QU'EST-CE QUE TU AS, MAMAN ? (mai 821) Detlef Eberhard, un marchand

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Les affaires ne vont pas si mal depuis un mois. Je me suis installé dans ce quartier qui commence à se repeupler, et je me suis fait un petite réputation déjà. Je vends à bas prix les produits de première nécessité, donc forcément, les plus pauvres y trouvent leur compte. Mais je me refais largement sur les quelques produits de luxe que je fourgue : les pâtisseries, le thé, le sel, la farine, le sucre... Le pain d'ici est vraiment pas fameux, les fours rares, et quand j'en fais une fournée, les clients affluent. Avec le temps, ce quartier pourrait devenir accueillant ; les membres de la garnison se fournissent déjà chez moi, ils vont peut-être rouvrir un poste ici.

Non, vraiment, ça pourrait aller plus mal.

Il suffit de voir que les catins pullulent de nouveau. Elles se pavanent à l'air libre, leurs jupes troussées sous la ceinture, en hélant les hommes qui passent. Y'en a une belle, là... Une blonde aux yeux bleus qui doit pas avoir plus de dix-sept ans... Elle se plante souvent juste en face de mon étal. Celle-là, je lui offrirais n'importe quoi pour un peu d'amour ! J'irais peut-être la voir, un de ces soirs. Si la garnison se pointe dans les parages, elles auront intérêt à faire profil bas. Enfin, je me doute bien que certains font partie des clients...

J'en vois de toutes sortes, de clients. Il y a une semaine, j'ai eu droit à un couple de richards ; la femme avait une voilette sur la tête et l'homme une canne qui a elle seule aurait valu qu'on lui coupe la gorge. Qu'est-ce qu'ils font ici, ces touristes ? Ils viennent chercher le grand frisson au contact de la plèbe ? Ils m'ont demandé de leur indiquer un bon "salon" où se rincer le gosier en bonne compagnie, du coup je leur ai parlé du troquet sur la grande place. Je sais pas trop ce qu'ils voulaient dire par "salon", mais bon...

Et puis, il y a les plus indigents. Comme cette femme et son môme qui viennent une fois toutes les deux semaines. Avec ce qu'ils achètent, m'étonnerait qu'ils puissent tenir deux semaines... à moins de picorer. Quand on voit la mine du gamin, on se doute bien que ça mange pas tous les jours, chez eux. Mais elle aussi fait peine à voir ; ses yeux cernés et son teint jaunâtre ne laissent pas moins deviner qu'elle a dû être très belle. Mais la beauté est pas épargnée dans les bas-fonds, elle passe vite, comme la jeunesse.

Ils se contentent de peu, les produits les moins chers, mais le petit vient parfois tout seul. Il aurait bien besoin d'un bon coup de peigne, mais il m'a l'air assez propre sur lui. J'essaie d'être gentil, mais c'est dur de lui arracher un sourire. Ou un merci. Une fois je lui ai demandé comment allait sa mère, mais il a pas répondu, juste baissé la tête. Pas sûr s'il s'est mis à chouiner, mais à l'avenir, j'éviterai de poser des questions embarrassantes. Ce môme et sa mère adorent le thé noir visiblement, et quand il peut, il m'en achète une boîte.

Je sais pas, il me fait de la peine... Je lui en offrirai une un de ces jours. Juste pour voir un sourire sous cette tignasse de cheveux noirs.


Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant