COMMENT DEVENIR UN EXPLORATEUR ?(mars 844)Keith Shadis

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Avant toute chose, il va falloir enseigner les bases à ces trois recrues

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Avant toute chose, il va falloir enseigner les bases à ces trois recrues. Ils n'ont pas connu les brigades d'entraînement, et ils ont beau être habiles en vol - ce dont je jugerai moi-même -, cela ne suffit pas.

Je rentre dans le baraquement qui sert d'ordinaire à enseigner la stratégie, vide à cette heure. Les trois nouveaux sont là, les mains sagement croisées dans le dos, bien campés sur leurs jambes. Mes yeux se posent tout de suite sur le plus petit d'entre eux, le dénommé Livaï, dont Faragon m'a rapporté l'insolence tout à l'heure. Je me doutais que ça ne traînerait pas...

Faragon se tient un peu en retrait au fond de la pièce, dans la même position, en attente. Il espère sans doute que je vais leur faire rentrer du plomb dans la cervelle, à ces trois gamins. C'est exactement mon programme de ce matin. Il faut enrayer toute volonté d'insubordination tant que ça en est là. Je ne sais pas exactement comment Erwin s'y est pris pour les recruter, mais apparemment, ils sont loin de l'état d'esprit requis...

Sauf Church. Lui, il se comporte bien. Il a manifestement le désir de faire bonne impression, mais il n'a pas besoin d'aller jusqu'à se comporter en carpette devant les autres. Je m'arrête devant lui en premier et il se redresse légèrement en faisant claquer ses talons.

Du calme, mon gars. Furlan Church, c'est bien ça ? Essaie de te détendre. Je ne mange pas les recrues ; enfin, pas toujours. Montre-moi comment tu salues. Il tend le bras gauche sur le côté et le replie sur la poitrine, doigts vers le bas, avec sur le visage un air très concentré et sérieux. Ses lèvres serrées démontrent assez son appréhension à l'idée de mal faire. Effectivement, c'est pas fameux, Church.

Regardez bien vous trois. C'est comme ça qu'on salue. Le bras droit replié sur la poitrine, doigts vers le haut, bras gauche dans le dos. Il n'y a que de cette façon qu'on peut montrer sa dévotion à la cause de l'humanité, vu ? C'est ce que font tous les soldats, ceux qui sont destinés à survivre et ceux qui doivent mourir. Et si vous faites parties des seconds, il vous faut effectuer ce salut avec deux fois plus de conviction et d'enthousiasme !

Bien, Church. C'est un beau salut. Tu peux te détendre. J'en ai fini avec toi pour l'instant. Voyons ta voisine, comment elle se débrouille. Magnolia, salue ton major ! La petite tremble tellement qu'elle s'emmêle les doigts et confond ses bras, à tel point que son salut ressemblerait presque à un geste obscène...

Magnolia ! Elle saute littéralement sur ses pieds en poussant un petit gémissement. Je viens de montrer comment on fait le salut, n'est-ce pas ? Elle hoche la tête. Alors pourquoi n'es-tu pas capable de le refaire correctement ? Aurais-tu un problème avec tes oreilles ? Faut-il que je te les débouche !? Ou alors es-tu une empotée tout juste bonne à faire le ménage ? Non, n'est-ce pas ? Salue-moi comme je le mérite. Et rappelez-vous que vous devez me saluer de cette façon chaque fois que vous me croisez ! Trente fois par jour s'il le faut !

Elle se concentre enfin et arrive à me sortir un salut convenable, mais encore perfectible. Encore une chose, Magnolia. Personne n'a besoin de mater vos minuscules nichons ! Alors boutonnez-moi cette chemise jusqu'en haut à l'avenir. Le bataillon d'exploration n'est pas un pince-fesses !

Je vois Faragon s'agiter dans le coin. Me voilà devant Livaï, la forte tête. Qu'est-ce que j'apprends ? Dois-je tolérer qu'une nouvelle recrue sans expérience se permette de parler de haut à son supérieur, alors qu'elle est obligée de se briser le cou pour me regarder dans les yeux ?! C'était un piège, le nain ! Baisse les yeux devant moi !

Il n'obéit pas et continue de me fixer sans broncher. C'est la meilleure, celle-là... Tu sais qui je suis ? Si tu continues de me provoquer, ce sera le gnouf, tu entends ?! Et c'est quoi ce nom stupide ?! Livaï, et puis ? Ta mère a pas cru bon de te dire comment tu t'appelles ou bien tu es trop bête pour t'en souvenir !?

Au moment où je lui lance cette phrase à la figure, je vois un tout petit éclair traverser son oeil droit. Que ?... Qu'est-ce que ça veut dire ? Tu veux me frapper ? Me casser la gueule ? Essaie, Livaï-tout-court ! Prends une chaise avant, ainsi tu auras une chance de m'atteindre !

Church et Magnolia regardent tout deux la scène avec inquiétude. Oui, vous avez raison de vous inquiéter pour votre copain court sur pattes. Je vais lui faire passe l'envie de jouer le mariole avec moi ! On m'appelle "crâne dur" dans l'armée ! Tu veux savoir pourquoi ?

Je me rapproche de lui sans bruit et quand je suis à portée, je lui assène mon célèbre coup de tête fétiche, qui met tout le monde d'accord et qui a remis à l'endroit le cerveau de nombre de recrues. Bon sang, je vois trente-six chandelles ! Je pousse un gémissement malgré moi en titubant vers l'arrière. Faragon se presse pour me soutenir, mais je le repousse. Tu veux quand même pas que je passe pour un tocard devant ces trois-là !?

Ma vue revient petit à petit, et je distingue le petit morveux face à moi. Un tout petit filet de sang coule de son front mais il a pas l'air de le remarquer. Quand le sang atteint son nez, il le remarque enfin et l'essuie machinalement, comme si c'était banal.

Ce nabot a le crâne plus dur que l'acier, ma parole ! Il a même pas bougé d'un millimètre alors que je me tape un mal de chien... Je dois m'être aussi ouvert le front car je sens quelque chose d'humide me couler sur la paupière... De quoi je dois avoir l'air ?!

Je reprends contenance. Je jette un oeil aux deux autres, mais aucun d'eux n'a eu la mauvaise idée de laisser échapper un rire ou d'ébaucher un sourire. Ca vaut mieux pour eux...

Ok, Livaï sans nom, tu m'as bien eu sur ce coup. Mais je peux te corriger de bien d'autres manières, garde-le dans un coin de ta tête ! Elle est diablement dure mais je ferais en sorte d'y faire entrer un peu de bon sens ! J'en ai maté des plus coriaces ! Tu n'auras jamais gain de cause ici ! C'est moi qui commande ! Salue-moi, qu'on en finisse !

A ma stupéfaction, il me sort un salut parfait ; comme si rien ne s'était passé. Tu nous as tiré un sacré numéro, Erwin.

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant