CE CIEL SI BLEU...(mars 844)Isabel Magnolia

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Y a tellement de choses qui me passent devant les yeux que je sais pas quoi regarder !

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Y a tellement de choses qui me passent devant les yeux que je sais pas quoi regarder !

On nous a fait monter dans une grosse charrette couverte en compagnie d'un autre type en uniforme qu'on connait pas. On nous a enlevé les menottes mais je sais bien qu'on est surveillés de près. De toute façon, on irait où ? On sait rien de ces grandes rues larges bordées de jolies maisons fleuries. Aussi loin que portent mes yeux, ces rues semblent sans fin... Ca m'a l'air tellement grand... Je distingue des bâtiments immense au loin... Je me sens écrasée par cette immensité alors que tout paraît plus frais, plus sain et plus joyeux qu'en dessous...

Je regarde les enfants qui jouent sur les trottoirs ou qui tiennent la main de leur mères en sortant d'une boutique. Ils sont bien habillés ; et ils ont pas l'air d'avoir faim. Les couleurs sont si criardes que j'en ai presque mal aux yeux. Ces couleurs-là n'existent pas en bas. Tout y est terne, gris, brun, vert... Ici, les gens portent des beaux habits, et sont coiffés avec goût. Le pavé est tellement propre qu'on pourrait manger dessus. J'avais jamais imaginé qu'un monde si différent suivait son cours juste au-dessus du mien. Et eux, ils savent comment c'est, sous leurs pieds ? Peut-être qu'ils s'en moquent.

Mais je suis très excitée par tout ce que je vois ! Livaï fait semblant de pas s'intéresser - il dit que tout ça lui donne la nausée, les couleurs, la lumière, les bruits - mais je sais bien que c'est pas vrai. Il suffit de choper les coups d'oeil furtifs qu'il lance parfois à travers la fenêtre de la diligence - c'est comme ça que ça s'appelle, notre gardien vient de me le dire. Furlan, lui, semble déjà concentré sur la suite des évènements. Détendez-vous, les mecs, on est dehors ! On va pouvoir faire tout ce qu'on veut, vivre comme des rois ! Ouais, ok, la vie de soldat c'est peut-être pas le paradis, mais ce sera toujours mieux que ce qu'on a connu !

J'ai hâte de sortir pour me dégourdir les jambes. Le soleil tape dur et il faudra éviter de trop s'exposer parce qu'il paraît que ça peut brûler la peau. C'est Fester qui me l'a dit, mais je vois pas comment il saurait... Pendant une minute, je pense à tous nos potes qui doivent nous attendre à la planque... Ca me fait un peu mal... Je demande à Livaï ce qu'il pense qu'ils sont en train de faire. Il me répond à voix basse qu'ils doivent être en train de nous chercher ; ou alors ils ont compris qu'on s'était faits prendre... Ouais, peut-être. J'espère qu'ils s'en sortiront sans nous.

Les oreilles du soldat ne perdent pas une miette de ce qu'on raconte. On doit pas trop en dire ici, et je sais que Furlan ronge son frein. Il voudrait tout de suite mettre en place la prochaine phase du plan, mais il faudra attendre d'être seuls tous les trois. En attendant, continuons de jouer les idiots qui découvrent le monde ; en plus, je suis pas mauvaise à ce jeu, et j'ai même pas besoin de mentir ! Eh regarde, Livaï ! Il y a une grande tour là ! J'en ai jamais vue une aussi immense ! Un grand doooong retentit et je me bouche les oreilles. C'est quoi, ce bruit ? Je crois le reconnaître... Il me semble l'avoir déjà entendu dans les bas-fonds, mais pas aussi nettement. Un chapelet d'autres dong suivent après et je demande au soldat de quoi il s'agit. Il me dit que c'est le grand beffroi royal de Mitras qui sonne seize heures. Je sais pas trop ce que ça veut dire, mais... c'est comme ça que le temps s'écoule à la surface ? C'est génial !

Il nous annonce qu'on se dirige vers Ehrmich, et que là-bas, nous serons pris en charge par les brigades spéciales. Ils sauront pas qui nous sommes, Smith et ses copains auront fait le nécessaire pour que nos traces soient effacées. Lui et son équipe ont filé juste après qu'on nous ai fait monter dans la diligence. Je sais pas où ils sont passés... Furlan s'en inquiète aussi - c'est notre cible après tout - et Livaï rumine de sombres pensées à son sujet. Il est bien évident qu'il l'aime pas du tout et qu'il rêve de le voir crever. Quand l'autre grand blond lui a mis la figure dans l'eau, j'ai bien cru que frérot allait exploser... Il est étrangement calme maintenant, mais faut pas s'y fier. Je vais éviter de prononcer le nom d'Erwin Smith pendant un moment...

Qu'est-ce qu'on va faire à Ehrmich ? C'est une ville ? C'est où exactement ? C'est loin ? Il me dit que c'est à trois heures d'ici et que nous devons y faire une halte afin de vérifier si on est en bonne santé. Comment ça ? On va nous... comment on dit... ausculter, c'est ça ? C'est nécessaire avant de pouvoir entrer dans un corps d'armée, qu'il dit. Et comme on vient des bas-fonds, on peut avoir des maladies. Ah oui, c'est pas faux. Mais moi, je pète la forme, mec !

Et après, il se passe quoi ? On dormira à la caserne d'Ehrmich et après on filera d'une seule traite au quartier général du bataillon d'exploration. Il faudra traverser le Mur Rose et la ville de Trost, puis parcourir les plaines du Mur Maria. Une bonne trotte, quoi. Moi qui voulais voir du pays, je suis servie ! C'est cool, les gars, non ? On va bien s'occuper de nous ! Dites m'sieur, y aura de quoi manger à la caserne ? Il me sourit timidement - je crois qu'il m'aime bien même si mes questions doivent l'ennuyer - et me répond qu'il y aura sans doute de quoi souper pour nous trois.

Je lui pose encore des tas des questions mais je comprends que la moitié de ce qu'il me dit. Je pense que j'essaie de tromper un peu mon angoisse à l'idée de pas m'y retrouver... Tout à l'air tellement nouveau, tellement grand et compliqué... Bah, je vais me laisser porter, comme d'habitude, et puis Furlan et frérot sont avec moi, je risque rien ! Eux, ils sauront quoi faire.

On s'arrête un moment et un autre garde vient contrôler la diligence. Notre gardien lui montre des papiers en règle, et on nous laisse passer. Je veux me pencher par la fenêtre pour voir ce qui se passe, mais mon nouveau copain me demande poliment de ne pas faire ça. Il nous annonce que nous passons actuellement le poste de garde du Mur Sina et que nous entrons dans Ehrmich.

La première chose que je vois ce sont les cavaliers ; il y en a des dizaines autour de nous, comme si les gens d'ici étaient pas capables de marcher sur leurs guibolles. Ca sent fort l'odeur des bêtes et les chevaux sont vraiment très beaux et très gros, rien à voir avec les carnes que je connais ! Y a l'air d'y avoir pas mal de soldats dans le coin, je comprends pourquoi on nous laisse ici ; peu de chance de filer en douce avec toutes ces patrouilles...

La diligence stoppe devant un bâtiment qui semble tout petit comparé aux autres. Des soldats viennent ouvrir la porte et nous menotter de nouveau. Mais ! pourquoi ? C'était bien comme ça, on sera sages, m'sieurs ! Furlan me donne une bourrade et me dit de me tenir tranquille. Il me montre Livaï du menton, qui donne gentiment ses mains sans discuter. Il a compris que ça servait à rien de protester. Ok, j'ai compris, je la boucle.

Pendant qu'on m'entrave les mains, je regarde autour de moi. On voit bien qu'on a... changé de Mur, le décor est pas aussi clinquant que de l'autre côté. Le ciel n'a plus la même couleur, et je crois que ça veut dire que le soleil va se coucher car il va bientôt disparaître derrière le Mur. On voit bien plus de soldats que de simples citoyens par ici. Y en a un qui nous regarde avec un drôle d'air, en reniflant, avant de passer son chemin. Eh, je pue pas autant que toi, bourrique ! C'est ça, te retourne pas ! Tu parles à une future exploratrice, là ! Alors un peu de respect !

J'ai tellement hâte d'aller me promener un peu partout dans la ville. Je demande à mon pote si on pourra aller se balader. Il tousse un peu, l'air gêné, et me réponds que nous sommes encore officiellement en détention, et qu'il y a peu de chance que nous soyons libres de nos mouvements avant un petit moment. Ah bon ? C'est pas juste ! On va signer vos papiers pour entrer dans le bataillon - bon, je sais pas écrire, mais je ferais une croix - et après vous nous donnerez nos papiers de citoyens. Pas vrai ?

Il me répond qu'il en sait rien, car c'est la première fois que des gens comme nous sont enrôlés dans l'armée à sa connaissance. Très bien, on verra. Au fait, m'sieur... comment tu t'appelles ? Moi, c'est Isabel. Il me sourit de nouveau, et pendant qu'il remonte dans la diligence qui refait route vers le Mur Sina, il me dit s'appeler Volker. Ok, Volker, merci pour la balade et le cours de géo. Mmh, j'ai pas tout compris mais je vais essayer de rien oublier ! On se reverra peut-être !

Il me dit juste avant de partir que si on est pris dans le bataillon d'exploration, il y a peu de chance qu'on se revoit. Eh, ça veut dire quoi, ça ?

Qu... qu'est-ce qu'il a voulu dire par là ?...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant