre tache, ce nain de Livaï. Bordel, on peut dire qu'il pousse pas avec l'âge, lui ! Il attend au coin de la rue, je sais pas quoi... Non, bordel, je crois bien que c'est mon pigeon qu'il reluque ! Pas de ça, nabot ! Il est à moi ! Je lui montre mon couteau, pour qu'il comprenne, mais il a l'air de s'en foutre. Ah ouais ? T'es chez moi, le minus, t'as intérêt à dégager si tu veux pas faire connaissance avec ma lame !

Je rêve, il se met à filer ma proie ! Je cours, je lui rentre dedans, et je le mets par terre. Le nain s'étale par terre, et avec, petit bonus, ses prises de la journée ! Il a pas chômé ! Tu déconnes, c'est le fric de mes pigeons que tu embarques, là ! Cette fois, je vais te faire mal, morveux !

Il se débat un peu, se relève et sort aussi un couteau. Tu vas faire quoi avec ce cure-dent, le nain ? Tu vas te faire mal, c'est sûr ! Au pire, compte sur moi ! J'essaie de lui arracher son butin, et lui il tente de me piquer avec son jouet, mais il s'y prend mal. On t'a pas appris comment on se sert d'une lame, ou quoi ? Ton paternel va s'en mordre les doigts ! Je vais démolir ta jolie petite gueule !

Je réussis à craquer le fond de la bourse et toute la ferraille vole dans les airs. Mais il lâche pas prise ! Il reste sur place et me barre le chemin. Tu l'auras voulu ! Je balaie horizontalement avec ma lame et je l'atteins au visage. C'est que le début, morveux ! Lâche tout ou je te larde ! Des adultes se mettent à courir, des femmes à hurler, mais personne intervient ; la vue d'un couteau suffit en général. Et y a déjà un peu de sang sur le mien !

Il essaie encore de m'atteindre avec sa lame de bébé mais son bras est trop court. Je l'attrape par son petit bras et l'amène vers moi pour l'embrocher. Putain, il est rapide ! Il passe derrière moi, se pend à mon cou et essaie de me trancher la gorge ! Mais il a pas le truc ! Je tombe sur le dos et il lâche prise. Bordel de merde, Livaï, je vais te saigner comme un porc ! Je lui taillade le bras et il lâche un tout petit gémissement ; trop petit à mon goût !

Il a le souffle court, et moi aussi, je dois dire. Il a réussi à me surprendre, le couillon. Mais je vais en finir. Je veux plus te voir dans mes rues, espèce de vermine ! Il se met à reculer sur les fesses jusqu'à l'angle de la rue. Il a la trouille, c'est clair, même s'il en a pas l'air ! J'avance vers lui, et tout le monde s'écarte. Je vois les copains se ramener des autres coins de rue et ils se mettent à gueuler comme des enragés, à se marrer, à se moquer. Leur enthousiasme est contagieux ! J'ai jamais tué personne, mais il faut bien que je montre à tous ces lascars que je mérite d'être le chef.

Ni une ni deux, le nain se relève et se met à courir de l'autre côté, en laissant son butin par terre. Où tu vas, Livaï ? Viens me montrer ce que t'as dans le bide ! Je cours derrière lui, en essayant de pas le perdre de vue ; mais il va vite, très vite. J'ai jamais vu quelqu'un courir aussi vite ! Il disparaît, et je m'arrête en me tenant les côtes. C'est ça, que je te revoie plus dans le coin, sale môme ! Pourvu qu'il dise rien à son daron...

La vache, il a quand même réussi à me blesser au cou... S'il avait passé sa lame dans le bon sens, j'étais cuit...

Je retourne en arrière pour rejoindre les autres. Ils me regardent tous avec admiration. C'est bien comme ça, ça leur a suffit. Faut qu'ils s'en rappellent. Et là, y a pas un gros type qui est en train de tripoter Bettina contre le mur d'en face ? Mais il est con celui-là ! Elle a même pas de nichons !


Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant