LES ENFANTS DE LA PESTE(octobre 833)Clemens Dierk

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Les travaux ont brusquement cessé

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Les travaux ont brusquement cessé. L'entrepreneur est en bisbille avec le mécène, et on est déjà en train de se dire que ça reprendra pas de sitôt. Le quartier est et le centre-ville sont rénovés, et on était prêts à attaquer l'ouest quand cette tuile est tombée.

La milice Rovoff ne nous a pas expulsés de nos logements, Bastian est venu lui-même nous assurer que nous pouvions continuer d'y vivre. Moi, ça me va. Mais il va falloir trouver très vite une nouvelle source de fric. Furlan pourra pas y couper cette fois.

Un important marchand de la surface a ouvert une boutique dans le quartier est, maintenant qu'il juge le coin plus fréquentable. Faut pas se fier aux apparences, mon bon monsieur ! Les livreurs passeront pas loin d'ici, on aura qu'à tendre des embuscades et leur piquer leur chargement. Ensuite, direction le marché noir. On s'arrangera pour le monter dans un autre quartier, peut-être au nord, là où plus personne ne va. Les pauvres gens des bas-fonds se passeront le mot, et on se fera une bonne clientèle.

La première opération commencera dès demain matin. Faudra essayer de pas abuser, histoire que le marchand en ait pas assez et ferme boutique. Au pire, on se concentrera sur une autre.

L'idée de ce marché parallèle est aussi une idée de Furlan, mais il faudra demander l'aide d'autres gangs pour que ça fonctionne bien. Quand on veut pas se faire dénoncer, le mieux est de coopérer. Je m'inquiète pas trop pour la milice Rovoff ; j'ai l'impression que ça leur déplairait pas. Je soupçonne de plus en plus ces crapules de magouiller dans leur coin, mais tant qu'ils me marchent pas sur les pieds...

Je suis en train de parler de l'opération avec mes petits soldats devant un verre dans le bar du quartier est. C'est presque notre base d'opération maintenant, le gérant fait même plus attention. Faudra que je pense à lui faire des prix sur la marchandise... Fester, Gernot, Hagen... Il manque Egon, Furlan et Josef. Qu'est-ce qu'ils font ? Ils sont sur un coup ? Ca m'étonnerait, surtout de Furlan ; et il traîne rarement avec Egon.

J'entends un fracas de verre brisé et des cris dans la rue. Des cris de femme. Qu'est-ce qui se passe ? Venez les gars !

Je sors en trombe du bar et je tourne le coin de la rue. A quelques pas, il y a le bordel. Je vois des couples de rupins venus de là-haut qui s'écartent en courant. J'emmène ma petite troupe voir ce qui se trame. C'est pas que je me prenne pour la milice, mais je suis curieux.

Il se passe quelque chose devant le bordel. Je vois une chaise renversée sur le pavé devant le bâtiment et une fenêtre pétée. Une fille - une pute probablement - se fait traîner par terre par un type passablement éméché ; c'est elle que j'ai entendue crier. Quel âge elle doit pas bien avoir ? Elle a l'air bien jeune... Je plisse les yeux... C'est là que je reconnais Egon. Il tient la fille par le poignet, une bouteille dans l'autre main et tient des propos insensés.

Il est balèze, Egon. Il fait presque deux fois ma taille et mon poids. Tout le monde s'écarte sur son passage. Une silhouette qui paraît fluette à côté lui saute sur le dos mais est rejetée violemment en arrière. C'est le petit Furlan. Il se frotte le bras, il a dû se faire mal.

Bon, c'est pas tout ça, mais la milice Rovoff aime pas trop le grabuge, ça fait fuir les touristes et les honnêtes gens. Et comme ce drôle totalement bourré fait partie de mon groupe, je me sens responsable. Il va falloir que je l'arrête. Les gars, donnez-moi un coup de main.

Je vois qu'ils sont pas très chauds. Je m'y colle tout seul dans un premier temps. Je parle à Egon, lui demande de se calmer et de lâcher la fille. Il me sourit de toutes ses dents - il lui en manque deux - et l'attrape par les cheveux. La gamine piaille pitoyablement et se met à pleurer. Ah, non, ça va pas ça, c'est pas notre genre... Egon, tu fais chier ! Je vais te casser la gueule pour le compte !

Je relève mes manches et profite qu'il tourne la tête pour lui coller une bonne droite. Mais il doit pas être si saoul que ça car il réussit à attraper mon poing et à me tordre le bras. Je serre les dents et je lui fauche les jambes. Il tombe à la renverse, et j'en profite pour lui saisir le col et le secouer. Tu vas reprendre tes esprits, oui ?! Tu veux qu'on ait des problèmes ou quoi ?!

Il se redresse à demi et me flanque un monumental coup de boule qui m'envoie voler au loin. La vache ! J'y vois plus rien ! Furlan coure à mes côtés et tente de me relever. Dans un vague brouillard rouge, je distingue les autres qui ont sauté tous en même temps sur Egon pour le stopper. Mais il a l'air d'un vrai titan à côté d'eux, et il semble dans une telle fureur... Furlan, qu'est-ce qui s'est passé ? Tu sais quelque chose ? Il regarde la scène, un peu pétrifié... Comme s'il se considérait comme responsable...

On est tous hors combat. Egon a repris la fille et personne ne s'interpose. Et la milice, elle fait quoi ? Arrêtez-le, bordel ! Furlan me relève mais je suis pas en état. Je peux juste lui gueuler d'aller trouver la milice. Il est en train de s'éloigner en courant quand il se produit quelque chose d'inespéré.

Egon semble tout à coup assommé par une force phénoménale. Je vois sa masse partir sur le côté et s'étaler sur le pavé. La fille est toujours là, à pleurer, et une bonne âme se risque jusqu'à elle pour la mettre à l'abri. Je vois pas très bien ce qui se passe. Je me rapproche en clopinant. Je distingue alors ce qui l'a frappé de plein fouet.

C'est Livaï.

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant