UN GARCON MANQUE (janvier 830) Bettina Jördis

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Je ne pensais pas que ça me ferait autant de bien de revoir Livaï

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Je ne pensais pas que ça me ferait autant de bien de revoir Livaï. La dernière fois que je l'ai vu, il avait l'air si effrayant !... Avec tout ce sang sur lui... Il avait l'air tellement perdu, je serais allée le voir s'il me faisait pas si peur... Il a vite filé pour que la garnison le cueille pas en pleine confusion. Depuis, je ne l'avais pas revu.

Apparemment, il est revenu dans le centre-ville, comme moi. Peut-être que ce quartier nous tient à coeur, à tous les deux. C'est là que je l'ai rencontré la première fois. Ca me fendait le coeur que Jochem et ses copains lui fassent la vie dure... Mais j'avais pas tellement mon mot à dire.

Le grand type que je voyais souvent avec lui semble avoir disparu, tout comme Jochem. Je peux pas dire que j'en suis malheureuse, Jochem a pas toujours été gentil avec moi. A quoi je m'attendais ? Je faisais partie de la bande et il me traitait pareil... Enfin, pas tout à fait, c'était un moyen de me préserver ; même si les autres se gênaient pas pour me tripoter à l'occasion, aucun a osé aller plus loin, parce que je lui appartenais.

J'ai très vite compris comment les hommes marchaient. Quand ma saleté de mère adoptive - plutôt ma tutrice, cette rombière a jamais été ma mère - a finalement accepté de me laisser partir de la maison après m'avoir exploitée toute mon enfance pour toutes les taches ménagères, il a bien fallu que je me frotte à l'ambiance du lieu. Je l'entends encore me dire "tu seras une traînée si tu te trouves pas un mari pour t'entretenir, petite garce !" Ce qui est sûr, c'est que je deviendrai jamais comme elle, plutôt crever.

Faire le tapin, j'avais rien contre, mais c'était pas reluisant... Dans les bas-fonds, une femme peut difficilement avoir un travail honnête sans risquer sa vie tous les jours. Il lui faut un bonhomme pour l'épauler et la protéger en cas de besoin. J'avais que deux choix finalement : vendre mon corps contre de l'argent et dépendre des hommes, ou me marier et dépendre des hommes tout autant. Je voulais me prendre en charge alors j'ai cherché une autre option.

Je me suis mise à la cambriole. Y avait bien des plumeurs - les plumeurs, ce sont les types qui vous coincent quelque part pour vous demander de vous déshabiller et vous tripoter, voire plus, c'est comme ça qu'on les appelle - mais je courais vite. J'en ai dévalisé plus d'un.

Je voulais passer inaperçue, mais mes cheveux, longs et roux, me trahissaient ; alors je les ai coupés. Comme ça, je passais plus pour un garçon ; et puis j'ai toujours eu des petits seins, ça faisait mon affaire. Même si Jochem se foutait toujours de moi à cause de ça.

Joch m'a ramassée un de ces matins, alors que j'étais aux prises avec un plumeur un peu trop violent. Il lui a collé une rouste, et du coup... je suis partie avec lui. J'étais seule, pas jolie du tout, alors quand ce garçon que je pensais serviable m'a regardée, je me suis sentie revivre. Je pensais pas à l'époque que j'allais faire partie d'un des gangs les plus en vue des bas-fonds.

Joch m'a jamais frappée, mais j'ai vite compris que je devrais payer ma place autrement qu'en ramenant ma part de butin. Mais c'était pas grave, je pensais être amoureuse de lui, à un âge où c'est normal de penser à ça. Et puis, il laissait pas les autres m'approcher. Coucher avec lui pour éviter de le faire avec tous les autres, c'était pas si cher payé. Et puis... c'était pas si mal. Non, pas mal du tout, même s'il était un peu brutal parfois. Jochem a été le seul. Je suis pas comme ces salopes qui le font avec n'importe qui et pour n'importe quoi ! J'ai ma fierté.

Depuis que la bande s'est fait coffrer, je sais pas trop où aller. Je sais bien que si je me fais attaquer, j'aurai plus personne pour me venir en aide, mais je vole toujours. J'ai juste plus les mêmes méthodes, je me comporte vraiment comme un garçon. Je joue plus les aguicheuses dans le but de voler, c'est trop dangereux. Ca garantit pas ma sécurité, mais les garçons se font quand même moins choper par les pervers.

Mais je suis pas habituée à la solitude. Je me suis trouvée un abri dans l'est du centre-ville, et je fais gaffe que personne le découvre. Livaï doit ressentir la même chose depuis que son père est parti. Ah non, c'est vrai, il m'a dit aujourd'hui que c'était pas son père, mais un genre de tuteur.

On a beaucoup parlé. Lui surtout. Ca se voyait que ça le démangeait. J'espère qu'on se marchera pas dessus pour la cambriole... On a le même secteur après tout. J'aimerais bien le revoir en tout cas, on ira boire des coups ensemble !

Finalement, il est pas du tout effrayant... et plutôt beau garçon même s'il est pas très grand ! On a le même problème, je manque de poitrine et lui de hauteur, ha ha ! On doit être faits pour s'entendre !


Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant