Clem voulait qu'on commence à mettre en place notre système de revente d'articles volés, mais j'ai réussi à l'en dissuader. Ca me paraît pas le bon moment, y a encore trop d'activité dans le coin pour s'y risquer. Et puis, on touche un salaire, pourquoi trop tenter la chance ?
Après la mort d'Ilsa, maman a fini par succomber aussi, peu de temps avant que le remède contre la peste ne soit administré dans les bas-fonds. Papa et moi, on a échappé par miracle à la mort. Mais ça a pas réussi à mon vieux. Il s'est fait coincer par une bande de truands pour les quelques sous qu'il avait sur lui, et ils l'ont tué. Son corps a été retrouvé quatre jours plus tard... Echapper à la peste pour finir comme ça... J'en reviens toujours pas...
Je suis tout seul depuis. Enfin, il y a bien mes copains, qui sont eux aussi restés en vie. Clem était déjà un peu notre chef, avant tout ça. On a reformé un genre de petite famille, même si je les suis pas dans tous leurs délires. Travailler sur le chantier s'est tout de suite imposé ; même si je suis pas particulièrement costaud,je me débrouille.
On vit tous ensemble dans une grande maison en belle pierre dans le quartier est. Apparemment, le gouvernement est prêt à les louer pour presque rien aux ouvriers. Ca me paraît un peu bizarre ; on m'a toujours appris que dans la vie, on a rien sans rien. Mais autant en profiter.
La truanderie, c'était pas mon destin. Mais il ne restait plus rien de ce que mes parents avaient construit, alors j'ai dû tout recommencer de zéro. J'ai bien dit à Clem que je voulais bien être son comptable et son scribe, mais pas de meurtre, que je lui ai dit ! Ou alors, seulement si y a pas le choix... Il a accepté tout de suite. C'est un bon gars, Clem, pas le genre à vous dégommer pour un regard de travers. Il a parfois des mots avec Egon mais ça dure pas. On a tous besoin les uns des autres. Et puis on s'amuse bien parfois !
Je suis le plus jeune de la bande mais je suis bien intégré. Personne me cherche de noises, et de toute façon, Clem l'accepterait pas. Mes talents sont trop précieux, ha ha ! Je sais lire, écrire et compter - c'est papa qui m'a appris -, trois avantages qui se font rares par ici et très utiles pour des truands. De toute façon, je fais toujours en sorte de me trouver loin des ennuis quand ils se pointent. J'ai le flair pour les sentir venir.
Une nouvelle fontaine avec une pompe toute neuve vient de sortir de terre dans le quartier est. Les rues sont mieux éclairées aussi. Je me demande qui paie pour tout ça... et nous paie, nous aussi. Ca doit être un chic type. Il a assez d'argent pour tout rénover ? J'ai du mal à le croire...
Quand les copains vont au nouveau bordel, je les accompagne pas. Pas que ça m'intéresse pas, mais... je trouve cet endroit un peu sordide. Ils ont l'air de s'y éclater, ils sont toujours saouls et souriants quand ils en reviennent. Je m'amuse plus sur une bonne partie de billard ! Les jeunes d'ici ont vite appris à y jouer. C'est un sport de riches, il paraît. Je me défends bien.
Quand le centre-ville aura aussi été rénové - on est dessus en ce moment -, des commerces réouvriront. J'ai entendu dire que Nicolas Rovoff, le nouveau taulier des bas-fonds, a réussi à négocier avec l'entreprise Reeves pour que ses marchandises descendent jusqu'à nous. Mais à tous les coups, les prix seront élevés, on aura aucun mal à concurrencer une fois qu'on aura mis la main sur ces produits. Mais je l'ai dit à Clem : il faudra pas voler trop souvent sinon ils refuseront de continuer à commercer ici, et on aura plus rien d'autre à faire que de se remettre au vol à la tire. Avec les rupins qui viendront se promener dans le coin, on aura de quoi faire.
On a de bons contacts avec la bande à Rovoff, et le chef, Bastian. Mais ça veut pas dire qu'il serait prêt à nous laisser monter et à avoir les papiers gratuitement. Là dessus, y a rien à faire. Je sais que les modalités de passage ont été modifiées, mais c'est un ordre du patron, qu'il a dit. Le prix des papiers de citoyen est devenu tellement élevé que même en travaillant des années, y a peu de chances qu'on amasse assez.
Pourtant, c'est mon but : me tirer d'ici. Je ferais tout pour ça.
Je suis dans notre planque et Clem revient avec des provisions. Il est plutôt costaud, bien plus que moi ; il doit pas avoir plus de vingt ans, mais je lui en donnerai plus en le regardant. La plupart des gens ne connaissent pas leur âge ici. Moi, je sais que j'ai quinze ans, parce que mes parents fêtaient mon anniversaire tous les ans. C'est là que j'ai compris comment le temps passait. Sous terre, on mesure pas le temps pareil qu'en haut. Les habitants des bas-fonds ont plutôt tendance à vivre au jour le jour.
Ma petite soeur n'a eu que huit anniversaires... Ca me fait toujours de la peine quand j'y pense...
Clem fait du thé et me demande si j'en veux. Un peu que oui ! J'aime bien cette boisson, ça sent bon et ça réchauffe, bien que je crache pas sur une bière à l'occasion. Clem en buvait pas auparavant... Je sais bien qui lui a refilé cette habitude, mais je veux pas trop me mêler de ses affaires... Ses histoires de fesses me concernent pas. A chaque fois que le nom de Livaï est prononcé - ce qui est rare -, on a l'impression qu'une armée de fourmis lui remonte le long du dos.
Je sais pas trop quoi en penser. C'est vrai qu'un type comme lui dans la bande serait une bonne affaire, mais il m'a l'air trop ombrageux... Pas sûr qu'il aime qu'on lui donne des ordres... Et puis, il a pas l'air d'avoir besoin d'aide ou de protection. Clem devrait vraiment lâcher l'affaire. Je le pense parce que j'ai bien l'impression qu'il a gardé l'idée dans un coin de sa tête...
En attendant, il est délicieux, ce thé noir. Très fort, comme je l'aime.
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Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]
Hayran KurguL'histoire de Livaï comme vous ne l'avez jamais lue. Le personnage le plus populaire de L'Attaque des Titans, le soldat le plus fort de l'humanité... Qui est-il vraiment ? Qu'a-t-il dans le coeur ? Qu'est-ce qui a fait de lui ce qu'il est ? Je me su...