FAIS CONFIANCE A PERSONNE ! (août 827) Cathrin Dietlinde

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Une nouvelle famille s'est installée il y a deux mois dans le coin ; en fait de famille, ça doit être un homme et son fils

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Une nouvelle famille s'est installée il y a deux mois dans le coin ; en fait de famille, ça doit être un homme et son fils. Ce sont plutôt des mères seules qu'on voit la plupart du temps... Ils ont emménagé dans une des vieilles bicoques des hauteurs, là où mon mari dit que "le plafond est bas". C'est très éloigné de tout et donc peu fréquenté, aussi je me demande s'ils sont pas louches, ces deux-là. Mais après tout, qui peut se vanter de savoir ce que tout un chacun dissimule ? On a tous un passé plus ou moins reluisant ici.

Le père, un dénommé Manfred, est encore à la recherche d'un boulot. Je le croise souvent dans le centre ; soit il boit au bar, soit il fait la tournée des commerces. Il est plutôt grand et bien bâti, il devrait essayer avec la petite entreprise montée par le gouvernement qui fait en sorte d'entretenir un peu le pavement. Peu de chance qu'on l'engage pour tenir un commerce, il a pas la tête de l'emploi. Pour tout dire, il me fait plus penser à un truand qu'autre chose... Enfin, mieux vaut ne pas me poser tant de questions, à partir du moment où il ne fait pas parler de lui.

J'ai vu son gamin faire la manche plus d'une fois. Ca me fend toujours le coeur de voir ce genre de petit être décharné seul dehors, à la merci du premier venu. Il n'y a pas tellement de mendiants ici, beaucoup moins que dans le centre-ville, alors il doit avoir de quoi faire ; je lui ai déjà donné une pièce ou deux. J'espère seulement que ça ne finit pas en boisson dans l'estomac de son père... La prochaine fois, je lui achèterai directement quelque chose à manger. Il est si maigre !

Je n'ai jamais eu le bonheur d'avoir d'enfant à moi, la seule grossesse que j'ai vécue s'est mal terminée. Depuis, plus rien ; et puis, je suis trop vieille pour ça maintenant. Mais les enfants d'ici me font toujours un peu pitié. Je suis pas loin de penser que c'est un peu criminel de les obliger à naître ici, avec comme seules perspectives le vol, le meurtre ou la prostitution. Oh, certains s'en sortent et exercent des métiers honnêtes, mais même parmi ceux-là, y en a peu qui peuvent se vanter de ne jamais avoir exercé quelques temps ce genre... d'activités. Mon mari lui-même... enfin, je ne parlerai pas de ça. Disons quand même que c'est grâce à lui si j'ai jamais été obligée d'aller faire le tapin. Il est chasseur de rats maintenant ; ça paie pas beaucoup mais il manque pas de travail.

Depuis peu, ce qui m'inquiète, c'est que la racaille a tendance à se déplacer par chez nous. On était bien tranquilles avant - le quartier a connu des hauts et des bas -, mais depuis que les brigades spéciales quadrillent le secteur du centre-ville pour tenter d'arrêter ce Kenny l'Egorgeur, ils fuient pour sauver leur peau. Je m'attends à ce que notre quotidien soit bouleversé d'un jour à l'autre par cet afflux de criminalité. J'essaie déjà de ne plus trop traîner dans les rues trop tard, et je fais mes courses rapidement. Peut-être que les prix vont de nouveau chuter, ce serait un moindre mal.

Le petit qui mendie devra faire attention lui aussi, s'il veut pas se faire enlever ou molester. Son père devrait vite trouver un travail et le garder chez lui. Je dis ça, je dis rien ; c'est mon instinct maternel qui parle. J'enverrai mon mari là-haut proposer ses services au père ; une vieille habitation abandonnée depuis des années doit regorger de rats.


Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant