POURQUOI TU M'ABANDONNES ? (février 829) Jochem Lamprecht, chef de bande

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Est-ce qu'on se serait fait repérer ? On est pas à l'abri des officiers qui se prennent pour des héros, mais

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Est-ce qu'on se serait fait repérer ? On est pas à l'abri des officiers qui se prennent pour des héros, mais... Y avait un peu de marchandise répandue par terre dans la remise. Qui s'est glissé ici pour se tirer aussi sec sans que personne ait rien vu ?

Y a bien cette planche qui manque au fond... Aucun officier aurait pu se glisser par là. Je vais ordonner qu'on barricade la remise mieux que ça, tout de même, on sait jamais. Peut-être des gosses qui sont venus s'amuser ici. Je veux pas de rats pour me chiper ma mine d'or ! Si j'en chope, je les cloue au mur !

On a attiré un mouflet hier en lui disant qu'on avait des bonbons à lui montrer et que si il en voulait, il devait y mettre le prix. Le fabricant fait ce qu'il faut pour maquiller l'odeur chimique de la poudreuse ; ça sent la praline, et on en trouve pas dans les bas-fonds... Le gamin y a pas résisté et il a filé la moitié de son pognon. Il ira le dire à ses copains. Une fois qu'on aura une bonne clientèle, on baissera un peu les prix, histoire de s'en faire plus.

On est pas le gang le plus grand ou le plus riche des bas-fonds, il reste les gros bonnets indétrônables depuis des années ; certains existent même depuis cent ans. L'un d'eux s'est fait démonter il y a quelques années, pour trafic d'armes et complot contre le roi, je crois. Mais ce qui marche le mieux, c'est la contrebande ; les pauvres des taudis se jettent sur les marchandises de première nécessité à bas prix, et même les bordels ou troquets réguliers crachent pas dessus.

Mais personne refourgue de la dope. Le fabricant lui a pas encore donné de nom, à cette merveille, il veut s'assurer que ça marche avant de la baptiser. Et d'en envahir les trois murs. Il a de l'ambition, j'aime bien.

Je me tâte pour engager un type qui surveillerait la remise la nuit. Ca serait un bon investissement. Du coup, je décide d'aller prospecter en ville, voir si je peux pas dégoter un gros bras. Je prends Parsifal avec moi, avec lui je me sens tranquille. Les autres restent à la planque, à fumer ou roupiller. Ah, le boulot d'un chef n'est jamais terminé !

Une silhouette s'enfuit pas loin de nous. Je pense la reconnaître ; ouais, je reconnaîtrais ce physique de minus entre mille ! Pourquoi faut-il toujours que ce nabot se retrouve sur mon chemin ?! Il cherche vraiment les emmerdes ! Il a déjà estropié quelques-uns de mes gars, il a pris la confiance !

Attends, il serait pas en train de nous espionner ? Qu'est-ce qu'il faisait là, à nous reluquer ? Il se prend pour un soldat ou quoi ?! Merde, je viens de faire la soudure : hier soir, dans la remise... la toute petite ouverture, la poudreuse répandue... la fuite... Cette fouine a décidé de se mêler de ce qui le regarde pas... Putain de merde, il serait bien capable d'aller nous dénoncer à la garnison ! Comment on a pas pu faire gaffe !? A force de constamment observer les garnisons en patrouille, on a oublié que d'autres problèmes pouvaient se pointer ! Celui-là, c'en est un ! Après tout, s'il pouvait nous faire coffrer, je suis sûr qu'il se gênerait pas ! Il a peut-être déjà tout balancé !

Parsifal, on suit ce rat ! A distance, sans se faire voir. Il court très vite, la salaud. Mais il va falloir le coincer ! Là, je le vois, en haut de la rue en pente qui monte vers les hauteurs du quartier. Il observe les environs. Planque-toi ! Avec ta carrure, il va te voir comme une verrue sur le cul d'une catin ! Il reprend sa route ; parfait, on le suit.

Il va vers la zone à moitié abandonnée, là où les piliers de pierres sont les plus épais. Il a peut-être une planque là-haut. Minute ! Et son paternel, il est où ? C'est peut-être pas une bonne idée d'y aller comme ça... Enfin, Parsifal pourra peut-être lui tenir tête ; peut-être... Au pire si ça tourne mal j'aurais qu'à filer. Le nabot entre dans une masure délabrée. Est-ce qu'il est seul ?

Oh et puis merde, j'aurai dû me débarrasser de lui bien avant ! Je vais réparer mon erreur, même si Parsifal y laisse sa peau ! Démolis la porte, avec ton épaule, tes pieds, ce que tu veux !

Elle tombe par terre. Le morveux est là, son couteau à la main, prêt à en découdre. Il a dû nous entendre arriver. Il le tient plus de la même façon, son couteau... mais ça empêchera pas Parsifal de l'aplatir. Apparemment, son père est pas là, ça tombe bien ! Et si on s'amusait ?

Parsifal essaie de l'attraper mais il se glisse sous la table et essaie de se tirer par une fenêtre. Je lui attrape les chevilles et je tire comme un dingue ; il veut pas céder. Tu sais que tu joues ta vie, là ?! Il se retourne comme un chat, saisi son couteau qu'il a entre les dents et m'entaille le poignet, le connard ! Je le laisse tomber par terre et Parsifal se rue sur lui. Livaï lui envoie un coup dans les roubignoles - on le croirait pas capable de taper si fort - et Parsifal se met à se dandiner, comme un idiot.

Ignorant que j'ai mal, je lui saute dessus, et lui colle ma lame contre la joue. Je vais te défigurer avant de te tuer, salaud ! Fallait pas te mêler de mon business ! Quand ton paternel reviendra, il en tombera raide mort tellement tu seras moche ! Mais il me crache dans l'oeil ! La seule chose qui retient sa lame loin de mon cou, c'est ma force supérieure. Garde le bras bien tendu, Joch, même si tu vois rien, sinon il va te planter ! Je sens son petit genou pointu dans mon estomac tandis qu'il me renverse sur le sol. Depuis quand il peut faire ça, lui ?! Cette demi-portion !? Pendant une seconde, je sens mollir son bras armé ; comme s'il hésitait à frapper...

Et puis plus rien. J'ouvre péniblement les yeux : Parsifal se débat sur le sol avec le petit rat. Il est déchaîné, et le gros a bien du mal à le plaquer. Tu veux jouer à qui a la plus longue ? Ok, prends ça ! Je lui envoie dans les yeux une poignée de poudreuse - j'en ai toujours une bourse dans ma poche - et il se met à tousser en se frottant les yeux.

Alors, Livaï, c'est de la bonne ? T'en veux encore ?

Je lui attrape le cou et le remets à terre, mon couteau prêt à en finir cette fois. C'est là que je sens une grosse main se poser sur mon épaule ; je crois que c'est Parsifal et je grogne en le repoussant, mais cette main m'empoigne par le col, me soulève et me jette dehors. Je retrouve mon équilibre tant bien que mal et je constate que Parsifal est là lui aussi, en train de se frotter le front ; il a dû se cogner par terre.

Je me retourne et je vois le paternel de Livaï se découper dans l'encadrement de la porte. Il est tellement grand... et semble pas réellement furieux. Il fait rien d'autre que nous regarder sans rien dire, y a que ses yeux froids qui nous quittent pas une seconde. Y a un truc bizarre dans ses yeux : une conscience totale de sa force mais aussi une joie perverse à ne pas l'exercer. Et aussi... de la pitié ? Il pense peut-être qu'on en vaut pas la peine. Mais qui est ce type ? Si c'était son père, il nous aurait flanqué la raclée, non ?

J'ai pas envie de tenter ma chance, et je me mets à courir vers la planque. Je me fous se savoir si Parsifal suit ou pas. Il est tellement con qu'il pourrait vouloir se battre avec ce monstre. On aurait pu tuer Livaï, oui, mais lui... Son regard me glace encore d'effroi. Ca faisait longtemps que j'avais pas eu aussi peur.

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant