IL PLEUT DES MORTS(avril 832)Erna Gerhild, chef de la garnison souterraine

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Il fallait bien que cela arrive

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Il fallait bien que cela arrive. Il était presque impossible d'éviter cette épidémie.

Après la découverte des premiers cadavres suspects, tout commerce avec l'extérieur a cessé, ceci afin de ne pas contaminer le Mur Sina, qui semble encore miraculeusement épargné. Nous ne connaissons pas encore le moyen par lequel la maladie a atterri dans les bas-fonds, mais les facteurs de risque sont maintenant mieux connus : principalement les animaux errants, et les parasites qu'ils transportent partout avec eux.

J'ai donné des ordres afin que chaque membre de la garnison se tienne prêt. Avec l'aide des chasseurs de rats et de la population valide, nous allons ratisser les quartiers à la recherche du moindre animal susceptible de porter la maladie. Les animaux de ferme ne seront pas inquiétés, mais les chats, chiens, rongeurs en tous genres devront être tués sur le champ et les cadavres brûlés en surface.

La population est d'ores et déjà invitée à sortir le moins possible, et à se couvrir le nez et la bouche d'un masque ou d'un tissu afin d'éviter les contagions. Mais je ne me fais pas d'idées : beaucoup ne suivront pas ce conseil. Le généralissime a demandé un recensement de tout le peuple des bas-fonds, mais la tache reste ardue. Beaucoup sont des criminels recherchés, qui ne prendront pas le risque de se montrer aux autorités. Nous avons répété les annonces pendant des jours à l'aide de porte-voix, au moins, j'ai ma conscience pour moi.

Nous ne pouvons guère faire plus. Les échanges sont arrêtés, plus personne n'est autorisé à sortir ou entrer dans les bas-fonds - y compris nous, les membres de la garnison souterraine. Les denrées vont commencer à se faire rares, et même l'eau de la fontaine - qui provient du fleuve - doit faire l'objet de précautions, car des cadavres auraient pu être jetés ou tombés à l'eau en surface.

Le refuge du quartier ouest a isolé une grande partie de ses pièces afin d'accueillir les malades. Il y en a de tous âges et à tous les stades... Ceux pour qui il ne reste aucun espoir sont dans un état lamentable ; cette saloperie est absolument effrayante... Des bubons et pustules horribles recouvrent leur corps, leur langue est tellement gonflée qu'on doit les empêcher de s'étouffer avec par un tas de moyens insolites... Le pire, ce sont les enfants et les bébés... Il est dorénavant connu que les plus vulnérables sont les jeunes enfants et les personnes âgées... Je ferais en sorte de ne me rendre dans ce mouroir que pour faire enlever des cadavres. Ils sont les seuls à pouvoir sortir des sous-sols, pour finir directement sur le bûcher collectif qui trône en pleine campagne du Mur Sina, loin de tout lieu habité.

Est-ce que je vais finir sur ce bûcher, moi aussi ?

Nous allons devoir tous nous serrer la ceinture pendant un moment... Comment allons-nous manger, je l'ignore encore. Au moins, le peuple ne pourra pas dire cette fois que nous ne prenons pas part à leurs malheurs.

Je commence réellement à me dire que mon destin sera d'être sauvée, ou de mourir ici de cette saleté de maladie, tout comme eux... Malgré ce que j'ai pu penser, dire ou écrire de mal à leur sujet... ils restent des humains que je dois sauver à tout prix. Même les malfrats s'il le faut. J'ai naguère prêté serment sur le coeur de protéger l'humanité, même en donnant ma vie. Que ces gens soient considérés comme la lie de la société ne change rien au fait que ce sont des humains. Les titans ne sont plus nos seuls ennemis. Si le gouvernement peut faire en sorte d'en sauver le plus possible - bien que je sache pertinemment que cela en réjouirai plus d'un de tous nous voir crever -, alors je serai satisfaite ; je pourrais même mourir en paix.

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant