La garnison nous a ordonné de faire abattre notre cheptel de porcs.
On était les seuls à produire de la viande dans les bas-fonds. De bonnes bêtes, aussi bonnes que celles de la capitale, je vous le dis ! Mais quand les premiers furoncles ont commencé à apparaître, j'ai su qu'on était cuits. Mon Achim et moi, on va devoir se trouver un nouveau travail.
On a appris que le Mur Sina était aussi infecté maintenant. On est cernés par la mort.
Qu'est-ce qu'on va devenir ? Avec nos deux gosses, il faut bien qu'on trouve de quoi croûter. On peut même pas manger la viande de nos bêtes, on nous a assuré que même morte, la chair contaminée pouvait tuer. Crever de ça ou d'autre chose, ma foi... Il nous reste notre bonne vieille jument, qui a l'air de tenir le coup. On l'a cachée dans une des pièces de la maison, on veut pas que des salauds viennent nous la tuer pour la bouffer.
Tout le monde crève la dalle. Les réserves de nourriture des bas-fonds sont au plus bas. Et ce sont pas les quelques morceaux de pain rassis que le gouvernement nous fait tomber généreusement dans le bec qui va arranger les choses. Même si y a déjà eu pas mal de morts, on est encore trop nombreux pour ce qui reste. Je me demande bien à quoi elle a servi, cette marche du mois dernier. La maladie s'est répandue quand même, et apparemment, personne a encore trouvé de solution. Ils feraient bien de se bouger le cul, là-haut. Ma petite Ilsa tiendra pas le coup, elle est malade depuis trois jours ; on l'a confinée dans sa chambre, je ne monte plus que pour lui donner un peu à boire ; mon grand, Furlan, tient le coup, mais je l'empêche de sortir autant que possible. Je sais qu'il a pas de bonnes fréquentations, et j'ai pas envie de perdre mes deux gosses...
Mon Achim revient de l'étable avec sa hache sur l'épaule. Il a fait leur affaire aux cochons déjà. Furlan le suit, le regard un peu dans le vague. Nous qui voulions lui léguer l'élevage... Il est bon en calcul et en affaire, et il a le sens du travail bien fait, il aurait fait un bon éleveur. Je me détourne de mes deux hommes, sans dire un mot, et je monte à l'étage. J'entends ma petite fille gémir doucement, comme dans un souffle. La garnison a dit que l'eau de la fontaine était peut-être contaminée, mais il faut bien qu'on boive quelque chose, non ? Je pense que ce sont des bêtises, l'eau de la fontaine, tout le monde en boit ici, et si tout le monde est pas encore mort, c'est qu'elle doit encore être bonne. J'en monte un verre à Ilsa. Avant, je mets un torchon sur ma bouche et mon nez.
Elle semble dormir mais je sais qu'elle souffre le martyr : les pustules qui couvrent ses cuisses l'empêchent de bouger, chaque mouvement est un calvaire pour elle. On aurait pu l'emmener au refuge, transformé en hôpital, mais elle voulait pas être toute seule. Elle est déjà si sage pour son âge... Mon petit ange... Je lui éponge un peu le front avec un linge et je la fait boire. Ses lèvres sont sèches... Elle ne mange plus rien depuis un moment déjà. Elle prétend ne rien pouvoir avaler. Mais Furlan, qui va de temps en temps voir sa soeur, m'a révélé qu'elle préférait nous laisser le peu de nourriture qui restait... Avoir conscience de la mort qui arrive, quand on a que huit ans... Chienne de vie... Je la voie rouler les yeux, elle va se mettre de nouveau à délirer...
Mes enfants sont très proches ; c'est pour ça que Furlan s'en va si souvent de la maison, il veut plus voir sa soeur malade.
J'entends le pas de mon mari dans l'escalier. Un autre torchon sur le nez, il me fait signe de le suivre. Je laisse ma petite Ilsa seule de nouveau ; à chaque fois, je me dis que c'est peut-être ma dernière visite... Achim enlève son torchon en bas des escaliers et me dit qu'on va devoir se résoudre à tuer la jument... Elle semble en bonne santé générale - bien que maigre comme tous les chevaux des bas-fonds - et sa viande ne doit pas être gâchée... De toute façon, si on le fait pas, les voisins risquent de le faire à notre place, alors autant prendre les devants.
Furlan va être si triste... Il adore cette bête... Mais ce qui compte, c'est de survivre le plus longtemps possible.
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Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]
FanfictionL'histoire de Livaï comme vous ne l'avez jamais lue. Le personnage le plus populaire de L'Attaque des Titans, le soldat le plus fort de l'humanité... Qui est-il vraiment ? Qu'a-t-il dans le coeur ? Qu'est-ce qui a fait de lui ce qu'il est ? Je me su...