Isabel a beau se mettre dans les pires ennuis, il est pas question que je laisse un des nôtres se faire tabasser sans réagir. Je sais très bien où aller pour régler ça. Et ça tombe bien, j'ai les nerfs.
Tandis que j'avance jusqu'au centre-ville, je ne peux m'empêcher de me dire que Furlan a pas tort. Les bas-fonds sont devenus invivables. Ce qu'il a dit à propos du gaz est juste, le temps nous est sans doute compté. Et quand on ne pourra plus voler, les jours vont devenir encore plus moroses...
Mais son plan est risqué. On ne sait pas ce qui peut nous attendre dans le bataillon d'exploration, ce qu'on nous demandera de faire. Et trouver les papiers que Rovoff veut par-dessus tout pourrait nous prendre des années. Et en imaginant qu'on les trouve, au vu de notre passé, on sera sûrement surveillés de beaucoup trop près pour pouvoir s'enfuir...
Pourquoi j'essaie de trouver des prétextes ? Est-ce que je me voile pas la face ? Il a raison, c'est la chance de notre vie. Mais il est hors de question que je me rende sans me battre. Et puis... c'était peut-être des bobards, ce plan de capture dont Rovoff nous a parlé.
Et pourtant... je peux pas m'empêcher d'avoir un peu la trouille de me risquer de nouveau dehors avec le harnais. J'ai repoussé encore et encore la perspective d'un nouveau raid, mais je vais pas pouvoir continuer longtemps ; faut bien qu'on croûte... J'aime pas avoir peur, surtout quand la menace est pas claire...
Enfin, ceux sur lesquels je vais me défouler sont bien réels et ça me changera les idées un moment. Ils vont pas apprécier... A tout prendre, si on ne doit plus disposer de gaz à l'avenir, autant que ça se fasse au plus vite. Et peut-être que, si on cesse de faire parler de nous comme les voleurs volants, ces cinglés du bataillon lâcheront l'affaire. Ouais, rester discrets quelques temps, c'est une bonne idée.
Mais d'abord, rappeler à ces lascars qui commande, ici. Leur patron finira peut-être en prison, mais moi, je suis bien là et il faut qu'ils s'en souviennent.
Je sors mon couteau et le cache, replié contre mon bras, la lame vers l'arrière ; je laisse pendre quelques doigts pour donner l'illusion que je tiens rien dans la main. Technique de Kenny. Je mets l'autre dans ma poche, dans un style décontracté, et je m'approche de la bande qui garde l'escalier.
Je lève les yeux et me remémore le jour où je l'ai gravi pour la première fois, il y a quelques jours. Ma vue se trouble un instant et j'ai la sensation intense et particulièrement claire que je le monterai de nouveau... Mais non, c'est juste le temps qui se fige de nouveau et laisse mes futurs adversaires comme immobiles devant moi. Ils sont toujours si lents... mais minuscules. Pas comme les ennemis grimaçants et déformés que je tue dans mes cauchemars en ce moment.
Ces ennemis titanesques qui finissent par me saisir et me dévorer, à chaque fois, juste avant que je me réveille.
Ceux-là sont de la rigolade. Le premier me reconnaît et se rue sur moi avec trop d'imprudence. Je bondis en avant, et je brandis le couteau au dernier moment pour l'enfoncer dans sa poitrine . Il tombe comme un sac de pommes et je me tourne vers l'autre, dont les contours se sont faits plus nets. Je lui balaie les jambes et il s'étale par terre ; je lui saute sur le dos et tourne sa tête violemment sur le côté. J'entends le bruit que font ces os brisés de très loin, comme si j'étais réellement dans un autre monde que le leur. Et c'est un peu vrai.
Les autres, dont ceux que j'ai déjà vus à la poursuite d'Isabel il y a longtemps, reculent devant moi en levant les mains. Non, non, faites-moi le plaisir de m'attaquer, j'ai de l'énergie à dépenser. Même si je suis pas d'humeur à tuer, il faut bien que je l'utilise. Essayez, au moins. Si vous l'osez...
Ils posent leurs couteaux et leurs matraques à terre et quelques-uns se carapatent dans le noir. Les battements de mon coeur se calment et mes sens amplifiés reprennent leur acuité normale. Je leur balance que c'est pour l'honneur d'une certaine fille au cheveux roux que je suis venu. Si vous êtes intelligents et si vous vous comportez bien, il se peut que j'ai plus à revenir, vu ? Les yeux qui leur sortent de la tête en disent assez long ; ils ont compris. J'en reviens pas de faire la leçon à ces nazes.
Aucun n'est de taille contre moi. Bordel, j'ai horreur des faibles... Les vrais, ceux qui s'en prennent aux plus faibles qu'eux. Isabel n'est pas faible, elle a juste peu de jugeote. Si on ne l'avait pas recueillie parmi nous, je ne lui aurai donné que peu de temps à vivre dans les bas-fonds.
J'essuie ma lame sur un linge qui traîne et le cache dedans. Puis je prends le chemin du retour à la planque.
C'est pour ça que je peux pas accepter ce plan, Furlan. J'ai confiance en vous, mais je sais que je suis aussi plus fort que vous, et que je pourrais pas vous protéger dans un environnement nouveau que je connais pas. Ici, rien ne pourra jamais me surprendre, je peux contrôler les choses et les faire tourner à ma guise. Mais là-haut, je ne sais pas ce qui nous attend. On sera livrés au bon vouloir d'individus inconnus aux intentions qui nous dépassent.
Ca me fait flipper, ouais. Et ça fait très longtemps que ça m'est pas arrivé...
VOUS LISEZ
Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]
FanfictionL'histoire de Livaï comme vous ne l'avez jamais lue. Le personnage le plus populaire de L'Attaque des Titans, le soldat le plus fort de l'humanité... Qui est-il vraiment ? Qu'a-t-il dans le coeur ? Qu'est-ce qui a fait de lui ce qu'il est ? Je me su...